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72. « Cependant, continue Palladius, au moment où le concile allait ouvrir ses séances, Eusebius se présenta devant les pères et, dans un long discours, demanda à être admis à notre communion. Bien qu'Antoninus fût mort, il s'offrait à produire enfin les témoins si longtemps introuvables et à administrer la preuve que six évêques de la province d'Asie avaient réellement acheté à prix d'argent l'ordination simoniaque que leur avait conférée le défunt métropolitain. On repoussa d'abord ses instances. Vous avez été une première fois convaincu soit de calomnie soit de désertion de la cause, ce qui revient au même, lui disait-on. Nous ne saurions aujourd'hui vous entendre, ni vous admettre à la communion. — Se jetant alors aux genoux des pères, il les suppliait en disant : Il est vrai que la cause est pendante depuis deux années. Mais dès cette époque, le commencement d'enquête poursuivie alors avait déjà laissé entrevoir des faits d'une gravité extrême. On différa le jugement définitif afin de pouvoir recueillir la déposition des témoins. Aujourd'hui je vous amène ces témoins, et je supplie votre charité de vouloir bien les entendre. Antoninus, le simoniaque qui a vendu les ordinations et qui en a touché le prix, est mort. Mais les évêques qui ont acheté de lui leur dignité, et qui
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1 Theodoret. apud Photium, Bibliotheca, cod. ceux m; Pntr. grœc, î. CIV, col. 232, 233.
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en ont versé le prix entre ses mains, lui ont survécu. — Après mure délibération, les pères du concile déclarèrent qu'on procéde-rait à l'examen de la cause. On commença donc par donner lecture les procès-verbaux du synode de Constantinople relatifs à cette affaire. Ensuite on introduisit d'un côté les témoins, de l'autre les six évêques accusés d'avoir acheté leur ordination à prix d'argent. Interrogés les premiers, ces évêques nièrent formellement le pacte simoniaque. Mais les dépositions des témoins furent accablantes. Des laïques, des prêtres qui avaient été mis dans ces honteuses confidences, des femmes même, vinrent déposer en spécifiant le chiffre et la nature des sommes ou des présents remis au consécrateur, avec les circonstances les plus détaillées de temps et de lieu dans lesquelles ce trafic s'était exécuté. En présence de ces révélations terribles, les accusés entrèrent dans la voie des aveux. Oui, dirent-ils, nous en convenons. Nous avons payé pour être ordonnés. Mais nous étions de bonne foi. Nous croyions que telle était la coutume. On nous avait dit que les sommes versées par nous étaient destinées au fisc impérial en compensation des immunités de curie que le gouvernement accorde aux évêques. Maintenant donc, nous vous en supplions, conservez-nous dans notre charge, si cela est possible. Sinon, faites du moins que les sommes versées pour notre ordination nous soient restituées, car pour les parfaire certains d'entre nous ont dû aliéner tout leur patrimoine et tous les bijoux de leurs femmes1. » — Pour comprendre le sens exact de la circonstance atténuante invoquée ici par les accusés, il faut savoir que les charges et taxes municipales appelées par les Romains du bas empire charges ou impôts de curie (curiœ), étaient devenues, dès la fin du IVe siècle et en Orient surtout, tellement onéreuses que pour les éviter on convoitait ardemment toutes les places ou conditions avec lesquelles ces charges étaient incompatibles. Depuis Constantin le Grand, les évêques jouissaient sous ce rapport du droit d'immunité dont les prêtres païens avaient toujours eu le privilège. Telle est la portée réelle de l'excuse présentée au concile
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1. Pallad., ioc. cit., »«p. xv.
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d'Éphèse par les prélats simoniaques. En tout état de cause, le seul énoncé d'un pareil moyen de défense prouvait, s'ils étaient de bonne foi, leur profonde ignorance du droit canonique et civil de leur temps. Ils rejetaient implicitement toute la faute sur Antoninus lequel était mort et ne pouvait par conséquent plus les contredire. Ils l'accusaient de les avoir trompés sur la véritable situation des choses, de leur avoir présenté le fait comme une coutume établie dans l’Église, et de leur avoir persuadé que les sommes auxquelles il avait taxé leur ordination étaient destinées à payer au fisc impérial la compensation des immunités ecclésiastiques dont leur titre épiscopal devait bientôt les faire jouir. Mais, d'une part, les lois de Constantin le Grand, renouvelées par Théodose, étaient entre les mains de quiconque savait lire. Or ces lois exemptaient, sans rémunération préalable, tous les évêques des charges curiales. D'autre part, les règles canoniques formulées par tant de conciles intérieurs et si énergiquement prohibitives de toute simonie directe ou indirecte, apparente ou occulte, réelle ou déguisée, étaient d'une notoriété universelle pour tous les clercs tant soit peu instruits. L'ignorance de ces malheureux était donc évidente, en supposant chez eux la bonne foi derrière laquelle ils se retranchaient; et si l’on n'admettait pas pour eux cette bonne fol absolue, leur conduite prenait un caractère d'infamie réellement abominable.
73. Quoi qu'il en soit, après l'aveu des accusés, le concile n'avait plus qu'à prononcer la sentence. Chrysostome engagea les pères à ne point se préoccuper des conséquences que leur jugement pourrait entraîner pour les coupables, au point de vue des charges civiles. C'est Palladius qui nous apprend ce détail. Nous continuons à traduire son récit. « Quant à ce qui est des charges de curie, dit le bienheureux archevêque 1, ne vous en inquiétez pas. Avec l'aide ce Dieu, je les en délivrerai. Je présenterai à ce sujet une requête à l'empereur, et j'ai tout lieu d'espérer qu'il daignera l'accueillir favorablement. Pour vous, il vous suffira d'ordonner que les
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1. Palladius, loc. citât., cap. xv. La déposition des accusés devait les faire rentrer dans la catégorie de ceux qui se trouvaient légalement soumis aux charges de curie. Cette situation préoccupait tout naturellement les pères.
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sommes versées jadis par les accusés leur soient rendues par les héritiers d'Antonius. — Le concile adopta cette proposition. Il porta un décret qui obligeait en conscience les héritiers du métropolitain simoniaque à la restitution posthume. Statuant ensuite sur le sort des accusés, le concile les déposa de leur dignité épiscopale, tout en leur conservant le privilège d'être admis à la communion dans le sanctuaire avec le clergé. Les considérants qui motivaient la sentence portaient que, si l'on n'agissait point ainsi, on tomberait bientôt dans l'abus des prêtres égyptiens ou juifs, lesquels vendent et achètent publiquement le ministère sacerdotal. On dit en effet que chaque année le grand prêtre actuel des Hébreux, celui qu'ils nomment leur patriarche, est obligé de verser un tribut considérable aux mains des chefs de la synagogue afin d'obtenir leurs suffrages. Il en est de même du chef de la religion idolâtrique, en Egypte, et ainsi se vérifie la parole du prophète : Sacerdotes ejus cum muneribus respondebunt, et prophetœ ejus cum pecunia vaticinabuntur1. De tous ces actes du concile d'Éphèse, ajoutait Palladius, nous avons entre les mains les procès-verbaux signés de la main des pères. Théophile d'Alexandrie a donc menti quand il disait que Jean Chrysostome avait en un seul jour, de sa propre autorité, déposé seize évêques. Chrysostome n'en a pas déposé un seul. C'est un concile régulier, composé de soixante-dix évêques, qui a porté une sentence canonique contre six prélats seulement. Cette sentence n'a point été rendue à l'improviste ni en un seul jour, comme le disait Théophile, mais après deux ans d'enquête, de discussion publique et de sérieuses informations. D'ailleurs, les coupables eux-mêmes acquiescèrent à leur propre condamnation et en reconnurent la légitimité. L'un d'eux accepta même la charge de défenseur officiel de la cité où il avait été évêque 2. On les remplaça sur leur siège épiscopal par des clercs qui n'avaient jamais été mariés, et dont la vie
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•Mich., III, il. — ! "Eva i\ àuTûv lr.8tr.tirv êr^octaiv Y"éc6ai 7cpaY(i£T(ov (Pal-, loc. cit.). Cette fonction de défenseur des intérêts publics du municipe, se perpétua jusque dans le moyen âge, où nous retrouverons les voués, ou voués advocati), défenseurs officiels des droits des cités et des monastères. C'est ainsi que les institutions survivent à l'époque qui les ont vues naître et que le présent est toujours solidaire du passé.
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et la doctrine étaient irréprochables 1. Le diacre Héraclide, ancien solitaire de Nitrie, homme d'une science et d'une vertu éminantes, fut canoniquement élu pour le siége métropolitain d'Éphèse, et reçut la »consécration épiscopale en présence de tous les pères.
74. Ainsi s'exprime Palladius. Or, il est le seul écrivain connu qui nous ait transmis le détail des événements relatifs à la déposition des évêques simoniaques d'Asie. Où donc la critique moderne a-t-elle trouvé la moindre trace de cette « fameuse cour synodale » présidée par Chrysostome, et promenant les injustices, les violences et la terreur dans toutes les églises d'Orient? Nous ne cesserons de le demander à la critique moderne. Elle ne prendra vraisemblablement pas la peine de nous répondre. C'est son usage. Elle croit encore qu'il suffit de calomnier pour qu'il en reste quelque chose. Mais les temps sont changés. A force de tout attaquer en religion et en histoire, nous en sommes venus à tout examiner en histoire et en religion. Désormais l'affirmation individuelle ne signifie plus rien, si elle n'est accompagnée de preuves péremptoires. Or, de toutes les affirmations de la critique moderne, aucune n'est restée debout. Chrysostome avait, dit-on, « jugé, cassé et remplacé arbitrairement en trois mois, treize, quinze, seize évêques. » Il se trouve que dans ces trois mois Chrysostome n'a jugé, cassé, ni remplacé aucun évêque. C'est un concile régulièrement assemblé, solennellement tenu, canoniquement présidé, et composé de soixante-dix membres, qui a déposé selon toutes les formes du droit ecclésiastique non pas treize, quinze, ni seize évêques, mais six prélats atteints et convaincus de simonie, avouant eux-mêmes leur faute et reconnaissant la justice et la modération de la sentence qui les frappait. Il se trouve que non-seule-
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(1) On évitait ainsi pour l'avenir les scandales de l'administration d'Antoninus. Ce métropolitain, d'après le récit de Palladius, avait été marié avant son ordination. Obligé de se séparer de sa famine pour être admis aux ordres, il l'avait rappelé prés de lui aussitôt que son titre épiscopal l'avait placé tellement au-dessus des critiques subalternes qu'il s'était cru le pouvoir de fouler impunément aux pieds les règles les plus sacrées du droit canonique. Les évêque simoniaques ordonnés par lui étaient dans le même cas, puisqu'ils avouaient, au concile d'Éphèse, qu'il leur avait fallu engager les bijoux de leurs femmes pour payer la taxe entre les mains d'Antonius.
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ment
Chrysostome n'avait pas pris l'initiative de ces mesures rigoureuses quoique
justes, mais qu'il avait cherché par tous les moyens en son pouvoir à étouffer
le scandale et à terminer convenablement le conflit. Il se trouve que
Chrysostome non-seulement n'agissait point en hostilité avec la puissance
civile, mais qu'il l'invoquait pour arriver à mettre un terme à ces affreux
désordres. Ce nom de puissance civile nous rappelle que la critique moderne a osé
écrire les phrases suivantes
: « On pourrait se demander si, devant
l'évêque de la nouvelle Rome, comme en face de l'ancienne, il y aurait encore
un peu de sauvegarde pour les autres, de liberté pour les clergés, de droit
d'élection pour les villes, dès que les décrets canoniques
concernant les dépositions et les ordinations épiscopales pouvaient être
ainsi mis sous les pieds au gré d'un homme, dès que la discipline des églises
n'appartenait plus aux clergés et aux synodes provinciaux. L'empereur enfin put
se demander si le droit du souverain, dans la convocation des conciles et
l'approbation des évêques, était aboli. » Ainsi parle la critique moderne. Il
est temps que l'histoire lui réponde. L'histoire donc répond que jamais la
discipline n'a appartenu aux « clergés» des églises. Elle répond que jamais la
liberté des «clergés, » en cette matière, n'a existé dans l'Église. Elle
répond que jamais les règles canoniques relatives
aux dépositions et aux ordinations épiscopales n'ont ressemblé en
quoique ce soit au roman de la
critique moderne. Voici ce que l'histoire nous apprend. Chaque année, une fois
au moins, un synode presbytéral devait se
réunir dans chaque diocèse. Chaque année, une fois au moins, un concile provincial
devait se réunir dans chaque métropole. Voilà ce que la loi canonique avait
statué bien avant que les Césars fussent chrétiens. Voilà ce qui se pratiquait
dès l'époque des persécutions, sans qu'on eût l'idée d'invoquer pour cela
l'autorisation du souverain. On n'y songeait même pas, par la raison fort
simple que le droit de réunion sous les Romains n'était soumis à aucune entrave
légale. Il y a donc, de la part de la critique moderne, un anachronisme
vraiment ridicule, quand elle revendique au profit de l'empereur Arcadius une
législation toute moderne, complètement inconnue au Ve siècle. Aujourd'hui
encore,
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et tant que les canons ne seront point modifiés, l'obligation d'un synode diocésain chaque année et d’un concile provincial d'é-vêques au moins une fois tous les trois ans, subsiste pleine et entière. Tant pis pour ceux qui n'exécutent pas la loi. Cette loi existe: la désuétude où elle peut tomber en certains pays et à certaines époques ne l'empêche pas d'être et de subsister telle qu'elle est. La critique moderne paraît l'ignorer. Elle ignore de plus que jamais les villes n'ont eu le droit d'élection épiscopale. Les évêques de la province, de concert avec le clergé et les fidèles de la cité, se rassemblaient pour donner un successeur à l'évêque défunt. Telle était la forme canonique de l'élection au Ve siècle. En sorte qu'à chaque remplacement d'évêque, il y avait de droit un concile provincial. Les souverains de cette époque ne s'y opposèrent jamais. Ils ne voyaient là aucun danger social, et franchement ils avaient bien raison. Alors, comme aujourd'hui, lorsqu'il s'agissait de pourvoir au siège d'une capitale, on s'efforçait de faire un choix qui ne fût pas désagréable au souverain, car jamais l'Église n'a entendu se séparer de l'État, bien qu'elle n'ait jamais consenti non plus à être absorbée par lui. Mais en dehors de cette condescendance fort naturelle, Arcadius n'avait aucune espèce de droit d'autorisation sur les choix épiscopaux. Vraisemblablement les évêques simoniaques ordonnés par Antoninus lui étaient à peine connus de nom. La critique moderne se trompe donc étrangement quand elle prétend appliquer à l'époque de saint Jean Chrysostome les formes électives de notre époque concordataire. Lorsqu'elle parle de l'étonnement d'Arcadius qui put se demander ce que devenaient ses droits de souverain, la critique moderne commet sans s'en douter la plus lourde méprise. Elle n'est pas plus heureuse dans sa sollicitude rétrospective pour « la liberté des clergés, » et pour l'indépendance des évêques. Ces termes empruntés au vocabulaire du libéralisme politique de nos jours sont de véritables non-sens en droit ecclésiastique. La règle, le canon par excellence du clergé de toutes les époques, était au Ve siècle comme de nos jours la parole fameuse de saint Ignace d'Antioche : « Ne faites rien sans votre évêque. » L'évêque dans chaque diocèse était,
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comme il l'est encore, la source de toute autorité, le centre de toute action, le principe de toute vie spirituelle. C'est là un point qui surprend singulièrement nos rationalistes. Ils admettent volontiers l'omnipotence du fonctionnaire et celle du gouvernement civil. Mais leur étonnement est profond quand on leur apprend que l'autorité des évêques sur leur clergé est mille fois plus grande que celle d'un chef de bureau sur ses commis, et que !a loi canonique oblige en conscience le simple prêtre non pas seulement à obéir à son évêque mais à l'aimer, à le respecter, àle vénérer, et à lui donner en particulier ou en public les témoignages explicites de cette vénération. En présence de cet état de choses qui dure depuis saint Pierre et se perpétuera jusqu'à la fin du monde, les rationalistes s'écrient que les prêtres sont de véritables ilotes et les évêques des tyrans. Les rationalistes se trompent. Le prêtre de Jésus-Christ vénère dans la personne de l'évêque le successeur des apôtres, et dans les apôtres eux-mêmes Jésus-Christ Notre-Seigneur qui leur a dit : « Allez, enseignez toutes les nations. Voici que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles. » Mais, objectent les rationalistes, c'est là du mysticisme tout pur. Il faut la foi pour envisager ainsi les choses! — Oui, il faut la foi mais c'est cette foi qui a vaincu le monde; c'est ce mysticisme qui a fondé la pierre immuable de l'Église contre laquelle les portes de l'enfer n'ont pas prévalu malgré dix-neuf cents ans d'efforts Or, un mysticisme, une foi qui ont cimenté un pareil empire mériteraient d'être mieux étudiés par le rationalisme. Si la moderne critique daignait se livrer sérieusement à cette étude, elle découvrirait une théorie de gouvernement qui lui paraîtrait bien supérieure à tout ce que le génie des hommes a pu inventer. Par exemple, elle apprendrait que le prêtre, si grand dans sa soumission à l'évêque représentant et successeur des apôtres, n'est pas le moins du monde livré à l'autorité incontrôlée d'un tyran. C'est qu'en effetl'évêque relève lui-même du successeur de Pierre prince des apôtres et ne peut rien sans lui. Toutes les causes graves doivent être portées au successeur de Pierre; telle est la règle fondamentale et absolue. En sorte que le plus simple prêtre peut appeler de l'au-
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torité de son évêque à celle du métropolitain et du pape. Il en fut ainsi toujours. Dans les premiers siècles, quand les conciles provinciaux se tenaient régulièrement, l'appel leur était dévolu de droit. Et ce qui étonnera peut-êtrel a critique moderne, c'est que le recours du plus simple prêtre contre le plus grand et le plus illustre des évêques était examiné alors, comme il l'est encore aujourd'hui, avec l'attention la plus scrupuleuse et l'impartialité la plus complète. Aussi, dès les premiers siècles de l'Église, ces sortes d'appels se multiplièrent au point qu'il fallut établir des règles canoniques pour prévenir les abus. Les accusations contre les évêques n'étaient souvent dues qu'à la passion, au ressentiment, à des vengeances personnelles. De là l'ensemble des lois canoniques successivement édictées relativement aux formalités à suivre dans les procédures juridiques contre les évêques. Nous venons de voir en action, dans l'incident jugé au concile d'Ephèse, les principales règles de la législation ecclésiastique sur ce point. Une accusation contre un évêque faite par un simple prêtre pouvait être retirée par celui-ci même quand elle avait été introduite juridiquement, c'est-à-dire quand elle avait été soumise soit au concile provincial, soit au métropolitain, soit au pape. Mais lorsque cette accusation avait été juridiquement introduite par un autre évêque, elle ne pouvait plus être retirée et l'affaire devait suivre son cours. L'accusateur avait le droit et le devoir de produire ses témoins ; l'accusé était toujours admis à se défendre contradictoirement. Pour tout accusateur convaincu de calomnie, la peine était celle même que le droit canonique infligeait à la faute ou au délit faussement reprochés à un innocent. C'est ainsi qu'Eusebius ayant d'abord articulé contre l'évêque d'Ephèse des griefs qui entraînaient la déposition, puis ayant refusé de fournir ses preuves et de produire ses témoins, se vit éconduit une première fois et séparé de la communion. Quand il fut revenu à la charge et qu'il eut obtenu de produire ses témoins, si l'enquête contradictoire n'eût pas établi nettement la vérité des faits incriminés, Eusebius eût été solennellement déposé par le concile. Voilà en quelques mots une idée de ce droit canonique au nom duquel la critique moderne a voulu
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protester sans le connaître, sans même se douter de ce qu'il est.