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-------- Rien qu'en utilisant les critères historiques reconnus, le témoignage sur Jésus est si précoce, si ample et si valable qu'il est impossible de douter de sa figure historique. Tout ce qui nous est transmis est tout autre que ce que nous pourrions construire ou imaginer et brise tous les schémas plausibles. Nous pouvons suivre les traces de l'événement mais aussi ce qu'il en est advenu par la suite. Ni l'un ni l'autre ne sont explicables par une élaboration théorique mais uniquement par la force élémentaire d'un événement réel. Émettre des doutes sur l'existence historique de Jésus n'est pas sérieux à mes yeux.
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----- Je pense que toutes ces tentatives sont des reconstructions et portent
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la marque du constructeur. Que vous preniez le Christ d'Adolf Harnack, type même de l'homme libéral, ou celui de Bultmann, qui reflète la philosophie existentielle de l'auteur. Toutes ces constructions reposent sur la même idée de base : Dieu ne peut pas être homme. Les événements qui présupposeraient cela ne peuvent donc pas être historiques. Cela signifie qu'on part d'une idée préconçue et que, au fond, on enlève par là toute sa force à l'événement, tout ce qui constitue son intérêt et son épaisseur.
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------- L'Évangile de Jean a été considéré longtemps comme une composition purement théologique. Bultmann, par exemple, a tenté de l'expliquer par des courants gnostiques. Il est aujourd'hui réhabilité de manière étonnante, précisément dans sa valeur historique. Il contient les indications géographiques les plus précises, il offre la meilleure connaissance de la pensée juive et de la vie quotidienne juive de l'époque. Un exégète de Heidelberg, Klaus Berger, voudrait même le considérer comme le plus ancien des Évangiles. Je n'irais toutefois pas jusque‑là. Toute la tradition dit qu'il date de la fin du Ier siècle. Restons‑en là. Mais c'est un Évangile basé sur une connaissance très précise et non pas une vision théologique qui se serait détachée de son enracinement historique.
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----. ((Au commencement était la Parole ------ « Et la Parole est devenue chair et elle a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, cette gloire que, fils unique plein de grâce et de vérité, il tient du Père » (Jn 1, 14). Ce prologue fait certainement partie de ce qui a jamais été écrit de plus parfait dans le monde.
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Ces premières paroles de l'Évangile de Jean jettent un pont entre l'histoire de la création, le fondement de toutes choses, et l'événement de Palestine. Voici ce qu'elles nous montrent. Ce Logos, ce sens de la création qui est à l'origine du monde, est personnellement présent dans l'homme Jésus. Cette puissance créatrice du monde entre elle‑même dans le monde et nous parle. C'est le grand paradoxe: Dieu est si grand qu'il peut se faire petit. Et si petit qu'il vient à notre rencontre dans une personne humaine.
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Jean le baptiste est le précurseur direct de Jésus‑Christ. «Il vint en témoin pour rendre témoignage à la lumière afin que tous croient par lui » (Jn 1, 7), dit le prologue.
Dans cette histoire concrète, il y a un dernier prophète, un dernier témoin qui, historiquement, précède Jésus. Le baptiste est le représentant d'une sorte de mouvement de réveil. La question du Sauveur, du Messie était devenue en cette époque troublée d'Israël une question brûlante. Israel vit sous l'occupation étrangère tout en continuant à porter en lui les promesses et à en attendre la réalisation. C'est, par ailleurs, une période sans prophètes. Comme si la lumière de la prophétie s'était éteinte.
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Dans le désert, Jean intervient comme un homme de Dieu. Il prêche la pénitence, la purification et le rassemblement pour la venue de Dieu. Cette prédication est pour ainsi dire une synthèse de toute la prophétie à l'instant même où l'histoire touche à son but. Sa mission consiste à ouvrir à Dieu la porte pour qu'Israël soit prêt à l'accueillir et à lui préparer sa phase historique.
L'important de cette prédication est ce qu'il dit sur la pénitence qui résume tout la prophétie et ensuite son témoignage sur le Christ qui, lui aussi, concrétise la prophétie sous l'image de l'agneau qui devient agneau de Dieu. Repensons à l'histoire d'Abraham et d'Isaac, aux sacri-
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fices d'animaux où l'agneau jouait un rôle important, surtout au sacrifice pascal qui est le sacrifice d'un agneau. Toutes ces tentatives de se réconcilier avec Dieu par le sacrifice trouvent désormais un accomplissement. L'agneau pascal, au fond, c'est nous‑mêmes. Par la volonté de Dieu, le Christ est l'agneau pascal qui partage notre destinée et la transforme.
La deuxième phrase de la citation du prologue est une allusion à la divinité de Jésus‑Christ, même si le baptiste n'en a pas pleinement conscience et ne l'exprime pas clairement. Il dit qu'il ne s'agit pas là d'un quelconque personnage historique, mais de celui qui nous précède tous, venant de l'éternité de Dieu qui lui est intérieurement familière.
------- Prenons le prophète Isaïe. Le texte original dit: «Cieux, faites venir la justice comme la rosée.» Et ce n'est que lorsque la justice en personne est venue que les chrétiens ont personnalisé cette phrase. L'unité entre l'Ancien et le Nouveau Testament et leur corrélation mettent ainsi en évidence le caractère provisoire de la parole scripturaire. Les paroles vont à la rencontre de ce juste et, en même temps, cherchent encore à le faire émerger de l'obscurité.
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