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II. LE CHRISTIANISME ‑ LA VRAIE RELIGION?
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Je ne connais aucun texte de l'antiquité chrétienne qui soit aussi éclairant à ce sujet que la prise de distance de saint Augustin par rapport à la philosophie des religions du «plus érudit des Romains », Marcus Terentius Varro (Varron, 116‑27 av. J.‑C.)20. ------
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----- Revenons donc à Augustin. ------ le christianisme connaît des précurseurs et une préparation interne dans la réflexion philosophique, non dans la religion. Le christianisme se fonde ‑ d'après Augustin et d'après la tradition biblique pour lui déterminante ------ sur ce divin dont la raison peut appréhender la réalité.
En d'autres termes: Augustin identifie le monothéisme biblique avec les conceptions philosophiques sur l'origine du monde qui existaient dans la philosophie antique. C'est bien ce qui ressort depuis que, à la suite du discours de saint Paul devant l'aréopage, le christianisme a émis la prétention d'être la religio vera.
Le christianisme ne se fonde pas sur la poésie et la politique, les deux grandes sources de la religion,
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mais sur la connaissance. Il vénère, en cet Être qui est à l'origine de tout ce qui existe, le « vrai Dieu ».
Dans le christianisme, la raison est devenue religion, elle n'est plus sa rivale. Parce qu'il en est ainsi, parce que le christianisme s'est entendu lui‑même comme victoire de la démythification, comme victoire de la connaissance et, avec elle, de la vérité, il se devait de se dire universel et d'être apporté à tous les peuples: -------comme la vérité, qui rend superflue toute apparence.
Et pour cela justement il est amené à apparaître, dans le vaste champ de tolérance des polythéismes, comme intolérable, comme ennemi de la religion, comme « athéisme »: ne s'en tenant pas à la relativité et à l'interchangeabilité des images, il remettait par là même en cause l'utilité politique des religions et ébranlait les assises de l'État parce qu'il ne voulait pas être une religion parmi d'autres, mais la victoire de l'intelligence sur le monde des religions.
Par ailleurs, la force de pénétration du christianisme dépend de la situation du fait chrétien dans le cosmos de la religion et de la philosophie. Déjà avant le début de la mission chrétienne, des cercles cultivés de l'Antiquité avaient cherché dans la figure du « craignant Dieu » une correspondance avec la foi juive.
Elle leur semblait être la forme religieuse du monothéisme philosophique, qui répondait aux exigences de la raison comme au besoin religieux de l'homme, auquel la seule philosophie n'était pas en mesure d'apporter une réponse: on ne s'adressait pas à un dieu purement
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Mais si le dieu que découvre la pensée se révèle au sein d'une religion comme un dieu qui parle et qui agit, la pensée et la foi s'en trouvent réconciliées30.
Dans ce rattachement à la synagogue persistait un élément d'insatisfaction: le non‑Juif ne restait jamais qu'une personne extérieure, il ne pouvait jamais être totalement intégré. La figure du Christ dans le christianisme, telle que l'exposa saint Paul, abolit ce clivage.
Dès lors, le monothéisme religieux du judaïsme devenait universel et, par là, l'unité de la pensée et de la foi, la religio vera, accessible à tous. Justin le Philosophe, Justin le Martyr (t 167), peut être tenu pour une figure emblématique de cette approche du christianisme: ayant étudié toutes les philosophies, il avait fini par reconnaître dans le christianisme la vera philosophia.
En devenant chrétien, il n'avait pas renoncé à sa propre conviction sur la valeur de la philosophie, il était devenu pleinement philosophe31. La conviction que le christianisme est une philosophie, la philosophie parfaite ‑ c'est‑à‑dire la philosophie qui va au coeur de la vérité ‑ demeura vive longtemps encore après l'ère patristique.
Elle apparaît de façon tout à fait évidente au XIVe siècle dans la théologie byzantine, chez Nicolas Cabasilas32. ------