Croisades 10

(Darras tome 23. p.365…)

 

§ III. Itinéraire de Godefroi  de Bouillon1 jusqu’à Constantinople.

 

23. « L'an de l'incarnation  de Notre-Seigneur  1096,  le  15  du   mois d'août2, dit Guillaume de Tyr, le chevalier illustre et magnifique, Godefroi de Bouillon duc de Lorraine, ayant réuni  tous  ses   principaux guerriers et terminé tous ses préparatifs, se mit en marche  pour Jérusalem. La princesse Anne Comnène porte à soixante-dix mille hommes d'infanterie et dix mille cavaliers les troupes qui arrivèrent à Constantinople sous le commande­ment de Godefroi de Bouillon. L'équipement d'une telle ar­mée nécessitait des frais immenses. Le duc n'hésita point pour y faire face à se dépouiller de ses biens patrimoniaux. Il céda son

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comté de Verdun à l'évêque Richer, successeur de Thierry le Grand, et reçut en retour des sommes considérables, prélevées sur toutes les églises du diocèse. Il engagea le duché de Bouillon, moyennant treize cent marcs d'argent et trois cents d'or, à l'évêque de Liège Otberi, qui fut obligé, pour compléter un paiement si énorme, d'employer tous les ornements, bijoux et pierres précieuses décorant les autels, les vases sacrés, les pupitres, les évangéliaires. On vendit jusqu'à la châsse d'or où reposaient les reliques de saint Lambert, patron de Liège. La mère du héros, la vénérable Ida, contribua de toute sa fortune personnelle à l'œuvre de la guerre sainte. Une généreuse émulation de sacrifice entraînait les filles, les épouses, les mères des guerriers qui allaient conquérir le tombeau de Jésus-Christ. Elles vendaient leurs parures, comme les chevaliers vendaient leurs domaines. Tout l'or de l'Europe semblait insuffi­sant à payer la rançon de Jérusalem. Partout, à côté de la croisade de l'épée, s'organisait la croisade de la prière. Godefroi de Bouillon plaça son entreprise sous la protection de saint  Michel.  La cathédrale d'Anvers, dédiée à ce glorieux chef des milices célestes, con­serve encore aujourd'hui un vitrail où le duc est représenté intro­duisant dans l'église les chanoines institués par lui à la charge de prier le glorieux archange pour le triomphe de la croisade 1.

 

24. L'itinéraire de Godefroi de Bouillon fut le même que celui de Pierre l'Ermite, avec qui, nous l’avons vu,  il   avait été concerté d'avance. « Le 20 septembre, reprend Guillaume de Tyr, la grande  armée arriva en  ordre parfait et sans aucun incident fâcheux à  Tollemburch (aujourd'hui Bruck-sur-Leitha) dans la province d'Ostérich (Autriche), sur les frontières du royaume de Hongrie. Là on apprit le massacre des légions de Gothescalc et d'Émicho. Justement alarmés de ces récits, les chefs convinrent de ne point poser le pied sur le territoire hongrois avant de s'être mis en rapport avec le roi du pays et d'en avoir obtenu le libre passage. Une députation fut donc envoyée à Colomann, pour lui demander le motif de ses pré­cédentes rigueurs contre les croisés, et sans trop insister sur les vieilles querelles, pour conclure avec lui une alliance pacifique. Il était

