FOI CHRÉTIENNE
hier et aujourd'hui
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A première vue, cela paraît être le summum de la révélation, de la manifestation de Dieu. Le saut dans l'infini semble ramené à des proportions humaines; il ne nous reste, pour ainsi dire, qu'à
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p19 LA FOI DANS LE MONDE D'AUJOURD'HUI
faire quelques pas pour aller auprès de cet homme en Palestine, où Dieu lui‑même vient à notre rencontre.
Mais les choses se présentent avec une singulière ambiguïté: ce qui paraît d'abord être la révélation la plus radicale et qui, en un sens, demeure effectivement pour toujours la révélation, cela devient en même temps facteur d'obscurité extrême.
Ce qui semble d'abord rapprocher Dieu de nous, au point que nous puissions le toucher comme notre semblable, suivre ses traces et littéralement les vérifier, cela est devenu, en un sens très profond, le présupposé de la «mort de Dieu » qui depuis lors commande irrévocablement la marche de l'histoire et la relation de l'homme à Dieu.
Dieu s'est tellement rapproché que nous pouvons le tuer; et de ce fait, semble‑t‑il, il cesse d'être Dieu pour nous. Ainsi nous sommes déconcertés devant cette «révélation» chrétienne.
En la comparant avec la religiosité asiatique, l'on peut se demander s'il n'eût pas été plus simple d'adorer ce qui est éternel et caché, de s'y abandonner dans la méditation et d'y aspirer.
N'eût‑il pas mieux valu que Dieu nous laissât dans notre éloignement infini ? N'aurait‑il pas été plus facile de nous élever au‑dessus des contingences de ce monde, pour percevoir dans une paisible contemplation le mystère ineffable, au lieu qu'il faille maintenant nous livrer au positivisme de la foi, nous limiter à une seule figure et placer le salut de l'homme et du monde sur le bout d'aiguille d'un point fortuit de l'espace et du temps?
Ce Dieu réduit à un seul point n'est‑il pas condamné à mourir définitivement dans un monde où l'homme et son histoire sont relativisés sans pitié et ramenés à une toute petite poussière dans le Tout ?
L'homme pouvait, à la rigueur, dans la naiveté de ses années d'enfance, se prendre pour le centre de l'univers; mais aujourd'hui devenu adulte, ne devrait‑il pas avoir le courage de se réveiller de son sommeil, de se frotter les yeux et de secouer ce rêve insensé, si beau qu'il eût été?
Ne devrait‑il pas s'insérer sans réticence dans cet immense ensemble, dans lequel notre toute petite vie est reléguée, et en acceptant vaillamment cette extrême petitesse, lui trouver un sens nouveau?
La question étant ainsi précisée, nous découvrons, derrière ce scandale apparemment secondaire de ((autrefois)) et ((aujourd'hui)), un scandale beaucoup plus grand, celui du «positivisme » chrétien.
Ainsi seulement apparaît toute la profondeur du problème de la foi chrétienne, tel qu'il nous faut l'envisager aujourd'hui.
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p20 « JE CROIS ‑ AMEN))
Pouvons‑nous encore croire aujourd'hui? Ou plutôt, il faut poser la question plus radicalement: avons‑nous encore le droit de croire, n'est‑ce pas notre devoir d'en finir avec ce rêve et de nous rendre à l'évidence?
Le chrétien d'aujourd'hui doit se poser cette question; il ne lui est pas permis de recourir simplement à toutes sortes de détours et de subterfuges pour donner une interprétation du christianisme qui ne choque plus.
Quand par exemple un théologien prétend que la “résurrection des morts” signifie seulement que l'on doit travailler chaque jour, sans se lasser, à l'oeuvre de l'avenir, le choc est sans doute évité. Mais sommes‑nous restés honnêtes ?
N'y a‑t‑il pas une grave malhonnêteté à vouloir soutenir la cause du christianisme de nos jours par des acrobaties d'interprétation de ce genre ? Ne faut‑il pas alors renoncer à jeter de la poudre aux yeux et nous soumettre simplement à la réalité ?
Disons‑le franchement: un tel christianisme, évacué de toute substance par de semblables interprétations, accuse un manque de sincérité à l'égard des problèmes de l'incroyant, dont le « peut‑être pas” devrait nous troubler, comme nous souhaitons que le « peut‑être” chrétien le trouble, lui.
Si nous essayons d'accueillir la question de l'autre comme la mise en question de notre propre être, qu'on ne saurait réduire en traité et mettre de côté, alors nous aurons le droit à notre tour de lui poser une question.
De nos jours, nous sommes enclins à ne considérer que le concret, le «vérifiable” comme l'unique réalité. Mais de quel droit ? Ne convient‑il pas de nous demander avec plus de soin ce qu'est, en fait, le « réel” ?
Se limite‑t‑il à ce qui est constaté et constatable? ou peut‑être la constatation expérimentale n'est‑elle qu'une certaine manière d'approcher le réel, impuissante à embrasser toute la réalité et susceptible de nous induire en erreur par rapport à la vérité et à l'homme, si nous la prenons comme l'unique critère?
Ces questions nous ramènent au dilemme «autrefois aujourd'hui”, en nous confrontant cette fois avec la problématique spécifique de notre « aujourd'hui”, et dont nous essayerons de dégager maintenant les éléments essentiels.