12. --------La doctrine sociale est construite sur le fondement transmis par les Apôtres aux Pères de l’Église, reçu et approfondi ensuite par les grands Docteurs chrétiens. Cette doctrine renvoie en définitive à l’Homme nouveau, au « dernier Adam qui est devenu l’être spirituel qui donne vie» (1 Co 15, 45), principe de la charité qui « ne passera jamais » (1 Co 13, 8). Elle reçoit le témoignage des saints et de tous ceux qui ont donné leurs vies pour le Christ Sauveur dans le domaine de la justice et de la paix. ----------
13. -------- Paul VI comprit clairement que la question sociale était devenue mondiale [25] et il saisit l’interaction existant entre l’élan vers l’unification de l’humanité et l’idéal chrétien d’une unique famille des peuples, solidaire dans une commune fraternité. ---
14. ------Paul VI avait déjà mis en garde contre l’idéologie technocratique, particulièrement forte aujourd’hui [26]. ------Absolutiser idéologiquement le progrès technique ou aspirer à l’utopie d’une humanité revenue à son état premier de nature sont deux manières opposées de séparer le progrès de son évaluation morale et donc de notre responsabilité.
15. -----------
L’encyclique Humanæ vitæ souligne la signification tout à la fois unitive et procréative de la sexualité, posant ainsi comme fondement de la société le couple des époux, homme et femme, qui se reçoivent l’un l’autre dans la distinction et dans la complémentarité; en tant donc que couple ouvert à la vie [27]. Il ne s’agit pas ici de morale purement individuelle: Humanæ vitæ montre les liens forts qui existent entre éthique de la vie et éthique sociale, en inaugurant une thématique magistérielle qui a pris corps dans différents documents, et finalement dans l’encyclique Evangelium vitæ de Jean-Paul II [28]. ---------
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-------- « Il n’y a donc d’humanisme vrai qu’ouvert à l’Absolu, dans la reconnaissance d’une vocation, qui donne l’idée vraie de la vie humaine » [37]. Cette vision du développement est le cœur de Populorum progressio et anime toutes les réflexions de Paul VI sur la liberté, la vérité et la charité dans le développement. ------
17. La vocation est un appel qui réclame une réponse libre et responsable. Le développement humain intégral suppose la liberté responsable de la personne et des peuples: ------ Les « messianismes prometteurs, mais bâtisseurs d’illusions » [38] fondent toujours leurs propositions sur la négation de la dimension transcendante du développement, ------ Cette fausse sécurité se change en faiblesse, parce qu’elle entraîne l’asservissement de l’homme, réduit à n’être qu’un moyen en vue du développement, tandis que l’humilité de celui qui accueille une vocation se transforme en autonomie véritable, parce qu’elle libère la personne. -------« chacun demeure, quelles que soient les influences qui s’exercent sur lui, l’artisan principal de sa réussite ou de son échec » [39]. ------ Le développement ne peut être intégralement humain que s’il est libre; seul un régime de liberté responsable lui permet de se développer de façon juste.
18. Outre la liberté, le développement intégral de l’homme comme vocation exige aussi qu’on en respecte la vérité. La vocation au progrès pousse les hommes à « faire, connaître et avoir plus, pour être plus » [41]. Mais là est le problème: que signifie « être davantage »? À cette question, Paul VI répond en indiquant la caractéristique essentielle du développement authentique: il « doit être intégral, c’est-à-dire promouvoir tout homme et tout l’homme » [42]. -------- L’Évangile est un élément fondamental du développement, parce qu’en lui le Christ, « dans la révélation même du mystère du Père et de son amour, manifeste pleinement l’homme à lui-même » [45]. Eduquée par son Seigneur, l’Église scrute les signes des temps et les interprète et elle offre au monde « ce qu’elle possède en propre: une vision globale de l’homme et de l’humanité » [46]. Précisément parce que Dieu prononce le plus grand « oui » à l’homme [47], l’homme ne peut faire moins que de s’ouvrir à l’appel divin pour réaliser son propre développement. -------- « quand Dieu est éclipsé, notre capacité de reconnaître l’ordre naturel, le but et le “bien” commence à s’évanouir » [50].
19. Enfin, la vision du développement en tant que vocation implique que la charité y occupe une place centrale. Dans l’encyclique Populorum progressio, Paul VI observait que les causes du sous-développement ne sont pas d’abord d’ordre matériel. Il nous invitait à les rechercher dans d’autres dimensions de l’homme: tout d’abord dans la volonté, qui se désintéresse souvent des devoirs de la solidarité; en second lieu, dans la pensée qui ne parvient pas toujours à orienter convenablement le vouloir. -------- Le sous-développement a une cause encore plus profonde que le déficit de réflexion: c’est « le manque de fraternité entre les hommes et entre les peuples » [52]. -------La raison, à elle seule, est capable de comprendre l’égalité entre les hommes et d’établir une communauté de vie civique, mais elle ne parvient pas à créer la fraternité. Celle-ci naît d’une vocation transcendante de Dieu Père, qui nous a aimés en premier, nous enseignant par l’intermédiaire du Fils ce qu’est la charité fraternelle. Dans sa présentation des différents niveaux du processus de développement de l’homme, Paul VI, après avoir mentionné la foi, mettait au sommet «l’unité dans la charité du Christ qui nous appelle tous à participer en fils à la vie du Dieu vivant, Père de tous les hommes » [53].