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------- Les déclarations sur l’authenticité ou l’inauthenticité des paroles de Jésus, la détermination des voies de leur développement et le jugement des formes littéraires dépendent essentiellement de ce qui paraît apte à être rendu présent dans la figure de Jésus. Par exemple, à partir de l’idée du Jésus révolutionnaire, du Jésus de la théologie de la libération, ------- Les idées présupposées de ce que Jésus ne peut être (le Fils de Dieu) et de ce qu’il devrait être, deviennent elles-mêmes des instruments d’interprétation et laissent, en fin de compte, paraître comme conséquence d’une rigueur historique ce qui, en réalité, n’est que le résultat de présuppositions philosophiques.
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------- Notre conception du scientifique
interdit à Dieu l’accès au monde. Pour le domaine des sciences naturelles, J.
Monod a formulé ce principe d’une manière radicale: « La pierre angulaire de la
méthode scientifique est le postulat de l’objectivité de la Nature.
C’est-à-dire le refus systématique de considérer comme pouvant conduire à une
connaissance vraie toute interprétation des phénomènes donnée en termes de
causes finales, c’est-à-dire de projet ». À propos de cette revendication
d’objectivité définie ainsi par lui, il remarque ensuite : elle est un «
postulat pur, à jamais indémontrable, car il est évidemment impossible
d’imaginer une expérience qui pourrait prouver la non-existence d’un projet... L’objectivité cependant nous
oblige à reconnaître le caractère téléonomique des êtres vivants, à admettre
que dans leurs structures et leurs permanences, ils réalisent un projet. Il y a
donc là, au moins en apparence, une contradiction épistémologique profonde----------------
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Si le « postulat de l’objectivité » est valable sans restriction, tout ce qui a trait à Dieu et à son apparition dans l’histoire doit être relégué dans le domaine des expériences et sentiments du sujet. --------- Alors Jésus ne peut pas être Dieu, mais il a fait une expérience de Dieu particulière. En effet, si on présuppose cela, il n’y a aucune action réelle de Dieu dans le monde et, par conséquent, pas de paroles de la part de Dieu non plus, aucune « révélation » au sens propre. Il n’existe alors que des expériences (subjectives) de personnes particulièrement réceptives au plan religieux ainsi que des reflets énigmatiques et fragmentaires d’une réalité à laquelle nous tentons de nous raccrocher, mais qui ne peuvent être l’irruption de cette réalité elle-même. Il y a des lumières, mais non la Lumière; il y a des paroles, mais non la Parole. Dans cette situation, le relativisme religieux est inévitable. On pourra alors bien admettre - comme c’est le cas aujourd’hui aussi en dehors du Christianisme - que Jésus est un représentant des grandes expériences religieuses, un illuminé et quelqu’un qui illumine les autres. Son expérience reste cependant un fragment et, à côté d’elle, il y a d’autres expériences, d’autres illuminations dont nous ne saurons jamais composer un
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tout et qui, en fin de compte, sont en
quelque sorte égales et peut-être complémentaires les unes des autres. Il ne
reste alors à chacun qu’à choisir parmi toutes ces expériences celle qui, pour
lui, est la plus accessible et la plus utile: la subjectivité et, probablement,
le calcul des résultats constituent alors la dernière instance en matière de
religion. -----