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impossible, en effet, sans des frais énormes, de changer l'iti­néraire adopté. Il fallait que le passage à travers la Hongrie s'effec­tuât librement. On choisit pour cette ambassade Henri d'Àsche, auquel Godefroi de Bouillon adjoignit douze « prud'hommes » de sa suite, entre autres son chambellan Stabulo et son sénéchal Baudri. Henri d'Asche et ses compagnons, introduits près de Coiomann, lui parlèrent en ces termes : « Notre maître illustre et magnifique, le seigneur Godefroi, et les autres serviteurs de Dieu, princes et chefs de la croisade, nous ont envoyés près de votre éminence pour sa­voir pourquoi les multitudes de chrétiens, dont nous avons rencon­tré les cadavres sur notre route, ont été par vous traités avec plus d'inhumanité que n'auraient pu en montrer les païens eux-mêmes. Si ces malheureux ont commis des crimes tels qu'ils aient mérité un châtiment si horrible, nous ne chercherons pas à les venger. Mais s'il en était autrement, nous ne saurions laisser impunie la mort de tant d'innocentes victimes2.» Godefroi d'Asche qui venait de tenir ce langage avait eu déjà précédemment l'occasion de se rendre à la cour de Hongrie. Peut-être avait-il accompagné le légat apostolique envoyé, quelques mois auparavant, à saint Ladislas par le pape Urbain II 1. Colomann profitant habilement de cette circonstance, y fit allusion dans sa réponse ainsi conçue : « Vous êtes déjà pour nous un ami, seigneur Godefroi, et une première fois vos relations avec ce pays nous ont fait apprécier votre mérite.  C'est donc avec joie que nous renouvellerons notre alliance avec un homme tel que vous, et que nous vous ferons connaître les véritables raisons d'un désastre dont la responsabilité ne saurait nous être imputée.  Nous sommes chrétiens, chrétiens fidèles,  et plût à Dieu  qu'il nous fût donné de justifier par nos actes un titre dont nous sommes fiers ! Les croisés qui précédèrent Émicho, aussi bien ceux de Pierre l'Ermite2 que ceux de Gothescalc, se sont livrés sur notre territoire aux plus affreux excès. En récompense de la généreuse hospitalité que  nous leur offrions de grand cœur, ils ont

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assiégé  les châteaux-forts, dé­vasté les campagnes, fait main basse sur les troupeaux, incendié les villages, brûlé les récoltes, laissant sur leur passage  une longue trace de sang et de ruines. Quand Émicho parut à son tour,  renou­velant les mêmes horreurs, il tomba sous le coup de la  vengeance populaire. Telle est l'exacte vérité; j'en jure par le Dieu vivant 1 et laisse à votre sagesse le soin d'apprécier maintenant notre ligne de conduite1. »

 

   25. « Après avoir ainsi parlé, continue le chroniqueur, Colomann fit castrum aux députés les honneurs d'une hospitalité vraiment royale. Il les retint dans son palais jusqu'au retour de messagers qu'il fit partir sur-le-champ, porteurs   d'une   lettre   adressée à Godefroi de Bouillon et conçue en ces termes : «  Nous savions déjà par la  re­nommée, et les faits actuels nous prouvent encore mieux, que vous êtes un haut et puissant prince,  aussi illustre par la naissance que par la valeur, digne de toute la considération dont  vous jouissez parmi les Francs. La sincérité de votre foi, l'élévation de votre ca­ractère, la grandeur de votre génie, vous ont créé des admirateurs dans les contrées les plus lointaines. Nous sommes du nombre. La bonne odeur de vos vertus, l'éclat qui s'attache à votre nom, nous inspirent le plus vif désir de vous connaître personnellement, et de rendre à votre mérite les hommages qui lui sont dus. Les nobles guerriers qui vous suivent sont eux-mêmes la fleur de la chevalerie chrétienne. Vous comprendrez donc que nous ne puissions négliger l'occasion de vous entretenir dans un sentiment de fraternelle ami­tié, pour concerter ensemble toutes les mesures que vous jugerez utiles au succès de votre glorieuse entreprise. Le rendez-vous sera au de Gypéron (aujourd'hui Soprony, ville hongroise que les Allemands nomment AEdenburg, près du lac Neusiédel). Faites-nous la grâce de vous y transporter, afin que nous puissions jouir de votre glorieuse présence1. »

 

   26. « L'armée des croisés n'avait aucune confiance dans la bonne foi de Golomann, dit Albéric d'Aix. Le roi de Hongrie ne cherchait en effet qu'à gagner du temps ; il voulait en prolongeant les négo-

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ciations déterminer les chevaliers de la croix à prendre un autre itinéraire et à s'éloigner de ses états. « Aussi, à la réception de sa lettre, ajoute le chroniqueur, un conseil de guerre délibéra long­temps sur le parti auquel on s'arrêterait. Enfin il fut convenu que Godefroi de Bouillon, avec une escorte de trois cents chevaliers, irait au rendez-vous. Arrivé en vue de Cypéron, le roi vint à sa rencon­tre jusqu'au milieu du pont qui conduisait à la forteresse. De part et d'autre l'escorte fut laissée en arrière, chacun des augustes interlocuteurs ne devant être accompagné que de trois officiers seulement. Ceux de Godefroi de Bouillon furent le très-noble Garnier de Gray, son parent, Rainard et Pierre de Toul. Le duc salua courtoisement le roi, et ils se donnèrent l'accolade. Ils s'entretinrent alors de di­vers sujets, tous ayant rapport à la situation actuelle et aux moyens de rétablir la concorde entre les chrétiens, inter se diversa habuere colloquia de concordia et reconciliatione  Christianorum 1. » Ces paroles d'Albéric d'Aix, dont les auteurs modernes ne paraissent pas avoir saisi toute la portée, donnent à la négociation entreprise par le chef des croisés un caractère plus large et plus étendu qu'on ne l'a jusqu'ici supposé. Le schisme de l'antipape  Wibert et la  persé­cution du pseudo-empereur Henri IV étaient les  seules causes  des funestes et sanglantes divisions qui déchiraient l'Europe chrétienne. Les massacres dont la Hongrie venait d'être le théâtre, et dont Colomann s'était fait le complice, n'avaient pas eu d'autre motif. Ce fu­rent là, sans nul doute, « les sujets divers » traités par les deux in­terlocuteurs. Godefroi de Bouillon dut rappeler au nouveau roi  de Hongrie l'attitude, si chevaleresque à la fois et si chrétienne, de son oncle et prédécesseur saint Ladislas, lequel  avait accepté le  com­mandement suprême de la croisade,   à la requête du pape légitime Urbain II et de tous les princes de l'Occident 1. La mort inopinée de Ladislas les avait privés d'un chef dont l'autorité eût été  acceptée sans conteste par les plus illustres guerriers.   Mais il ne fallait pas qu'à la douleur d'une pareille perte

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les croisés eussent encore à ajou­ter celle de voir la Hongrie, primitivement désignée comme leur base d'opération, tourner contre eux  ses armes. Le but principal que se proposait Godefroi de Bouillon était donc de détacher Colomann de son alliance avec Henri IV d'Allemagne et avec le parti schismatique de l'intrus Clément III, pour le faire entrer dans le concert européen sous l'obédience du pape Urbain II. L'importance d'une telle négociation  dépassait de beaucoup  celle d'une simple question de libre passage, laquelle aurait pu se vider en quelques heures. Le duc n'hésita point à sacrifier plusieurs  semaines, dans l'espoir d'atteindre, s'il était possible, ce glorieux résultat.

 

   27. « Ses rapports avec Colomann prirent un tel caractère d'intimité, reprend Albéric d'Aix, que se remettant entièrement à sa discrétion, il renvoya les trois cents hommes de Tollemburch, dont le commandement resta confié à son frère Baudoin. Suivi seulement de douze chevaliers, il entra avec le roi sur le territoire de Hongrie. Les magnats de ce pays  lui firent une réception triomphale. Durant les huit jours que dura cette excursion, les fêtes ne discontinuèrent pas. On accourait de toutes parts à la rencontre du héros, et la foule se montrait avide de contempler ses traits 1. » Malgré ces démonstrations extérieures, Colomann persé­vérait dans son système d'hostilité sourde ; ses sentiments à l'égard de la croisade ne s'étaient nullement modifiés. «Chaque jour, con­tinue le chroniqueur, il tenait de longues conférences avec les prin­cipaux seigneurs de son conseil pour aviser aux moyens de préser­ver son royaume du danger que pouvaient lui faire courir l'intro­duction et le passage d'une armée si nombreuse. Enfin, il prit une décision irrévocable et la signifia immédiatement au duc, lui décla­rant qu'à moins de remettre en otages les principaux chefs de son armée, il ne lui serait permis ni à lui ni à ses soldats de traverser la Hongrie. » Cette injurieuse condition était motivée sur la nécessité de prévenir les désordres et les excès toujours à craindre de la part d'une telle multitude, traversant en armes un territoire étran-

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ger. Peut-être Colomann avait-il espéré que la loyauté chevaleres­que de Godefroi de Bouillon se révolterait contre une pareille pro­position. « Il n'en fut rien, reprend l'annaliste. Leduc accéda à tout ce que demandait le roi ; il promit de livrer les otages réclamés, mais en exigeant de Colomann l'engagement écrit de laisser désor­mais à tous les pèlerins qui pourraient dans la suite se rendre à Jé­rusalem le libre passage à travers ses états, avec la faculté d'y ache­ter des vivres, au taux ordinaire, sur tous les marchés. Un traité fut conclu en ce sens : le roi et tous les princes de Hongrie le signè­rent et jurèrent par un serment solennel de ne plus faire aucun tort aux pèlerins. » Après la ratification de ce pacte, Colomann éleva une nouvelle prétention ; celle de choisir lui-même, parmi les sei­gneurs croisés, les otages qui seraient à sa convenance.il désigna aussitôt le comte Baudoin de Boulogne avec toute sa maison. Bau­doin, en effet, s'était fait suivre à la croisade par sa femme Conté-childe. Colomann allait donc avoir entre ses mains le sort du frère et de la belle-sœur de Godefroi de Bouillon. Le héros dédaigna  de relever ce qu'il y avait de blessant pour lui-même dans cette nou­velle exigence. Des outrages venus de si bas ne pouvaient l'attein­dre. « Il accepta encore, reprend Albéric d'Aix, et fit immédiate­ment partir un message pour enjoindre à l'armée de se mettre en marche, et de venir camper sur la rive gauche de la Leitha, en vue de la forteresse de Cypéron 1. »

 

   28. « La communication de cet ordre combla de  joie les croisés, dit le chroniqueur. Leur inquiétude avait été grande, durant les huit jours qui venaient de s'écouler en l'absence de  leur chef, et sans aucune nouvelle de sa part. Ils craignaient quelque trahison du roi de Hongrie, ils tremblaient sur le sort de Godefroi de Bouillon, attiré peut-être dans un guet-apens et barbarement égorgé. Leurs alarmes se dissipèrent, comme un songe au réveil. Pleins d'allé­gresse, ils vinrent dresser leurs tentes sur les rives de la Leitha, où Godefroi de Bouillon les rejoignit bientôt. Mais quand il eut fait con­naître les conditions exigées par Colomann et le traité conclu avec lui, la

