La foi chrétienne hier et aujourd’hui 114

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DEUX QUESTIONS MAJEURES POSÉES PAR L'ARTICLE DE FOI SUR LE SAINT‑ESPRIT ET L'ÉGLISE

 

   Les réflexions précédentes ont cherché à dégager la richesse et la portée des dernières affirmations du Symbole. L'image chrétienne de l'homme, le problème du péché et de la rédemption y sont encore une fois évoqués; mais on y trouve surtout ancré le “oui” à l'idée sacramentelle, qui elle‑même représente le coeur du concept de l'Église: l'Église et les sacrements tiennent et tombent ensemble; l'Église sans les sacrements serait une organisation vide et les sacrements sans l'Église seraient des rites sans signification et sans lien interne.

 

Aussi l'une des questions majeures soulevées par le dernier article du symbole est‑elle celle de l'Église. L'autre grand problème que cet article nous pose est contenu dans l'affirmation de la résurrection de la chair, qui fait scandale pour notre mentalité moderne tout autant que pour le spiritualisme du monde grec, même si les raisons de ce scandale ont changé.

 

Nous essayerons, pour conclure notre périple à travers le Symbole, d'examiner encore quelque peu ces deux questions.

 

I. “LA SAINTE ÉGLISE CATHOLIQUE”

 

   Nous ne pouvons évidemment pas envisager de développer ici en son entier la théologie de l'Église. Nous voulons seulement essayer brièvement, en faisant abstraction des questions théologiques particulières, de cerner ce qui fait véritablement problème

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pour nous lorsque nous prononçons la formule de « Sainte Église catholique », et nous chercherons à découvrir la réponse que le texte lui‑même du Symbole nous apporte.

 

 Dans cette recherche restent toujours présupposées les considérations que nous avons faites au sujet du contexte théologique de notre formule; d'une part, elle se réfère à la confession de l'action puissante du Saint-Esprit dans l'histoire, et d'autre part, elle trouve son explication dans les paroles qui suivent, sur la « rémission des péchés » et la «communion des saints », où le baptême, la pénitence et l'eucharistie sont présentés comme les fondements de l'Église, comme son véritable contenu et son vrai mode d'existence.

 

   Peut‑être une grande partie des difficultés que nous éprouvons en affirmant notre foi en l'Église se trouve‑t‑elle déjà surmontée si nous prenons en considération le contexte indiqué. Essayons cependant d'exprimer ce qui nous trouble aujourd'hui sur ce point.

 

 Si nous voulons être francs, nous devons bien reconnaître que nous sommes tentés de dire que l'Église n'est ni sainte ni catholique. Le deuxième concile du Vatican lui‑même en est venu à ne plus parler simplement de l'Église sainte, mais de l'Église pécheresse; et si l'on a critiqué le concile à ce sujet, cela a été tout au plus pour lui reprocher d'avoir été trop timide dans son affirmation, tellement est fort aujourd'hui dans notre conscience à tous, le sentiment de la condition pécheresse de l'Église.

 

Il est fort possible que joue également ici l'influence d'une théologie luthérienne du péché, et donc un présupposé dogmatique. Mais ce qui rend cette « dogmatique » si convaincante, c'est sa correspondance avec notre propre expérience.

 

Les siècles de l'histoire de l'Église sont tellement remplis de défaillances humaines, que nous pouvons comprendre l'effroyable vision de Dante, voyant la prostituée babylonienne assise dans le char de l'Église, et que nous trouvons concevables les paroles terribles de l'évêque de Paris, Guillaume d'Auvergne (XIIIe siècle), qui disait que tout homme, à la vue de la dépravation de l'Église, devait se sentir glacé d'horreur. « Ce n'est plus une épouse, mais un monstre effrayant, difforme et sauvage2... »

 

    De même que la sainteté, la catholicité de l'Église nous paraît

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elle aussi problématique. La tunique sans couture du Seigneur est déchirée entre des parties adverses, l'unique Église est divisée en une foule d'églises, dont chacune a plus ou moins la prétention d'être seule dépositaire de la vérité.

 

Et ainsi l'Église est devenue aujourd'hui pour beaucoup l'obstacle majeur de la foi. Ils n'arrivent plus à voir en elle que l'ambition humaine du pouvoir, le jeu mesquin de ceux qui, avec leur prétention d'administrer le christianisme institutionnel, semblent constituer le principal obstacle au véritable esprit du christianisme.

 

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon