Islam 31

Darras tome 32 p. 103

 

33. Innocent VIII sentait tout l'avantage  qu'on aurait pu retirer pour la cause chrétienne de la lutte engagée entre les deux grands chefs de l'Islam : il s'efforça, par une nouvelle encyclique, d'entraîner les fidèles dans une prompte croisade, pleinement justifiée par les excursions continuelles des Turcs et des Tartares contre la Po­logne, la Hongrie, l'Allemagne orientale, par les hardis coups de main des corsaires ottomans sur le littoral italien. De l'Angleterre et de l'Irlande il s'attachait surtout à obtenir des subsides pécu­niaires ; pour le recrutement des troupes, il comptait principale­ment sur les diverses contrées de la Germanie : dans ce but il fit partir un légat chargé de mettre fin aux hostilités entre princes germains et de tourner leurs  armes contre  l'ennemi commun2.

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1 Bosius, p. 2,1. XIV.

2.Lib. Bull, xxxvn, pag. 232; XL, pag. 308.

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p104          pontificat d'innocent vin (1484-1492).

 

   Un autre légat reçut l'ordre de réconcilier le roi de Pologne avec les chevaliers de Prusse pour les unir contre les Moscovites, et ce même évêque eut mission de terminer les différends qui s'étaient élevés entre le roi Jean de Danemarck et la noblesse de ses Etats ; ce pays, après sa pacification, pourrait fournir des soldats contre les Tartares. On était d'autant plus en droit d'attendre ces secours du Danemarck, que la reine Dorothée était en route pour l'accom­plissement de son vœu d'aller en pèlerinage au Saint-Sépulcre, et qu'après être entrée à Rome, le 23 avril 1488, elle n'abandonna son pieux projet qu'en vertu d'une dispense du Souverain Pontife, dis­pense accordée en considération des guerres qui désolaient l'Orient '. L'année suivante, ce furent des dissentiments entre le Danemarck et la Suède que le Saint-Siège dut apaiser. En sorte que la Pologne eut à pourvoir seule à sa défense contre les envahisseurs. Ceux-ci s'étant jetés sur la Podolie, en 1489, Casimir leur opposa son fils Jean Albert, qui remporta deux victoires décisives et les refoula dans les steppes de la Russie2. Pendant que le Pape faisait de vains efforts pour arracher les princes chrétiens à leurs funestes discordes, Jo­seph Barbaro, ambassadeur de Venise à la Cour de Perse, multi­pliait les démarches auprès d'Usumcassan pour déchaîner ce prince contre les Turcs. Usumcassan avait promis, et trente mille cavaliers étaient accourus sous ses étendards; mais une fois à la tête de cette armée, au lieu de marcher contre les Infidèles, il fondit à l'improviste sur les Chrétiens de la Géorgie, mit tout à feu et à sang dans cette province, retint la ville de Zitil en sa possession et ne rendit le reste de leurs Etats aux rois Pancrace et Gurgura qu'au prix d'une forte rançon.

 

   34. Joseph Barbaro, perdant tout espoir de  soulever la Perse contre les Ottomans, se mit en route pour retourner en  Europe.  A Tauris, il apprit la mort d'Usumcassan et reçut les  détails  de la scène tragique, qui l'avait immédiatement suivie. Le défunt laissait quatre fils, dont trois du premier lit. Dès que leur père eut rendu le dernier soupir, les trois frères utérins firent étrangler leur jeune

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1Bdrchahd. }fs. arch. Vat. in Diar. pag. 825. 2. ihcBov. iv, 64. — Ceomer. xxix.

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p105 CHAP.   II.   —  LES   ENNEMIS   DU  PAl'E.

 

frère, âgé de vingt-deux ans, et se partagèrent l'héritage paternel. Plus tard, l'ambassadeur vénitien fut informé que le fils cadet d'Usumcassan, après s'être emparé des biens de son frère aine, l'avait fait assassiner par ses sicaires1. Ces discordes civiles parmi les Per­sans, ôlaient à la république de Venise la possibilité, pour longues années peut-être, de faire intervenir contre  l'empire turc  un  peu­ple dont l'alliance avait maintes fois utilement  servi  ses  intérêts. Elle prit aussitôt d'autres mesures destinées à garantir le maintien de sa puissance coloniale. La reine Catherine Cornelio,  que la  ré­publique avait déclaré sa fille d'adoption, administrait le  royaume de Chypre depuis la mort de son mari Jacques de Lusignan. Il était à craindre que cette femme, sans expérience des choses de la guerre, défendit mal son sceptre contre un ennemi puissant comme l'était Bajazet, s'il prenait envie à l'ambitieux successeur de Maho­met Il de tenter une conquête qu'il avait pour  ainsi  dire sous  la main. Les Vénitiens envoyèrent à Catherine son frère Georges pour lui remontrer le péril auquel l'exposait son isolement, et lui suggé­rer l'idée de céder son royaume à la république.  En retour  celle-ci lui girantirait une retraite honorable et sûre. La reine se rendit au conseil de son frère et quitta l’ile, sans que son départ y provoquât le moidre mouvement de  la  population.  Elle fut transportée et reçue à Venise en grande pompe. Georges Cornelio fut fait  cheva­lier, et quelques années plus tard le Pape Alexandre VI gratifia  de la pourpre cardinalice un jeune fils du noble Vénitien.  Le  gouver­nement de Chypre fut confié à l'amiral François Privolo, avec l'ap­pui d'une puissante flotte pour repousser les Turcs, au cas  où ils tenteraient d'aborder dans l’ile, dont  on  leur  avait  interdit  l'ac­cès2.

 

35. Le Saint-Siège favorisa d'autant plus volontiers celte politique de précautions, d'expectative armée, suivie par la république de Venise à l'égard des Turcs, que les troubles  civils, sans  cesse  renaissants en Italie et jusque dans les Etats pontificaux, ne lui  lais-

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1 .los. Caiiiur. Wner. in Per.i

2.Sahf.i.. Ennemi. 10.  lib. V. — Bosius,  part, n,  lit». XIV.  —  NArGEK.  Hist. Ven-.t. auD. 148S et 1489.

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p106  pontificat d'in.nocent viii (1484-1492).

 

saient qu'un bien faible espoir d'aboutir à l'organisation de la croi­sade. Ainsi, en 1488, le comte Jérôme Riario, prince de Forli, pour avoir été trop despote, tombe sous les poignards d'une conjuration. Les habitants de Forli, redevenus libres, demandent des secours au Pape en se donnant à lui. Mais la femme du prince assassiné, Ca­therine, de la race des princes Milanais, usant de supercherie, offre de livrer la citadelle s'il lui est permis d'y entrer, et dès qu'elle en a franchi et refermé la porte, cause à la ville des dommages si grands, qu'avec l'aide des Milanais elle parvient à recouvrer la prin­cipauté pour ses enfants ; puis elle fait livrer au supplice les chefs des pontificaux accourus au secours de ses sujets. Le Souverain Pontife, pour ne pas s'attirer la guerre avec le duc de Milan, se vit contraint de dévorer en silence cet injurieux traitement. A la même époque, le 2 juin, Galeotti Malatesta, seigneur de Faventia, était massacré dans son lit. Sa veuve était fille de Jean Bentivoglio, qui venait de s'emparer du pouvoir à Boulogne. Celui-ci se hâta d'ac­courir pour venger la mort de son gendre ; mais il faillit périr dans cette entreprise et ne dut son salut qu'à l'intervention de Laurent de Médicis. Ferdinand de Naples venait de violer la frontière de l'Etat ecclésiastique du côté de Réate ; le duc de Calabre avait es­sayé d'en faire autant du côté de la Campanie. Les Bracchio s'é­taient rendus maîtres de Pérouse, après avoir jeté leurs adversaires en exil ; Innocent leur ayant envoyé le cardinal de Sienne, ils ne reçurent le légat qu'à la condition expresse que les exilés ne se­raient point rapatriés. Les vieilles haines entre Guelfes et Gibelins s'étant tout-à-coup ravivées, des meurtres et des massacres en fu­rent la conséquence. Tuderte et plusieurs villes du Picénum firent défection ou chancelèrent dans leur fidélité au Saint-Siège. Nom­bre d'historiens rejettent sur Innocent VIII la responsabilité de ces désordres : ils l'accusent de mollesse dans la répression des Grands, qui profitaient de cette tolérance pour tenter d'usurper le pouvoir dans leurs pays respectifs1. Que ne diront-ils pas, pour la raison contraire, d'Alexandre VI et de Jules II?

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1 Lasser. Ms. Arch. Vatic. sign. num. 111. — Sabel. Ennead. 10, lib. VIII.

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p107 CHAP.   II.   —  LES   ENNEMIS   DU  PAI'E.

 

   36. Bajazet, écrasé en Asie par les Mamelucks, trembla de  les Chrétiens profiter de cette circonstance pour embrasser la cause de son frère Zizim et lui déclarer la guerre. Il fit partir pour la Cour de France un ambassadeur qui fut à Paris au commencement de 1189. Zizim n'était précisément pas soumis aux rigueurs de la dé­tention ; il était traité, sous la garde des chevaliers de Rhodes, avec tous les égards dus à sa naissance, et la Cour de Constantinople ne payait pas moins de 49,000 ducats d'or, monnaie de Venise, pour son entretien. Les précautions militaires prises autour de sa personne l'étaient uniquement pour empêcher qu'il pût être victime de quelque guet-apens ourdi par son frère. Il était si peu prison­nier, dans le sens ordinaire de ce mot, qu'il avait passé de Rhodes en France sur sa réclamation spontanée, parce qu'il regardait l'éloignement de Constantinople comme une condition de sûreté pour lui. Il ne faut pas oublier que ce prince, en demandant asile aux chevaliers de Rhodes, avait pris l'engagement de ne rien faire que sur leur conseil, avec leur consentement, et qu'il s'était mis à leur discrétion. Le droit des gens ne fut donc point violé par les cheva­liers, quoi qu'on ait pu dire, ni lorsqu'ils lui permirent d'aller en France, ni lorsqu'ils transmirent au Pape la garde de sa personne. Bajazet faisait donc fausse route en s'adressant à Charles VIII, qui pouvait tout au plus appuyer sa requête auprès du grand maître, mais qui, n'ayant aucun droit sur Zizim, devait s'incliner, quelle que fût la réponse, comme il l'avait fait déjà du reste lorsque Pierre d'Aubusson avait répondu par un refus aux instances de Matthias de Hongrie1. L'ambassadeur du sultan priait Charles VIII de ne pas laisser sortir Zizim de ses états ; pour reconnaître ce service, il promettait de rendre toutes les saintes reliques dont s'était emparé Mahomet II à Constantinople et dans d'autres villes d'Asie et d'Eu­rope, de faire tous ses efforts pour arracher la Terre Sainte aux Egyptiens et la livrer aux Français, enfin de payer annuellement une rente supérieure pour l'entretien de son frère. Pierre d'Aubusson, consulté par le roi de France, aurait-il favorablement accueilli ces

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1Cod. Melitens. tom. II, in AJdit.  num.  23, 31,  43,  46, 138 et pag. 426. 601. /

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p108 PONTIFICAT d'innocent VIII (1484-1492).

 

propositions? On ne peut rien conclure à ce sujet : la demande arri­vait trop tard ; vaincus par les instances du Souverain Pontife, les chevaliers avaient remis Zizim aux internonces Apostoliques. Le prince turc fut reçu en grande pompe à Rome : toute la suite du Pape et des cardinaux s'était portée au-devant de lui, faisant cor­tège à l'ambassadeur du sultan d'Egypte, envoyé par son maître à la cour pontificale pour soulever les princes chrétiens contre Rajazet, et concerter avec eux les plans de guerre contre Constantinople. Cette entrée solennelle de Zizim à Rome eut lieu le 13 mars 1489. Le prince était à cheval, la tête recouverte d'un grand voile blanc selon l'usage de sa nation, ayant à sa droite François Cibo comme réprésentant du pape, et le prieur d'Auvergne, neveu du cardinal, comme représentant du roi de France. On remarqua qu'il ne se dé­couvrit jamais et se contenta par moments d'incliner légèrement la tête. Le lendemain, il fut, avec l'ambassadeur d'Egypte, admis en la présence d'Innocent. Ils ne rendirent, ni lui ni l'ambassadeur, les honneurs au Souverain Pontife, ni selon la coutume musulmane ni selon le cérémonial chrétien. L'entrevue toutefois fut des plus cor­diales, et, si cette campagne diplomatique demeura sans résultats, il ne faut en accuser que la persistance des discordes entre les prin­ces occidentaux1.


§ VI. DERNIÈRES TRIBULATIONS.

 

    37. L'égale obstination de Ferdinand de Naples à ne pas rentrer dans son devoir, après la violation flagrante du traité de 1486, mit le Souverain Pontife dans la nécessité de faire intervenir Ferdinand d'Ara­gon comme ministre de réconciliation et de paix. Le monarque rebelle demeura réfractaire à toutes les tentatives qui furent faites pour le ramener par la douceur ; il chercha même à rejeter sur Innocent, par d'odieuses calomnies, la responsabilité de tout ce qui

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1 Jali^. Hist. Crtrol. VIII, annn 1489. — Infisser. Ms. Arch. Vntic. sisn. mita. Hl. — Vialard. Vit. Innocent. VIII, eodem anno. — Bosic?, part, u, Iib. XIV. — Bubcbabd. Ms. Arch. Vatic. p. 885.

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p109 CHAP.   II.   —  DERNIÈRES  TRIBULATIONS.  

 

se passait. Il n'y avait plus qu'à recourir aux moyens de rigueur : le jour de la fête des apôtres Pierre et Paul, le Pape le mit sous le coup de l'anathème, dans le cas où, avant deux, mois, il n'aurait pas acquitté le cens. La guerre paraissait inévitable : le même jour, le commandement de l'armée pontificale fut confié à Nicolas des Ursins, comte de Pitilia. Je laisse à penser quelle fut la colère du Napolitain à cette nouvelle : il répondit par la menace d'une inva­sion dans le domaine pontifical, et par un appel au futur Concile. Le Pape ne fléchit pas : au cours du même mois de septembre 1489, il déclara que le royaume de Sicile, fief appartenant à l'Église Romaine lui retournait de droit pour violation des traités. Aussitôt parut une bulle, dans laquelle il prononçait la déchéance du roi Ferdinand, avec cette précision que, s'il lui arrivait désormais de l'appeler roi de Naples, il n'entendrait point par là le confirmer dans la possession de ce royaume. Ferdinand, de son côté, se préparait à résister aux édits pontificaux par les armées: il avait déjà confié le commandement de ses troupes à Virginio des Ursins, ennemi personnel d'Innocent. Mis en demeure de répondre à la rébellion par la force, le Souverain Pontife résolut d'appeler le roi de France Charles VIII. Ce prince n'avait-il pas des droits à la couronne de Na­ples, ne (lui) revenait-t-elle pas en vertu du testament de René ler ? Charles étant en guerre avec Maximilien d'Autriche, roi des Romains, les efforts de la diplomatie pontificale tendirent d'abord à réconcilier ces deux souverains. En premier lieu, ceux-ci semblèrent répondre aux désirs du Saint-Siège : une trêve fut conclue à Senlis ; mais celle fut rompue bientôt après et les hostilités recommencèrnt. C'est que le roi d'Espagne, qui voyait de mauvais œil tout accroissement de la puissmee française, s'était mis en travers des projets de Charles VIII par une alliance avec Maximilien d'Autriche, le roi d'Angleterre et le duc de Bretagne1.

 

33. La guerre entre les Turcs et les Mamehicks prenant de jour en jour un caractère de  gravité plus  prononcé, les deux sultans lutté-  

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1.fi:riT. -innol. XX, 8,20, 82.— Bi'RCimki). Ma. An.h. Ynlk. |>n«. 000.— Iitfissm!. M-.-. Arch. Vatic. si^n. mini. 111. — V'olaieb. xxa. — Viauisb. Vit. Inno -un . V.!!, ;iuao 14S3. — Commis, vu, 3. — Bonus. Dec. 4, lib. VllI.

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p110          pontificat d'innocent VIII (1484-1492).

 

rent d'adresse diplomatique, en 1490, pour obtenir du Pape la ces­sion de Zizim. Bajazet se plaignait amèrement de ce que Pierre d'Aubusson avait livré le prince turc au Souverain Pontife. Le grand maître de Rhodes s'efforça de le calmer par une bonne ex­cuse et par de douces paroles : il n'avait pas pu se mettre en ré­volte ouverte contre la volonté du père et du prince commun de tous les Chrétiens ; il valait mieux, dans l'intérêt même de la Tur­quie, que Zizim fût au pouvoir d'un souverain, qui ne disposait que de forces insignifiantes, qu'à celui d'un monarque puissant comme l'était le roi de France : ce dernier n'eût pas manqué bientôt de chercher à rétablir sur le trône paternel un prince dont il pouvait disposer à son gré. Pierre d'Aubusson voulait par ce moyen gagner le temps nécessaire au Souverain Pontife pour organiser la croisade. Bajazet accepta ou feignit d'accepter la réponse comme un oracle infaillible, et, rendant ses bonnes grâces au grand maître, il en­voya une ambassade à Rome pour la négociation d'un modus Vi­vendi qui permît d'espérer une paix durable entre les puissances chrétiennes et l'empire ottoman. Le 30 novembre 1490, cette ambas­sade fut reçue avec les plus grands honneurs. L'envoyé de Bajazet portait cent vingt mille ducats d'or et des dons d'une richesse sans égale, promettant, en outre, quarante mille ducats par an pendant trois ans, si le Pape s'engageait à ne pas laisser sortir Zizim de Rome. A ces propositions, l'ambassadeur de Caït-Bey, sultan du Caire, en opposait d'autres, qui semblaient répondre bien mieux aux intérêts de l'Eglise ; il offrait, comme rançon de Zizim, quatre cent mille ducats, la restitution à perpétuité de Jérusalem et de son ter­ritoire, le libre passage et la sécurité avec exemption de tout péage pour les pèlerins désireux de visiter les Saints Lieux, et enfin la restitution à l'Eglise de toutes les anciennes possessions des Chré­tiens qui pourraient être enlevées à l'empire turc, s'agirait-il même de Constantinople. Ces offres contradictoires de l'un et de l'autre sultan furent l'objet de discussions animées et fréquentes en conseil des cardinaux.

 

   39. Enfin, le 28 décembre, l'ambassadeur de Bajazet pria le Pape de lui accorder une entrevue avec Zizim, disant qu'il avait ordre de

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p111 CHAP.   II.   — DERNIÈRES  TRIBULATIONS.   

 

ne prendre aucun engagement définitif qu'après s'être assuré par lui-même et de visu que ce prince était vivant. Zizim voulut, pour donner cette audience, être assis sur un trône avec tout l'appareil de la majesté souveraine. Le message de Bajazet ne fui lu à son frère qu'après que l'ambassadeur eut promené sa langue sur toutes les parties de l'enveloppe et de la lettre ; des présents envoyés, le prince ne voulut en accepter aucun pour lui-même, permettant toutefois aux gens de sa suite de les recevoir 1. Ce luxe de précau­tions n'a rien qui puisse surprendre, Bajazet ayant tenté quelques mois avant, de faire empoisonner son frère. Christophe Macrin de Castrana, furieux d'avoir été violemment expulsé de son domaine par un fonctionnaire pontifical, s'était rendu à Constantinople et avait promis au sultan de le débarrasser de Zizim et d'Innocent VIII. Chargé d'or et de riches présents, avec la promesse, en outre, qu'il serait fait amiral et prince de Nègrppont s'il réussissait dans son entreprise, Christophe revint à Rome, portant une fiole pleine d'un poison subtil qu'il devait jeter dans la fontaine où l'on puisait l'eau que le Pape et Zizim buvaient d'habitude. Pris au milieu des dé­marches suspectes qu'il faisait pour parvenir à la perpétration de son crime, il avait tout avoué. Au mois de mai, les bourreaux, après l'avoir promené dans toute la ville, avaient arraché ses mem­bres un à un avec des tenailles chauffées à blanc, et l'on avait ex­posé de ces lambeaux à chacune des-portes de Rome. Si Christophe s'était assuré des complices avec l'or du grand turc, ces exemples d'une juste sévérité leur inspirèrent certainement une terreur salu­taire. On ne pouvait pas oublier à la cour pontificale que Bajazet n'avait pas caché son vif dépit en apprenant l'insuccès de cette tentative d'empoisonnement, et qu'il avait, dans le mouvement de sa colère, juré d'envahir l'Italie et d'aller lui-même en retirer Zizim les armes à la main. Maximilien d'Autriche, à cette époque, avait donné les renseignements les plus précis au Pape, lui promettant le secours de son épée et le pressant de hâter la conclusion 2 de la

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1 Bo'ius, p. 2, 1. XIV. — Infissur. Ms. Arch. Vatic. sign. nura. 111. . Buri hard. Diar. Ms. arch. Va;ic. pag. 95. — Vialard.   Vit. Innocent. VIII, .anno 1190.

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