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douleur et la consternation recommencèrent. Baudoin refusa de se constituer, avec sa femme et sa maison, l'otage d'un roi par­jure. Il accentua énergiquement son refus, et résista à toutes les ins­tances de son frère. La croisade allait ainsi échouer sans retour, lorsque Godefroi de Bouillon déclara que, laissant le commande­ment à Baudoin il irait en personne le remplacer comme otage, afin d'assurer le libre passage de l'armée sur le territoire hongrois. Cet acte de générosité triompha des résistances de Baudoin, qui se ré­signa à se laisser transporter en exil pour le salut de ses frères. Le jour même, l'armée traversa le fleuve et campa enfin sur un sol tant disputé. Les hérauts d'armes parcoururent tous les quartiers pour donner lecture d'une proclamation du duc, portant peine de mort contre quiconque se rendrait coupable de vols, de rapines, de violences ou autres actes séditieux, dans le royaume de Hongrie. En même temps, Colomann faisait publier dans tous ses états l'ordre de tenir prêts sur le passage de l'armée les approvisionnements néces­saires en blé, orge, pain, vin, bestiaux,  gibier, avec défense aux Hongrois, sous peine de mort, de surenchérir sur les prix habituels, et de molester en aucune façon les croisés. Ainsi l'armée continua sa marche par étapes quotidiennes, en silence et en paix, trouvant partout des provisions à prix raisonnable, sans contestation aucune. On parvint de la sorte jusqu'aux rives escarpées de la Drave. Le fleuve fut franchi, à l'aide de radeaux formés d'arbres reliés entre eux par des branches d'osier. Colomann, à la tête d'un corps nom­breux de cavalerie, et accompagné de ses otages, se tenait à l'aile gauche de l'armée, dont il surveillait avec soin les moindres mou­vements. On arriva ainsi à la Male-Ville (Semlin), sur les bords de la Save, limite extrême de la Hongrie, où l'on fit une halte de cinq jours pour se préparer au passage de cette grande rivière. Godefroi de Bouillon fut alors avisé que l'empereur de Gonstantinople, Alexis Comnène, faisait partir une armée pour s'opposer au passage des croisés dans la province limitrophe de Bulgarie. Sur cette nouvelle, vraie ou fausse, le conseil de guerre immédiatement réuni décida que mille cavaliers, armés de toutes pièces, seraient aussitôt trans­portés par trois navires, les seuls qui

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se fussent trouvés sous la main, de l'autre côté de la Save, où ils prendraient position, et pro­tégeraient, à tout événement, le passage du reste de l'armée. L'or­dre fut exécuté sur le champ : les cavaliers d'avant-garde ne signa­lèrent aucune force ennemie, et la traversée s'accomplit sur des ra­deaux sans aucun incident. Dès lors on n'était plus sur le territoire hongrois. Colomann ramena au camp des croisés Baudoin, sa femme et les autres otages : il les remit à Godefroi de Bouillon, dont il prit congé, non sans de grandes démonstrations d'hypocrite amitié, et retourna en paix dans son royaume 1.

 

   29. « La nuit suivante,  reprend le chroniqueur, l'armée   campa  dans la cité de Belgrade, dévastée depuis les derniers événements. Le lendemain, dès le point du jour, on se mit en marche à travers les immenses forêts de la Bulgarie.Un messager de l'empereur grec arriva alors, porteur d'une lettre ainsi conçue :« Alexis empereur de Gonstantinople au duc Godefroi et à ses compagnons, gage de dilection sincère. — Je vous prie, duc très-chrétien, de prendre des mesures pour empêcher votre armée de piller ou dévaster sur son passage les terres soumises à mon empire. Contentez-vous de la licence commerciale que je vous accorde, et vous trouverez dans mes états tout ce qui pourra vous être nécessaire. » Le duc ré­pondit qu'il se conformerait rigoureusement aux instructions im­périales. Il fît en effet publier l'ordre de s'abstenir de toute violence, de payer intégralement toutes les denrées, sauf le fourrage, telle­ment abondant dans ces contrées qu'il y était de nulle valeur. Tout se passa conformément aux désirs d'Alexis, et ce prince s'en montra en apparence tellement reconnaissant, qu'à leur arrivée à Nissa, les croisés trouvèrent dans cette ville d'immenses magasins de blé, orge, vin, huile, gibier, et provisions de toutes sortes, que l'empe­reur mettait gratuitement à leur disposition. La même hospitalité les attendait à Sternitz, puis à Philippopolis, où l'armée séjourna durant toute une semaine1. » Un incident inattendu se produisit alors et motiva ce long retard.

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon