La Cité de Dieu 86

tome 24 p. 512

 

CHAPITRE XIV.

 

De l’ordre et de la loi soit du ciel soit de la terre par lesquels on travaille aux intérêts de la société humaine même en commandant, et on la sert également en veillant à ses intérèts.

 

Ainsi donc tout usage des choses temporelles

se rapporte dans la Cité terrestre à la jouissance de la paix terrestre, et dans la Cité céleste il se rapporte à la jouissance de la paix éternelle. C'est pourquoi si nous étions des animaux privés de raison, nous ne désirerions rien autre chose que le tempérament bien ordonné des parties du corps et le repos des appétits, rien par conséquent au‑delà de la tranquilité du corps et de la mesure des voluptés qui lui conviennent, en sorte que la paix du corps servit a celle de l’âme. Car si la paix du corps vient à manquer, la paix de l'âme privée de raison se trouve entravée, parce qu'elle ne peut arriver au repos des appétits. Mais ces deux choses concourent ensemble à cette paix qui existe entre l'âme et le corps, c'est‑à‑dire, à l'harmonie de la vie et de la santé. Car de même que les animaux montrent leur amour pour la paix du corps quand ils fuient la douleur, et qu'ils font preuve également d'amour pour la paix de l'âme quand, afin de satisfaire aux réclamations de leurs appétits, ils suivent les attraits de la volupté ; de même en fuyant la mort ils font voir combien ils aiment la paix, qui unit entre

=================================

 

p513  LIVRE XIX. ‑ CHAPITRE XIV.

 

eux le corps et l'àme. Mais parce que l'homme est doué d'une âme raisonnable, tout ce qu'il a de commun avec les bêtes, il l'assujettit à la paix de l'âme raisonnable de manière à pouvoir se proposer et contempler une chose dans son esprit, et agir d'après ce qu'il a vu en lui-même, afin qu'il y ait dans toute sa personne accord fondé sur l'ordre entre la connaissance et l'action, ce que nous avions appelé la paix de I'àme. Car pour cela il doit ne vouloir être ni tourmenté par la douleur, ni troublé par le désir, ni dissous par la mort, afin d'arriver à quelque connaissance utile, et de régler d'après cette connaissance sa vie et ses moeurs. Toutefois de peur que cette ardeur d'apprendre et de connaitre, en raison de la faiblesse de l'esprit humain, ne le fasse tomber en quelque malheureuse erreur, il a besoin de l'enseignement divin pour le suivre avec certitude, il a besoin de l'assistance divine pour y céder avec liberté. Et puisque tant qu'il est en ce corps mortel, il voyage loin du Seigneur (II. Cor. V, 6 et 7), alors il marche guidé par la foi et non par la claire‑vue, et ainsi toute paix soit du corps, soit de l'âme, soit à la fois du corps et de l'âme, il la rapporte à cette paix qui doit être entre l'homme mortel et Dieu immortel, en sorte que son obéissance soit ordonnée dans la foi sous une loi éternelle. Or comme Dieu notre maitre nous enseigne deux grands préceptes, les premiers de tous, à savoir l'amour de Dieu et l'amour du prochain, et que dans ces deux préceptes l'homme trouve trois objets à aimer: Dieu, lui‑même et le prochain; comme d'un autre côté celui‑là même qui aime Dieu ne se trompe pas dans l'amour qu'il se porte à lui-même, il en résulte qu'il doit également s'intéresser au prochain en vue de lui faire aimer Dieu, puisqu'il lui est ordonné d'aimer son prochain comme lui‑même. Et c'est ainsi qu'il doit entendre l'intérêt de sa femme, de ses enfants, de ses domestiques, et celui de tous les hommes à qui il pourra être utile de la sorte , et c'est ainsi qu'il doit vouloir que le prochain l'entende par rapport à Iui‑mêm, s'il en est besoin. De cette manière il sera tranquille du côté de tout homme autant qu'il dépendra de lui, et il jouira de cette paix humaine, que nous avons dit consister dans l'union des cœurs fondée sur l'ordre qui leur est propre, et cet ordre c'est que d'abord on ne nuise à personne, et ensuite qu'on se rende utile à celui à qui on peut l'être. Tout d'abord donc il a le soin de ceux qui lui appartiennent, car c'est à leur égard qu'il a en main les moyens les plus commodes et les plus faciles pour être utile, d'après les dispositions de la nature, et d'après les lois de la société humaine elle‑même. De là ces paroles de l'Apôtre : « Quiconque n'a pas soin des siens et surtout de ceux de sa maison, celui‑là

=================================

 

p514 DE LA CITÉ DE DIEU.

 

renie sa foi et il est pire qu'un infidèle. » (I. Tim. V, 8.) De là résulte donc aussi la paix domestique, c'est‑à‑dire entre tous ceux qui habitent ensemble la concorde par laquelle ils commandent ou obéissent chacun suivant son rang. Car ceux‑là commandent qui veillent aux intérêts des autres comme le mari à l'égard de la femme, les parents par rapport aux enfants, les maîtres par rapport aux serviteurs. Mais dans la maison du juste qui vit de la foi, et qui est encore comme un voyageur éloigné de cette Cité céleste, même ceux qui commandent se trouvent être les serviteurs de ceux à qui ils semblent commander. Car s'ils commandent, ce n'est pas par la passion de dominer, mais par le devoir qu'ils ont de veiller aux intérêts des autres, ce n'est pas par une vaine jalousie d'autorité, mais par une tendre sollicitude de prévoyance.

 

CHAPITRE XV.

 

De la liberté naturelle et de la servitude dont la première cause est le péché. En vertu de cette cause, l'homme de mauvaise volonté tout en n'étant pas l'esclave d'un autre homme, le devient de ses propres passions.

 

Voilà ce que prescrit l'ordre naturel; c'est dans ces conditions que Dieu a créé l'homme. Car il a dit : « Qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tous les animaux qui rampent sur la terre. » (Gen. I, 26.) La créature raisonnable qu'il a faite à son image, il a voulu qu'elle ne dominât que sur les créatures privées de raison; il n'a pas voulu que l'homme dominât sur l'homme, mais l'homme sur la bête. Aussi les premiers justes ont été établis pasteurs de troupeaux plutôt que Rois des hommes; de cette manière Dieu nous faisait connaître ce que demande l'ordre de la création, et ce qu'exige le châtiment dû au péché. En effet, on comprend que la peine de l'esclavage a été justement infligée au pécheur. Aussi nulle part dans les Écritures il n'est question d'esclave avant que le juste Noé ne flétrit de ce nom la coupable action de son fils. (Gen.IX, 25.) C'est donc le péché qui a mérité ce nom, et non pas la nature. Quant à l'origine du nom d'esclave tel qu'il s'exprime dans la langue latine, on pense qu'elle vient de ce que les vaincus condamnés à mourir par le droit de le guerre devenaient esclaves s'ils étaient conservés par les vainqueurs. Ils étaient appelés servi du mot latin servare conserver. Et cela même ne se rencontre pas sans la punition du crime. Car même lorsque d'un côté la guerre qui se fait est juste, de l'autre côté elle ne l'est pas, et c'est en faveur de l’injustice que l'on y

=================================

 

p515 LIVRE XIX. ‑ CHAPITRE XV.                   

 

combat. Alors même quand elle est donnée au mauvais parti, toute victoire humilie les vaincus et cela par un juste jugement de Dieu ; elle arrête les crimes ou elle les châtie. Témoin Daniel (Daniel, ix, 5), cet homme de Dieu, alors que, réduit en captivité, il fait à Dieu l'aveu de ses péchés et des péchés de son peuple, et avec une religieuse douleur proclame que telle est la cause de cette captivité. La première cause de l'esclavage, c'est donc le péché; c'est le péché qui a fait que l'homme fût assujetti à l'homme, et condamné au sort de l'esclave enchaîné ; et cela ne s'est fait que par le jugement de Dieu en qui il n'y a point d'injustice, et qui sait régler les châtiments d'après les crimes des coupables. Or, comme le dit Notre Divin Maître : « Quiconque commet le péché est l'esclave du péché; » (Jean, viii, 34) et ainsi un grand nombre sans doute de personnes soumises à la religion sont esclaves de maîtres injustes mais non pas libres cependant : « Car quiconque a été vaincu, est adjugé comme esclave au vainqueur. » (11. Pierre, 11, 19.) Et assurément il y a moins de malheur à être esclave de l'homme qu'à l'être des passions, puisque la plus féroce domination qui ravage le coeur des mortels, c'est celle qu'exerce entre autres la passion de dominer, pour ne parler que de celle‑là. Or en vertu de cet ordre de paix qui régit les hommes, et qui fait que les uns doivent obéir aux autres, si l'humilité est utile à ceux qui sont esclaves, l’orgueil est funeste à ceux qui sont maîtres. Cependant suivant les lois de la nature dans laquelle Dieu a créé l'homme au commencement, nul n'est esclave de l'homme ou du péché. Mais le châtiment de la servitude est ordonné par la loi, qui commande de respecter l'ordre de la nature, et qui défend de le troubler, en sorte que s'il n'y avait pas eu violation de cette loi, la répression apportée par le châtiment de la servitude n'aurait jamais existé. Voilà aussi pourquoi l'Apôtre (Ephés. vi, 5) exhorte les esclaves à être soumis à leurs maîtres, et à leur obéir de cœur et avec bonne volonté, et ainsi s'ils ne peuvent obtenir de leurs maîtres leur liberté, ils rendent du moins leur servitude libre en quelque sorte accomplissant leur tâche non avec une crainte trompeuse, mais avec une affection sincère, jusqu'au jour où l'iniquité passera, où tout empire et toute domination humaine disparaîtra, et où Dieu sera tout en tous.

 

CHAPITRE XVI.

 

Du droit légitime de dominer.

 

En conséquence, bien que les justes nos pères aient eu des esclaves, ils travaillaient à procurer la paix domestique de telle manière, que relativement aux biens temporels ils fai-

=================================

 

p516 DE LA CITÉ DE DIEU.

 

saient une distinction entre la condition de leurs enfants et celle de leurs esclaves; mais que quand il s'agissait du culte de Dieu en qui l'on doit espérer les biens éternels, ils veillaient avec une égale sollicitude sur tous les membres de leur maison. C'est ce que prescrit l'ordre naturel, au point que c'est là l'origine du nom de père de famille, nom tellement adopté dans les pays même les plus éloignés, que les maîtres injustes eux aussi aiment à s'entendre appeler de ce nom. Mais ceux qui sont de vrais pères de famille exercent leur sollicitude à l'égard de tous ceux qui composent leur famille, les traitant comme leurs fils, quand il s'agit dans leur maison de faire honorer Dieu et de se concilier ses faveurs. Car ils souhaitent et ils désirent arriver aux demeures célestes, où il ne sera plus nécessaire d'exercer l'autorité publique sur les mortels, parce qu'il ne sera plus nécessaire d'exercer la vigilance sur ceux qui dès lors seront heureux dans l'immortalité. Mais tant qu'on n'y arrive pas, les pères de famille ont plus de soucis à prendre en commandant, que les esclaves en obéissant. Et si dans la maison quelque rebelle vient troubler la paix domestique, il reçoit son châtiment soit par des paroles de blâme, soit par des peines corporelles, soit par toute autre sorte de punition juste et légitime, suivant les droits que donne la société humaine dans l'intérêt même du coupable, et pour le ramener à la paix dont il s’était éloi­gné. Car de même que ce n'est pas faire acte de bienfaisance que de prêter son concours pour arriver à faire perdre à un homme un bien plus grand, de même ce n'est pas faire acte de con­descendance que de contribuer par une indul­gence funeste à le faire tomber dans un plus grand mal. Il entre donc dans le devoir de ce­lui qui ne veut pas nuire, non‑seulement de ne causer de mal à personne, mais encore de s'op­poser au péché ou de le punir, afin que celui auquel le châtiment est infligé se corrige par l'épreuve qu'il subit, ou du moins que les au­tres soient intimidés par l'exemple. Et par là même que la Cité trouve son origine dans la famille on que celle‑ci est une partie de la Cité, mais que toute origine se développe pour arri­ver à une fin quelconque de son ordre, et que toute partie se rapporte à l'intégrité du tout auquel elle appartient, il s'ensuit assez claire­ment que la paix domestique se rapporte ou fait arriver à la paix de la Cité; c'est‑à‑dire que l'union entre ceux qui habitent ensemble et par laquelle ils commandent ou obéissent cha­cun selon son rang, se rapporte ou fait arriver à l'union entre les citoyens, par laquelle égale­ment ils commandent ou obéissent chacun se­lon son rang. De là il résulte que le père de fa­mille doit modeler sur la loi de la Cité les ordres d'après lesquels il veut régler sa mai-­

=================================

 

p517 LIVRE XIX. ‑ CHAPITRE XVII.

 

son, de manière à ce qu'elle soit en harmonie avec la paix de la cité.

 

CHAPITRE XVII.

 

D'où la Société céleste peut avoir la paix avec la Cité terrestre, et d'où peuvent venir les discordes entre elles.

 

Mais la famille des hommes qui ne vient pas de la foi recherche la paix de la terre, et veut la trouver dans les biens et dans les avantages de cette vie temporelle. Tandis que la famille de ceux qui vivent de la foi attend ces biens éternels qui nous sont promis pour la vie future; elle n'use des choses de la terre et des biens temporels que comme étrangère; elle ne veut pas se laisser prendre par eux, ni se laisser détourner de son but qui est Dieu ; elle s'en sert seulement comme de moyens pour s'aider à supporter plus facilement en quoi que ce soit, sans l'augmenter, le poids de ce corps corruptible qui surcharge et appesantit l'âme. (Sag. ix, 15.) Ainsi donc, l'usage des choses nécessaires à cette vie mortelle est commun à ces deux sortes de monde, à ces deux familles; mais la fin dans cet usage est propre à chacun des deux respectivement, et elle est bien différente. Ainsi la Cité terrestre qui ne vit pas de la foi recherche la paix terrestre, et tel est le but qu'elle poursuit dans cette union des citoyens par laquelle les uns commandent et les autres obéissent; elle veut qu'il y ait entre eux par rapport à tout ce qui intéresse cette vie mortelle un certain accord des volontés humaines. Mais la Cité céleste, ou plutôt la portion de cette Cité qui accomplit encore le voyage de la vie mortelle et qui vit de la foi, a aussi besoin d'user de cette paix, jusqu'à ce que soient passés les jours de cette mortalité à laquelle il faut une telle paix. Aussi tant qu'au sein de la Cité terrestre elle vit captive et passe le temps de son exil, soutenue par la promesse de sa rédemption et par les dons spirituels qu'elle a déjà reçus comme gages de cette promesse, elle n’hésite pas à obéir aux lois de la Cité terrestre, d'après lesquelles s'administre tout ce qui est approprié au soutien de cette vie mortelle, et puisque la mortalité est commune à l'une et à l'autre société, elle veut, dans ce qui a rapport aux intérêts présents, conserver la bonne harmonie entre elle et la Cité terrestre. Mais celle‑ci a eu certains sages qui sont condamnés par la doctrine que nous tenons de Dieu lui‑même. Soit que ces sages aient donné libre carrière à leurs conjonctures, soit qu'ils aient été trompés par les démons, ils en sont venus à croire qu'un grand nombre de dieux devaient intervenir dans les choses humaines. Ils ont supposé qu'à

=================================

 

p518 DE LA CITÉ DE DIEU.

 

leurs différentes attributions étaient assujettis en quelque sorte les différents êtres de la terre. A l'un ils soumettaient le corps; à l'autre l'esprit; et dans le corps lui‑même l'un avait le soin de la tête, l'autre celui du cou; et ainsi chaque partie avait son dieu correspondant. Egalement dans l'âme, l'un présidait à l'esprit, l'autre à la science, celui‑ci à la colère, celui‑là aux appétits sensuels. Et dans les choses mêmes qui concernent la vie matérielle, l'un avait le soin des troupeaux, l'autre celui du blé; celui‑ci avait le soin du vin, celui‑là était chargé de l'huile. Il y avait des dieux pour administrer les forêts; d'autres veillaient à l'argent. N'y en avait‑il pas pour la navigation, pour la guerre, pour la victoire, pour les mariages, pour les enfantements, pour la fécondité, et autant d'autres qu'on peut compter de choses existantes? Au contraire la Cité céleste ne connaît qu'un seul Dieu qui mérite l'adoration. Avec une piété constante elle veut qu'il n'y ait que lui à honorer de ce culte qu'on appelle en grec latrie, et qui n'est dû qu'à Dieu. De cela il est arrivé que pour les lois religieuses elle n'a pu entrer en communauté avec la Cité terrestre. Il lui a donc fallu être en désaccord avec elle dans ces questions, et devenir un fardeau insupportable pour ceux qui pensaient différemment ; force lui aurait été de se trouver constamment en butte à leurs colères, à leurs haines et à tout l'emportement de leurs persécutions, si quelquefois la crainte de la multitude qui la compose, si toujours le secours divin ne la protégeait contre les passions de ses ennemis. Dans le cours de son pèlerinage sur la terre, cette Cité céleste fait donc appel à toutes les nations pour y trouver des citoyens. Elle ne se met pas en peine de tout ce qui peut être différent dans les moeurs, dans les lois et dans les diverses institutions par lesquelles la paix terrestre s'acquière ou se conserve. Elle n’en viole, ni n’en détruit rien; bien plus elle les observe et s'y conforme. Et quoique ces institutions diffèrent suivant les différentes nations, cependant elles tendent toutes à une seule et même fin, c'est‑à-dire, à la paix terrestre, pourvu qu'elles ne mettent pas obstacle à la religion qui enseigne qu'on doit adorer le seul souverain et vrai Dieu. Dans son pèlerinage sur cette terre, la Cité céleste use donc de la paix terrestre; et pour ce qui intéresse la nature mortelle des hommes, elle favorise et elle désire l'union des volontés humaines tant que celle‑ci permet à la piété et à la religion de se conserver, et elle rapporte cette paix terrestre à la paix céleste. La paix céleste! C'est là la vraie paix; elle l'est si bien que pour la créature raisonnable on doit la tenir et la dire la seule, paix ! Cette paix, c'est

=================================

 

p519 LIVRE XIX. ‑ CHAPITIIE XVIII.

 

cette grande union la plus conforme à l'ordre, et la plus intime par laquelle on jouit de Dieu d'abord, et ensuite les uns des autres en Dieu. Quand on en sera arrivé là, il n'y aura plus de vie mortelle, mais ce sera tout‑à‑fait et bien sûrement une vie digne de ce nom. Alors, il n'y aura plus ce corps animal qui par sa corruption appesantit l'âme (Sag. ix, 15), mais ce sera un corps spirituel débarrassé de toute misère et soumis absolument à la volonté. Cette paix, la société céleste en jouit déjà en accomplissant dans la foi son pèlerinage ici‑bas. C'est de cette foi qu'elle vit dans la justice lorsqu'elle rapporte à la conquête de la paix du ciel tout ce qu'elle fait de bien envers Dieu et le prochain; car sa vie est une vie sociale de toutes manières.

 

CHAPITRE XVIII.

 

Combien l'incertitude de la nouvelle Académie est différente de la fermeté de la foi chrétienne.

 

Quant à ce qui concerne cette différence que Varron a empruntée aux nouveaux Académi­ciens pour qui tout est incertain, la Cité de Dieu repousse absolument et avec horreur un tel doute comme une folie. Car sur les vérités qu'elle comprend d'esprit et de raison, quoique peut‑être elle n'ait qu'une science restreint(e), à cause de ce corps corruptible qui appesantit l'âme, et parce que, suivant la parole de l'Apôtre : «Nous ne connaissons qu'en partie, » (1. Cor. xiii, 9) cependant cette science est on ne peut plus certaine. Et quand il y a évidence pour une chose ou pour une autre, elle croit aux sens que le corps met au service de l'âme; car il se trompe bien plus misérablement celui qui prétend qu'il ne faut jamais croire à leur témoignage. Elle croit aussi aux Saintes‑Êcritures, anciennes et nouvelles que nous appelons canoniques, et d'où est engendrée cette foi, qui est la vie du juste (Hab). 11, 4), et qui nous fait marcher sans hésitation en ce séjour d'exil où nous sommes loin du Seigneur. (11. Cor. v, 6.) Sans que cette foi soit compromise et perde rien de sa certitude, il est des choses que ni les sens ni la raison ne nous ont fait connaitre, sur lesquelles les Écritures canoniques ne nous ont apporté aucune lumière, et qui ne sont parvenues à notre connaissance par aucun de ces témoignages dont il serait absurde de ne pas accepter les assertions. Là dessus notre doute ne peut être l'objet d'un juste reproche.

=================================

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon