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CHAPITRE XXXII.
Den la Prophétie renfermée dans la prière et le cantique d'Habacuc.
Dans la prière de son cantique, à quel autre qu'à Notre‑Seigneur s'adresse le prophète, en disant : « Seigneur, j'ai entendu ce que vous m'avez fait entendre, et j'ai été saisi de crainte; Seigneur, j'ai considéré vos oeuvres, et l'épouvante s'est emparée de moi? » (Habacuc, iii, 25 etc.) Que veulent dire ces paroles, sinon qu'il éprouve une ineffable surprise à la révélation soudaine du salut des hommes ? «Vous serez reconnu au milieu de deux animaux; » qu'est‑ce, sinon au milieu des deux Testaments, ou au milieu des deux larrons, ou au milieu de Moïse et d'Elie, s'entretenant avec lui sur la montagne? « Les années approchent où vous serez reconnu; le temps venu, vous vous découvrirez. » Ces paroles n'ont pas besoin d'explication. « Lorsque mon âme sera troublée, dans votre colère vous vous souviendrez de votre miséricorde. » Ne personnifie‑t‑il pas en lui‑même les Juifs? Car, bien que le Christ fut de leur na-
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tion, dans le trouble de leur fureur, ils le crucifièrent, mais pour lui, se souvenant de sa miséricorde, il s'écrie : « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font :«Luc, xxiii, 34.) « Dieu viendra de Théman, et le saint, de la montagne couverte d'une ombre épaisse. » D'autres interprètes, au lieu de Théman, mettent du midi ou de l'Afrique, pour signifier la ferveur de la charité et la splendeur de la vérité. Quant à la montagne couverte d'une ombre épaisse, bien qu'on puisse expliquer ces paroles de différentes manières, je préfère les entendre de la profondeur des Saintes‑Écritures qui annoncent le Christ. Elles renferment, en effet, beaucoup de passages obscurs qui exercent l'intelligence à la recherche de la vérité. Jésus-Christ sort de ces ténèbres, quand on a su l'y trouver. « Il remplit les cieux de sa puissance, et la terre est pleine de sa gloire. » Qu'est‑ce, sinon le sens de ces paroles du psaume : « Mon Dieu, élevez‑vous au‑dessus des cieux et que votre gloire brille sur toute la terre?» (Ps. LVI, 6.) « Sa splendeur sera comme la lumière. » Qu'est‑ce à dire, sinon que sa renommée éclairera les fidèl es? «Il a des cornes dans ses mains,» c'est le trophée de la croix. « Il a fait de la charité le soutien de sa force; » inutile de donner ici la moindre explication. « La parole marchera devant lui et suivra ses pas. » Qu'est ce, sinon qu'il a été prédit avant sa venue, et qu'il a été annoncé depuis qu'il s'en est retourné? « Il s'est arrêté, et la terre a été ébranlée; » c'est‑à‑dire il s'est arrêté, pour nous secourir et la terre a été ébranlée pour croire. « Il a regardé, et les nations ont séché de douleur, » c'est‑à‑dire il a eu pitié, et il a porté les peuples à la pénitence. « Les montagnes ont été brisées avec violence, » c'est‑à‑dire l'orgueil des grands s'est évanoui devant la force des miracles. « Les collines éternelles ont été abaissées, » c'est‑à‑dire elles ont été abaissées pour un temps, afin d'être élevées pour l'éternité. « J'ai vu ses entrées éternelles comme récompense de ses travaux, » c'est‑à‑dire j'ai vu les travaux de sa charité récompensés éternellement. « Les tentes des Ethiopiens et celle de la terre de Madian seront remplies d'épouvante, » comme s'il y avait: les nations, même celles qui ne sont pas sous la puissance Romaine, sous le coup d'une frayeur soudaine causée par le bruit de vos miracles, ne feront qu'un seul peuple avec le peuple chrétien. « Ètes‑vous irrité contre les fleuves, Seigneur, ou votre fureur s'exercera‑t‑elle sur les fleuves, et votre courroux sur la mer? » C'est pour montrer qu'il ne vient pas maintenant juger le monde, mais le sauver. (Jean,III, 17.»Vous monterez sur vos coursiers, et votre course, c'est le salut, » c'est‑à-
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dire vos Évangélistes vous porteront, et c'est vous qui les dirigez, et votre Évangile est le salut de ceux qui croient en vous. « Vous banderez votre arc contre les sceptres, dit le Seigneur, » c'est‑à‑dire vous menacerez de votre jugement, même les rois de la lerre. «Les fleuves déchirant le sein de la terre; » c'est‑à‑dire que sous les flots d'éloquence de vos prédicateurs, les cœurs des hommes à qui il est dit : « Déchirez vos cœurs et non vos vêtements, » (Joël, 11, 25) s'ouvriront pour vous confesser. Que signifie encore : « Les peuples vous verront et seront dans la douleur, » sinon que les larmes deviendront la cause de leur béatitude? Et : « L'eau rejaillit sous vos pas, » n'est‑ce pas qu'en la personne de ceux qui vous annoncent partout, vous répandez de tous côtés sur votre passage des fleuves de doctrine? Que veut dire : « L'abîme a fait entendre sa voix? » N'est‑ce pas exprimer la profondeur du cœur humain, qui n’a pu garder le secret sur ce qu'il lui a semblé voir en vous? « La profondeur de son imagination, » c'est comme une explication du verset précédent; car la profondeur est un abîme. Et puisqu'il dit : « De son imagination, » il faut sous‑entendre : a fait entendre sa voix; c'est‑à‑dire encore une fois, proclamé ce qu'elle a cru voir. Car l'imagination, c'est une vision que le cœur n'a pas retenue, qu'il n'a pas cachée, mais qu'il a manifestée en confessant la gloire de Dieu. « Le soleil s'est levé, et la lune s'est tenue dans son ordre, » c'est‑à-dire le Christ est monté dans les cieux et l'Église a été ordonnée sous son roi. « Vos traits voleront en plein jour, » c'est‑à‑dire ce n'est pas en secret, mais en plein jour que vos paroles seront lancées. « L'éclat de vos armes étincelantes, » il faut sous‑entendre : « Vos traits voleront, » car il avait dit à ses disciples : « Ce que je vous dis dans les ténèbres, répétez‑le en plein jour. «Matth. X,‑27.)«Par vos menaces vous amoindrirez la terre, » c'est‑à‑dire par vos menaces vous humilierez les hommes. Et dans votre fureur, vous abattrez les nations, car ceux qui s'exaltent en eux‑mêmes, vous les briserez dans votre vengeance. « Vous vous êtes montré pour le salut de votre peuple, pour sauver vos christs; vous avez envoyé la mort sur la tête de vos ennemis. » Il n'y a rien ici à expliquer. « Vous les avez chargés de chaînes jusqu'à leur cou. » On peut bien entendre par là les précieuses chaînes de la sagesse, afin que leurs pieds soient retenus par ses entraves, et leur cou, par son carcan. « Vous les avez rompues, à la stupeur de l'esprit, » sous‑entendu, les chaînes, car il a serré les bonnes et brisé les
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mauvaises, dont il est dit : « Vous avez brisé mes chaînes (Ps. cxv, 7); à, la stupeur de l'esprit, » c'est‑à‑dire par un prodige merveilleux. «Les têtes des puissants en seront émues, )) sans doute d'admiration de cette merveille. « Ils ouvriront la bouche pour mordre, comme le pauvre qui mange en se cachant. » En effet, plusieurs des principaux parmi les Juifs venaient au Seigneur, admirant ses oeuvres et sa doctrine, et affamés, ils mangeaient le pain de sa doctrine secrètement, par crainte des Juifs, selon la remarque de l'Évangile. (Jean. xix, 38). « Vous avez précipité vos coursiers dans la mer et troublé ses flots, » c'est‑à‑dire les peuples. Car les uns ne se convertiraient pas par crainte, les autres ne persécuteraient pas avec acharnement, si tous n'étaient troublés. « J'ai examiné, et mes entrailles se sont émues au bruit de mes lèvres dans ma prière; la frayeur a pénétré tous mes os, et tout mon être en a été troublé au‑dedans de moi. » Il réfléchit à ce qu'il vient de dire, il est lui‑même épouvanté de cette prière prophétique où les événements futurs se dévoilent. Car au milieu de tous ces peuples troublés, il voit les tribulations qui menacent l'Église, mais bientôt se reconnaissant parmi ses membres, il s'écrie : « Je me reposerai au jour de la tribulation » comme étant de ceux qui se réjouissent dans l'espérance, et souffrent avec patience la tribulation. (Rom. xii,12.) « Afin que je m'élève, dit‑il, jusqu'au peuple dont j'ai partagé ici‑bas le pélérinage; » s'éloignant de ce peuple pervers, de sa parenté charnelle, qui n'est point étrangère en ce monde et ne cherche point la céleste patrie. « Car, dit‑il, le figuier ne donnera point de fruit, et les vignes resteront stériles; la culture de l'olivier sera trompeuse et les campagnes ne fourniront rien pour la nourriture, les brebis manqueront de pâturages et il n'y aura plus de bœufs dans les étables. » Il voyait cette nation qui devait faire mourir le Christ, privée de l'abondance des biens spirituels, qu'il figure prophétiquement par la fertilité de la terre. Et comme cette nation subit les effets de la colère divine, parce qu'ignorant la justice de Dieu, elle a voulu établir sa propre justice (Rom. x, 3), il ajoute : « Pour moi, je me réjouirai dans le Seigneur, je mettrai ma joie en Dieu, mon salut. Le Seigneur mon Dieu est ma force, il affermira mes pieds jusqu'à la fin; il me placera sur les hauteurs, afin que je triomphe dans son cantique, » ce cantique dont il est dit dans le psaume, à peu près dans les mêmes termes : « Il a affermi mes pieds sur la pierre, et il a dirigé mes pas; il a mis dans ma bouche un cantique nouveau, une hymne à notre Dieu. » (Ps. xxxix, 3 et 4.) Celui‑là donc triomphe dans le cantique du Seigneur, qui se plaît à chanter les louanges de Dieu, et non ses propres
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louanges; « afin que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur. » (l. Cor. 1, 31.) Je préférerais, d'après certains exemplaires: « Je me réjouirai en Dieu, mon Jésus; » quelques interprètes latins ont omis ce nom pourtant si aimable et si doux à prononcer.
CHAPITRE XXXIII.
Des prophéties de Jérémie et de Sophonie, sur le Christ et la vocation des Gentils.
1. Jérémie est au nombre des grands prophètes, comme Isaïe; il n'est point de ces petits prophètes, dont j'ai déjà rapporté quelques passages. Il prophétisa sous les règnes de Josias, à Jérusalem, et d'Ancus‑Martius, chez les Romains; le temps de la captivité des Juifs approchait. Sa prophétie s'étend jusqu'au cinquième mois de cette captivité, comme ses écrits en font foi. On lui adjoint Sophonie, un des petits prophètes; car, lui aussi, d'après son propre témoignage, prophétisa du temps de Josias, mais il ne dit pas jusqu'à quel moment. Pour Jérémie, il prophétisa à l'époque, non‑seulement d'Ancus‑Martius, mais encore de Tarquin l'ancien, cinquième roi de Rome; car, le règne de ce prince commence avec la captivité. Jérémie donc, prophétisant sur le Christ, s'exprime ainsi : « Le souffle de notre bouche, le Seigneur Christ a été pris pour nos péchés; » (Jérém. iv, 20) montrant en ce peu de mots, que le Christ est Notre‑Seigneur, et qu'il a souffert pour nous. Et en un autre endroit : « Celui‑ci est mon Dieu, dit‑il, et nul autre n'est comparable à lui. Il est l'auteur de toute sagesse; il l'a communiquée à Jacob, son serviteur, et à Israël, son bien‑aimé. Ensuite, il a été vu sur la terre, et il a conversé avec les hommes. » (Baruch. 111, 36, etc.) Plusieurs attribuent ce témoignage, non à Jérémie, mais à Baruch, son secrétaire; mais plus généralement Jérémie est regardé comme l'auteur de ces paroles. Le même prophète dit encore du Christ, lui‑même : « Voici les jours qui approchent, dit le Seigneur, et je susciterai à David un rejeton juste, et il sera roi et sage, et il fera régner la justice sur la terre. En ces jours, Juda sera sauvé, et Israël habitera avec confiance sa demeure, et voici le nom qu'on lui donnera : le Seigneur, notre justice. » (Jérém. xxiii, 5, etc.) Quant à la vocation future des Gentils, que nous voyons maintenant accomplie, le prophète en parle ainsi ‑ « Le Seigneur est mon Dieu et mon refuge dans les jours mauvais; les nations
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viendront à toi des extrémités de la terre, et diront : en vérité, nos pères ont adoré, des idoles de mensonge, et il n'y a rien de bon à en attendre. » (Jérém. xvi, 16.) Mais les Juifs ne devaient pas le reconnaître, puisqu'ils devaient le mettre à mort; aussi, le prophète l'indique : « Leur coeur est généralement appesanti; c'est un homme, et qui le connaîtra? » (Jérém. xvii, 9.) Jérémie est encore l'auteur du passage que j'ai rapporté, au livre dix‑septième, sur le Nouveau‑Testament, dont le Christ est le médiateur. Car, c'est bien lui qui a dit : « Voici les jours qui approchent, dit le Seigneur, et je concluerai une nouvelle alliance avec la maison de Jacob; » (Jérém. xxxi, 31) et le reste.
2. Pour Sophonie, qui prophétisait avec Jérémie, je citerai en passant, quelques‑unes de ses prédictions sur le Christ : « Attendez‑moi, dit le Seigneur, au jour de ma résurrection future, car j'ai résolu de réunir les nations et de rassembler les royaumes. » (Soph. 111, 8.) Et encore : « Le Seigneur se montrera terrible contre eux; il exterminera tous les dieux de la terre; chaque homme dans sa contrée, et toutes les nations qui habitent les îles l'adoreront. » (Soph. 11, 11.) Et un peu plus loin : «Alors, dit-il, je dirigerai la langue des peuples et de leur postérité; ils invoqueront tous le nom du Seigneur et le prieront sous une loi commune; des rives des fleuves de l'Éthiopie, ils m'apporteront des victimes. En ce jour, tu n'éprouveras pas de confusion pour toutes les trames impies que tu as ourdies contre moi ; car alors, j'effacerai la malice de toutes tes offenses; il ne t'arrivera plus de te glorifier sur ma montagne sainte, et je te transformerai en un peuple doux et humble; et les restes d'Israël s'inclineront avec respect devant le nom du Seigneur. » (Soph. iii, 9, etc.) Les restes sont ceux dont l'Apôtre, après un autre prophète, parle ainsi : (( Quand le nombre des enfants d'Israël ressemblerait à celui des grains de sable de la mer, les restes seront sauvés. » (Isaïe, x, 22. Rom. ix, 27.) Car, les restes de cette nation ont cru en Jésus-Christ.
CHAPITRE XXXIV.
Des prophéties de Daniel et d'Ezéchiel, relatives au Christ et à l'Eglise.
Ce fut dans le temps même de la captivité de Babylone, que Daniel et Ézéchiel, deux des grands prophètes, commencèrent à prophétiser. Daniel a même déterminé le nombre des an-
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nées, pour l'avénement et la passion du Christ. Il serait long de reproduire ici le calcul qui a été souvent vérifié par d'autres, avant nous. Mais voici comme ce prophète s'exprime sur la puissance et la gloire de Jésus‑Christ : «J'eus une vision de nuit, et je voyais comme le fils de l'homme, venant sur les nuées du ciel, et il s'avança jusqu'à l'Ancien des jours; et il fut présenté devant lui; et il lui fut donné la souveraineté, l'honneur et l'empire; et tous les peuples, toutes les tribus, toutes les langues lui rendront hommage. Son pouvoir est un pouvoir permanent qui ne passera point, et son royaume ne sera jamais détruit. » (Daniel, vii, 13 et 14.)
2. Ézéchiel aussi, figure prophétiquement le Christ par David, parce qu'il a tiré de la race de David sa nature humaine, d'où lui est venue cette forme d'esclave qui le rend homme et qui le fait même appeler esclave de Dieu, bien qu'il soit fils de Dieu. Ézéchiel donc, empruntant, dans sa prophétie, la personne de Dieu le Père, l'annonce au monde en ces termes : « Je susciterai sur mes troupeaux un pasteur unique pour les paître, mon serviteur David, et il les fera paître lui‑même, et il sera leur pasteur. Et moi, le Seigneur, je serai leur Dieu, et mon serviteur David sera le prince au milieu d'eux; c'est moi, le Seigneur, qui parle ainsi. » (Ezéch. x,xxiv, 23 et ‑94.) Et ailleurs « Il y aura, dit‑il, un seul roi pour les gouverner tous; et il n'y aura plus désormais deux nations, ni deux royaumes séparés. Ils ne souilleront plus par l'idolâtrie, les abominations et toutes sortes d'iniquités. Je les retirerai de tous les lieux où ils ont péché, et je les purifierai; et ils seront mon peuple, et je serai leur Dieu, et mon serviteur David sera leur roi et leur unique pasteur. » (Ezéch. xxxvii, 22, etc.)
CHAPITRE XXXV.
Des prédictions des trois prophètes, Aggée, Zacharie et Malachie.
1. Restent trois petits prophètes qui prophétisèrent sur la fin de la captivité : Aggée, Zacharie et Malachie. Aggée est celui des trois dont la prophétie sur le Christ et l'Église se distingue davantage par la précision et la clarté : « Voici ce que dit le Seigneur des armées : encore un peu de temps, et j'ébranlerai le ciel et la terre, la mer et le continent; je remuerai toutes les nations, et il viendra, le Désiré de
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tous les peuples.» (Agg., II, 7 et 8.) .) on voit déjà l'accomplissement partiel de cette prophétie, la fin du monde réaliserera nos espérances pour le reste. Le ciel s'ébranla par le témoignage des Anges et des astres à l'Incarnation du Christ. La terre fut émue par le miraculeux prodige de l'enfantement d'une vierge; et une agitation profonde s'est produite sur la mer et le continent, quand le Christ fut annoncé dans les îles et dans tout l'univers. Ainsi, nous voyons toutes les nations émues pour embrasser la foi. Quant à ce qui suit : Et il viendra, le Désiré de tous les peuples, c'est l'espérance de son dernier avénement. Car, pour qu'il soit le Désiré de ceux qui l'attendent, il faut d'abord qu'il soit aimé de ceux qui croient en lui.
2. Zacharie parle ainsi du Christ et de l'Église : « Réjouis‑toi, fille de Sion ; réjouis‑toi, fille de Jérusalem, voici venir ton roi, c'est le Juste, le Sauveur. Il est pauvre, il est monté sur une ânesse et sur le poulain de l'ânesse; mais son pouvoir s'étend d'une mer à l'autre, et depuis les fleuves jusqu'aux extrémités de la terre.» (Zach. ix, 9 et 10.) L'Évangile nous apprend quand Notre‑Seigneur Jésus‑Christ fit usage de cette monture; il fait même mention de cette prophétie, qu'il cite selon le besoin de son récit. (Matth., xxi.) Ailleurs, parlant en esprit de prophétie à Jésus‑Christ lui‑même de la rémission des péchés, par l'effusion de son sang : « Vous aussi, dit‑il, par le sang de votre testament, jous avez délivré vos captifs du lac sans eau. » (Zach., ix, 11.) Il y a plusieurs sens, même au regard de la vrai foi, pour l'intelligence de ce lac. Cependant, à mon avis, on ne saurait l'entendre mieux que de la nature humaine, fonds désséché où croupit la vase de l’iniquité, et où ne coulent jamais les eaux vives de la justice. C’est de ce lac que le psalmiste dit : « Il m'a retiré du lac de la misère et d'un abîme de fange. » (Ps. xxxlx, 2)
3. Malachie, prophétisant sur l'Église que nous voyons déjà fleurir par Jésus‑Christ, dit très clairement aux Juifs, en la personne de Dieu: « Mon affection n'est point en vous, et je ne recevrai point de présents de votre main. Car, depuis le lever du soleil jusqu'au couchant, mon nom est grand parmi les nations, et on me sacrifiera en tous lieux, et il sera offert à mon nom une obligation pure, parce que mon nom est grand parmi les nations, dit le Seigneur. » (Malach, I, 10.) Ce sacrifice, par le sacerdoce du Christ, selon l'Ordre de Melchisédech, est offert partout à Dieu, depuis le soleil levant jusqu'au couchant; nous en sommes les témoins. D'un autre côté, les Juifs à qui il est dit: «Mon affection
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n'est point en vous, et je ne recevrai point de présents de votre Main, « doivent voir que leurs sacrifices sont abolis; pourquoi attendent‑ils donc encore un autre Christ, quand la prophétie qu'ils lisent et dont ils contemplent l'accomplissement, n'a pu s'accomplir que par lui? Car, un peu après, le prophète dit, au sujet du Christ et toujours en la personne de Dieu : « Mon alliance avec lui est une alliance de vie et de paix, et je lui ai donné de me craindre et de respecter la présence de mon nom. La loi de vérité était dans sa bouche; il a suivi avec moi les voix de la paix et il a fait sortir plusieurs de l'iniquité; car les lèvres du prêtre seront les dépositaires de la science, et c'est de sa bouche qu’on recherchera la connaissance de la loi, parce qu'il est l'ange du Seigneur Tout-Puissant» (Malach. il, 5, etc.) Il ne faut pas s’étonner que le Christ Jésus soit appelé l’ange du Dieu Tout‑Puissant, il est esclave à cause de la forme d’esclave qu'il a prise pour venir parmi les hommes; et il est ange à cause de l'Évangile qu'il leur annonce. Car, en suivant l'étymologie grecque, Évangile veut dire bonne nouvelle, et ange, messager. Aussi, le prophète dit encore de Jésus‑Christ: (( Voici que j’envoie mon ange, et il préparera la voie devant moi, et aussitôt viendra dan son temple le Seigneur que vous cherchez, avec l'ange du testament que vous désirez.Il virent, le voici, dit le Seigneur Tout-Puissant; et qui pourra supporter l’éclat de son avénement, ou soutenir sa présance?)) (Malach. 111, 1, etc.) Ici le prophète prédit le premier et le second avènement du Christ; le premier, en disant: Et aussitôt le Seigneur viendra dans son temple, c'est‑à‑dire das sa chair, dont il dit dans l'Évangile : Détruisez ce temple et je le rétablirai en trois jours; » (Jean, 11, 19) le second, par ces paroles : Le voici, il vient, dit le Seigneur Tout-Puissant; et qui pourra supporter l'éclat de son avénement, ou soutenir sa présence? Quant à ce qu'il dit encore: «Le Seigneur que vous cherchez, l’ange du testament que vous désirez, » il veut sans doute faire entendre que les Juifs eux‑mêmes, en lisant les Écritures, cherchent le Christ et le désirent; mais plusieurs, aveuglés par leurs fautes passées, ne voient point que celui qu'ils cherchent et désirent est déjà venu. Quant au testament dont il parle, soit précédemment, quand il dit: «Mon Testament ou mon alliance est avec lui,» soit dans la dernière citation, lorsqu'il nomme l'ange du testament, il s'agit, sans aucun doute, du Nouveau‑Testa-
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ment, qui promet des biens éternels, tandis que l'Ancien avait seulement des promesses temporelles. Il est vrai que la prospérité des impies jette le trouble chez un grand nombre de personnes faibles, qui s'attachent aux biens de la terre et servent le vrai Dieu pour ces passagères récompenses. Aussi, afin de faire distinguer la béatitude éternelle du Nouveau-Testament, qui sera le partage des seuls bons, de la félicité terrestre de l'Ancien qui, très‑souvent, est accordée aux méchants, le prophète dit : « Vous avez multiplié contre moi vos paroles injurieuses, dit le Seigneur, et vous dites : En quoi avons‑nous mal parlé de vous? Vous avez dit : C'est une folie de servir Dieu, et que nous revient‑il d'avoir observé ses commandements, et d'avoir marché en suppliants devant la face du Seigneur Tout‑Puissant? Maintenant donc, nous appellerons bienheureux les étrangers, car tous ceux qui ont commis l'iniquité se relèvent; il se sont déclarés les ennemis de Dieu et les voilà sauvés. Ainsi ont murmuré tout bas ensemble ceux qui craignaient le Seigneur; le Seigneur a remarqué, et il a entendu ces plaintes; et il a écrit un livre qui restera en sa présence, en faveur de ceux qui le craignent et respectent son nom. »Ce livre, c'est le NouveauTestament, mais écoutons ce qui suit : « Et ils seront mon héritage, dit le Seigneur Tout-Puissant, au jour que j'ai réservé; et je les épargnerai comme l'homme épargne un fils obéissant. Alors, vous changerez de langage, et vous distinguerez entre le juste et l'injuste, entre celui qui sert Dieu et celui qui ne le sert pas. Car, voici venir le jour qui sera comme une fournaise ardente pour les consumer. Et tous les étrangers, et tous ceux qui commettent l'injustice, seront comme la paille, et le jour qui vient les dévorera, dit le Seigneur Tout-Puissant; et il ne restera d'eux ni branches, ni racines. Et le soleil de justice se lèvera pour vous qui craignez mon nom; votre salut sera sous ses ailes; vous sortirez et vous bondirez comme de jeunes taureaux délivrés de leurs liens; et vous foulerez les méchants et ils seront comme de la cendre sous vos pieds, le jour que j'ai réservé à mes œuvres, dit le Seigneur Tout‑Puissant. » (Malach. 111, 13, etc.) Ce jour est le jour du jugement, dont nous parlerons plus amplement en son lieu, si Dieu le permet.