La Cité de Dieu 94

tome 24 p. 587

 

 

CHAPITRE XXIV.

 

Ce que dit David dans ses Psaumes de la fin du

monde et du jugement dernier.

 

1. Les Psaumes parlent souvent du jugement dernier, mais en passant et en peu de mots. N'omettons pas cependant ce que David y dit clairement touchant la fin du monde:«Au commencement, Seigneur, vous avez créé la terre, les cieux sont votre ouvrage; ils périront, mais vous demeurerez; ils vieilliront comme un vêtement; vous les changerez comme un manteau, et ils seront changés. Mais vous, vous êtes toujours le même et vos années ne finiront point. » (Ps. ci, 26.) Pourquoi Porphyre, qui loue la piété des Hébreux de ce qu'ils adorent le grand et le vrai Dieu, terrible même à ses divinités, accuse‑t-il, suivant les oracles de ses dieux, les chrétiens d'une extrême folie parce qu'ils disent que le monde périra? Et cependant dans les saintes lettres des Hébreux on dit au Dieu, devant qui toutes les divinités tremblent de l'aveu d'un si grand philosophe : «Les cieux sont l'ouvrage de vos mains, et ils périront. » Quand les cieux périront, qui sont la partie du monde la plus haute et la plus sûre, est‑ce que le monde ne périra pas? Si ce gentiment déplait à Jupiter et qu'il blâme les chrétiens d'après l'autorité grave d'un oracle, d'être trop crédules, pourquoi ne traite‑t‑il pas de folie la sagesse des Hébreux qui l'ont inséré dans leurs livres sacres? Que si cette sagesse, qui plaît  tant à Porphyre, qu'il la fait vanter par les oracles de ses dieux, nous atteste la destruction future des cieux; quel est donc cet excès d'erreur et d'imposture qui déteste dans les articles de foi des chrétiens, avec ou plus que tout le reste, le dogme de la fin du monde, dont la ruine peut seule entraîner celle des cieux. Et dans ces livres sacrés, qui sont incontestablement les nôtres, qui ne nous sont pas communs avec les Hébreux, c'est‑à‑dire dans les évangiles et les épitres des apôtres, on lit que « la figure de ce monde passe, que le monde passe, que le ciel et la terre passeront, » (1. Cor., vii, 31 ; (1. Jean, 11, 17) expressions moins fortes, il est vrai, que celle‑ci : périront. De même dans l'épitre de saint Pierre où il est dit que le monde, qui existait alors, périt par le déluge, il est aisé de voir quelle est la partie du monde que l’apôtre a voulu désigner, comment elle a péri, et quels sont les cieux renouvelés et qui sont réservés pour être brûlés au jour du jugement et

=================================

 

p588 DE LA CITÉ DE DIEU.

 

de la ruine des méchants. Et Èour ce qu'il dit un peu après : « Le jour du Seigneur viendra comme un larron, et alors les cieux passeront avec grand fracas; les éléments embrasés se dissoudront, et la terre et tout ce qu'elle contiendra sera consumée par le feu. » Il ajoute : « Puisque tout doit périr, quelles doivent être les dispositions de votre coeur?» on peut bien entendre par ces cieux, ceux qu'il dit renouvelés et réservés pour le feu; et par les éléments, qui doivent être la proie des flammes, ceux qui occupent la partie basse du monde, séjour des révolutions et des tempêtes, dans laquelle il dit que les cieux ont été renouvelés, laissant intacte et sans dommage la voûte céleste où sont attachés les astres. Car pour ce qui est écrit : que les étoiles tomberont du ciel, on peut leur donner une autre interprétation et meilleure, cela prouve plutôt que les cieux demeureront puisque les étoiles en doivent tomber. Ou cette expression est figurée, ce qui paraît plus probable, ou cela se doit entendre de quelque phénomène dans cette partie inférieure des cieux; comme celui dont parle Virgile, quand il dit : On vit une étoile courir en traçant un long sillon de lumière et aller se perdre dans la forêt d'Ida. Ce que j'ai rapporté du psaume semble n'excepter aucun des cieux de la ruine qu'il annonce. Car il dit: «Les cieux sont l'ouvrage de vos mains, et ils périront. »Tous sont son œuvre; tous doivent périr. Ils ne chercheront point à expliquer ces paroles du psaume par celles de saint Pierre qu'ils haïssent tant, ni dire que comme cet apôtre a entendu la partie pour le tout quand il dit que le monde périt par le déluge, de même David n'a voulu parler que de la partie basse des cieux quand il a dit que les cieux périront. On ne cherchera pas à concilier ces témoignages de peur d'approuver le sentiment de l'apôtre saint Pierre, et d'accorder au dernier embrasement autant d'intensité qu'il en donne au déluge, puisqu'ils soutiennent qu'il est impossible que tout le genre humain périsse par les eaux ou par le feu; ils sont donc forcés de dire que leurs dieux ont loué la sagesse des Hébreux parce qu'ils n'avaient pas lu ce psaume.

 

2. C'est encore du jugement dernier qu'il est question dans le quarante‑neuvième psaume, quand David dit : « Dieu viendra visiblement, notre Dieu, et il ne se taira pas. Un feu dévorant marchera devant lui, et autour de lui une effroyable tempête. Il appellera le ciel en haut,

=================================

 

p589 LIVRE XX. ‑ CHAPITRE XXIV.                 

 

et la terre afin de discerner son peuple. Rassemblez sous ses ailes ses justes qui préfèrent l'observation de sa loi aux sacrifices. » Nous voyons ici notre seigneur Jésus‑Christ qui viendra, nous l'espérons, juger les vivants et les morts. Car il viendra visiblement juger les bons et les méchants, lui qui est déjà venu caché pour être injustement jugé par les méchants. Il viendra, dis‑je, visiblement et il ne se taira pas. C'est‑à‑dire qu'il parlera en juge après avoir paru caché devant son juge quand il fut conduit à la mort, comme une brebis qu'on mène à la boucherie, et comme un agneau muet devant celui qui le tond. Nous en voyons la prédiction dans Isaïe, et l'accomplissement dans l'évangile. Nous avons déjà dit comment il faut expliquer les expressions de feu et de tempête quand nous avons parlé de ce passage. (I. Thes. iv, 16.) Mais il appellera le ciel en haut. Ce sont les saints et les justes qui sont ce ciel. Le psalmiste veut dire comme l'apôtre que nous serons emportés dans les nues au‑devant de Jésus‑Christ au plus haut des airs. Car, à la lettre, comment le haut est‑il appelé ciel, comme s'il pouvait être ailleurs? Quant à ce qui suit : « Et la terre, pour faire la séparation de son peuple. » Si l'on ne sous entend qu'il appellera, sans ajouter en haut, la foi ne s'oppose pas à ce qu'on entende par le ciel, ceux qui doivent juger le monde avec lui, et par la terre, ceux qui doivent être jugés. Et alors ces paroles : il appellera le ciel en haut, ne veulent plus dire qu'il enlèvera les saints dans les airs, mais qu'il leur donnera des sièges où ils auront à juger. Ou encore : il appellera le ciel en haut, c'est‑à‑dire, les anges au plus haut des cieux pour descendre ensuite avec eux et juger le monde. Il appellera aussi la terre, où les hommes qui doivent être jugés sur la terre. Si on doit sous‑entendre, en parlant de la terre, les deux mots : il appellera, et encore en haut, en sorte que l'on devra dire : il appellera le ciel en haut et aussi la terre; à mon avis, croyons que ce sont les hommes qui seront emportés dans les airs au‑devant du Christ, qu'il appelle ciel à cause de leurs âmes, et terre à cause de leurs corps. Mais qu'est‑ce que discerner son peuple? C'est séparer, par le jugement, les bons des méchants, comme les brebis d'avec les boucs. Ensuite se tournant vers les anges il leur dit « : Assemblez près de lui ses saints. » C'est certainement aux anges qu'une si belle mission

=================================

 

p590 DE LA CITÉ DE DIEU.

 

sera confiée. Mais quels sont ces justes ? «Ceux qui préfèrent l'observation de la loi aux sacrifices. » C'est en cela que consiste la vie des saints. Car, où les œuvres de miséricorde sont préférables aux sacrifices, suivant l'oracle de Dieu qui dit : «Je préfère la miséricorde aux sacrifices, » (Os. VI, 6) ou cette expression, au‑dessus des sacrifices, signifie les oeuvres de miséricorde qui servent à apprécier Dieu, comme on dit qu'une action terrestre se passe sur la terre. Je me souviens d'avoir parlé de ces oeuvres dans le dixième livre de cet ouvrage. Ces oeuvres sont l'obéissance au Testament de Dieu, parce qu'elles sont accomplies en vue des promesses renfermées dans le Nouveau‑Testament. C'est pour cela qu'au jugement dernier, quand Jésus-Christ aura assemblé ses saints et les aura mis à sa droite, il leur dira: « Venez, les bénis de mon père; prenez possession du royaume qui vous est préparé dès le commencement du monde. Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger ; ». (Matth. xxv, 34) et ce qui suit au sujet des autres bonnes oeuvres dont il fait l'énumération, et de la récompense éternelle que leur décernera le jugement dernier.

 

CHAPITRE XXV.

 

Prophétie de Malachië sur le jugement dernier, et qui sont ceux qui doivent être purifiés par les peines expiatoires.

 

Le prophète Malachie, ou Malachi, appelé aussi Ange, que quelques‑uns, que les Hébreux, au rapport de saint Jérôme, croient être le même qu'Esdras, dont plusieurs écrits font partie des livres canoniques, parle ainsi du jugement dernier : « Le voici qui vient, dit le Seigneur tout‑puissant; et qui pourra soutenir le jour de son avènement? qui soutiendra son regard? Il se présente comme le feu d'une fournaise ardente, et comme l'herbe du foulon. Il va s'asseoir comme un fondeur qui affine et épure l'or et l'argent; il purifiera les enfants de Lévi, il les fondra comme l'or et l'argent: et ils offriront au Seigneur des victimes dans la justice. Et le Seigneur agrééra le sacrifie de Juda et de Jérusalem comme autrefois,dans les premières années. Je m'approcherai de vous comme juge, je serai un prompt témoin contré les artisans de maléfices et d'adultères, contre ceux qui jurent en mon nom pour affirmer le mensonge,

=================================

 

p591 LIVRE XX. ‑ CHAPITRE XXV.

 

qui retiennent le salaire de l'ouvrier, qui se servent de leur pouvoir pour opprimer les veuves, outragent les orphelins, dénient la justice à l'étranger, et ne me craignent pas,dit le Seigneur tout puissant. Car je suis le Seigneur votre Dieu, et je ne change pas. » (Matth. 111, 1.) De ce passage ne doit‑on pas conclure qu'il y aura pour plusieurs, des peines purifiantes? Peut‑on, en effet, entendre autre chose par ces paroles : « Qui soutiendra l'éclat de son avènement, ou qui pourra supporter ses regards? Car il sera comme le feu d'une fournaise ardente et comme l'herbe des foulons; il s'assiéra comme le fondeur qui purifie l'or et l'arent; et il purifiera les enfants de Lévi; et il les affinera comme on affine l'or et l'argent. » Isaïe fait la même prédiction : « Le Seigneur nettoiera les impuretés des fils et des filles de Sion, et ôtera le sang du milieu d'eux par un esprit de justice et de feu. » (Is. iv, 4.) A moins qu'on ne prétende qu'ils seront purifiés et affinés par la séparation des méchants au jugement dernier; que la séparation et la damnation des uns sera la purification des autres, assurés qu'ils sont de n'être plus jamais mêlés avec les méchants. Et lorsqu'il dit : «Il purifiera les enfants de Lévi et les affinera comme l'or et l'argent; ils offriront des victimes au Seigneur dans la justice, et le sacrifice de Juda et de Jérusalem plaira au Seigneur. » Ceux qu'il purifiera seront désormais agréables au Seigneur par des sacrifices de justice; ils seront par là purifiés de toute iniquité par où ils déplaisaient à Dieu. Ils seront eux‑mêmes quand ils seront purifiés, des hosties d'une justice pleine et entière. En cet état, que pourraient‑ils offrir à Dieu de plus agréable qu'eux‑mêmes? Mais pour traiter avec plus de soin la question des peines purifiantes, attendons. Par les enfants de Lévi, de Juda et de Jérusalem, il faut entendre l'Église de Dieu, composée non‑seulement des Juifs, mais des autres nations; non telle qu'elle est maintenant, puisqu'en cet état nous ne pouvons nous dire «exempts de péché, sans nous séduire nous‑mêmes, et sans mensonge; » (1. Jean, 1, 8) mais telle qu'elle sera, quand elle aura été purifiée par le Jugement dernier comme le grain par le van, et par le feu, pour ceux à qui ce châtiment aura été nécessaite. Personne ne sera plus obligé d'offrir des sacrifices pour ses péchés. Tous ceux qui le font, certainement se reconnaissent coupables, et ils sacrifient pour obtenir leur pardon.

=================================

 

p592 DE LA CITÉ DE DIEU.

 

CHAPITRE XXVI.

 

Des sacrifîces que les saints offriront à Dieu', qu'il aura pour agréables comme ceux d'autrefois et des premiers jours.

 

1. Dieu voulant faire connaître que sa Cité sera exempte de tout péché, dit que les enfants de Lévi offriront des sacrifices dans la justice, non dans l'état du péché, ni pour le péché. D'où « le sacrifice de Juda et de Jérusalem plaira au Seigneur, comme autrefois, et dans les premiers temps. » (Mal. 111, 4.) Que les Juifs ne se promettent donc pas le retour des sacrifices de l'Ancien‑Testament, puisqu'ils sont abolis. Car alors ce n'était pas dans la justice, mais dans l'état du péché qu'ils sacrifiaient, puisque c'était d'abord et principalement pour le péché qu'ils le faisaient; (Lév. xvi, 6) jusque‑là que le prêtre lui‑même, que nous devons certes croire plus juste que les autres, «avait coutume, d'après l'ordre de Dieu, d'offrir d'abord pour ses péchés et ensuite pour ceux du peuple. » (Héb. vii, 27.) Nous sommes donc obligés d'expliquer ce qu'il faut entendre par : « Comme autrefois, dès les premiers temps. » C'est peut‑être le temps où les premiers hommes furent dans le paradis; vierges alors de toute tache et de toute souillure, ils s'offraient à Dieu comme les plus pures vic­times. Mais, depuis qu'à cause de leur prévari­cation, ils en ont été chassés, et qu’en eux la nature humaine a été condamnée, personne, excepté le Médiateur et les enfants baptisés, « n'est exempt de péché, pas même l'enfant d'un jour. » (Job. xiv, 4.) Objecterez‑vous que ceux‑là offrent véritablement des sacrifices purs parce qu'ils le font avec foi, car le juste vit de la foi, quoi qu'il soit reconnu qu'il se trompe lui‑même, s'il se dit exempt de péché, et il ne le dit pas « parce qu'il vit de la foi; » (Rom. i, 17) ce temps de la foi ne peut se comparer au dernier jour, où ceux qui offriront des victimes auront été purifiés par le feu du Jugement dernier. Parce qu'il faut croire qu'après cette punition, les justes ne seront coupables d'aucun péché, on ne peut comparer à cet égard ce temps qu'à celui où les premiers hommes, avant leur infidélité, menaient, dans le paradis, une vie pleine de bonheur et d'innocence. C'est ce qu'on peut entendre par ces paroles : «Comme autrefois, dès les premiers jours.» Car Isaïe, après la promesse d'un nouveau ciel et d'une nouvelle terre, en tr'autres révélations sur le bonheur des

=================================

 

p593 LIVRE XX. ‑ CHAPITRE XXVI.

 

saints qu'il expose sous des énigmes ou des allégories auxquelles nous n'avons pas voulu nous arrêter pour éviter la longueur, dit : « Les jours de mon peuple, seront comme les jours de l'arbre de vie. » (Is. LXV, 9‑2.) Qui a lu les Saintes Lettres, et ignore où était planté l'arbre de vie, dont les hommes furent privés quand, par leur désobéissance, ils furent chassés du paradis et que Dieu préposa à la garde de cet arbre un ange d'un aspect terrible et avec une épée flamboyante.

 

2. Si vous voulez que ces jours de l'arbre de vie, dont parle le Prophète, soient ceux de l'Église qui s'écoulent maintenant, et que l'arbre de vie soit la figure prophétique de Jésus-Christ, parce qu'il est la sagesse de Dieu dont Salomon dit : « Il est un arbre de vie pour tous ceux qui l'embrassent; » (Prov. 111, 18) que les premiers hommes n'aient pas demeurè plusieurs années dans le paradis, d'où ils furent si tôt chassés, qu'ils n'engendrèrent que dans «l'exil, si bien qu'on ne peut trouver aucune analogie à ce temps‑là avec ces paroles: « comme autrefois, dans les premiers temps; » j'y consens. Je passe à d'autres questions: on ne peut les approfondir toutes: c’est assez de montrer la vérité d'un certain nombre. D'ailleurs, j'ai une autre interprétation à donner de ce passage: N'allez pas croire que cette magnifique promesse ramenant les jours anciens et les premières années, se borne aux sacrifices des Juifs. Car ces victimes de l'ancienne loi, que Dieu voulait être toutes pures et sans aucun défaut, représentaient les hommes vertueux, sans taches, tels que Jésus‑Christ. Comme après le jugement, quand les saints auront été purifiés par le feu, si cela était nécessaire, on ne trouvera plus aucun péché dans aucun saint, et ainsi ils s'offriront eux‑mêmes dans la justice, purs et sans défaut. Ils seront alors comme aux anciens jours, lorsque l'offrande de victimes sans taches représentait, comme une ombre, le sacrifice, futur. La pureté du corps, exigée de ces animaux immolés, se trouvera dans la chair immortelle et dans l’âme des saints.

 

3. Ensuite, regardant ceux qui ne doivent point être purifiés, mais condamnés, le Prophète dit: « Je m'approcherai de vous pour vous juger, et j'arriverai assez tôt pour servir de témoin contre les artisans de maléfices et d'adultères, et d'autres crimes» (Matth. 111, 5.) dont il fait l'énumération, il ajoute : Parce que je suis le Sei-

=================================

 

p594 DE LA CITÉ DE DIEU.

 

gneur votre Dieu, etje ne change pas. Comme s'il disait : Quand vos crimes vous changent en pis et ma grâce en mieux, moi je ne change pas. Il dit qu'il servira de témoin, parce qu'à sa barre il n'en appelle aucun. Il se dit prompt, ou parce qu'il doit venir tout d'un coup et inopinément, quand on le croyait encore bien éloigné, soit à cause de la brièveté de l'arrêt qui, en peu de mots, convaincra les consciences. Comme il est écrit : « Les pensées de l'impie déposeront contre lui. » (Sap. 1, 9.) Et l'Apôtre: « Les pensées des hommes les accuseront ou les excuseront au jour où Dieu jugera par Jésus-Christ de tout ce qui est caché dans leurs cœurs. » (Rom. 11, 15.) Le Seigneur se dit prompt témoin parce qu'en un instant il se rappellera ce qui doit convaincre et mériter punition.

 

CHAPITRE XXVII.

 

De la séparation des bons et des méchants, effet du jugement dernier.

 

Ce que j'ai dit du même prophète Malachie en traitant une autre question au dix‑huitième livre, regarde aussi le jugement dernier. « Ils seront mon héritage, dit le Seigneur tout‑puissant, au jour où j'agirai, et je les choisirai avec la prédilection qu'a un père pour un fils obéissant. Vous changerez alors de sentiment et vous verrez quelle diffërence il y a entre le juste et l'injuste, entre celui qui sert Dieu et celui qui ne le sert pas. Voilà qu'un jour viendra semblable à une fournaise ardente et il les consumera. Tous les étrangers et tous les pécheurs seront comme de la paille, et le jour qui s'approche les embrasera, dit le Seigneur tout­uissant, sans qu'il reste d'eux ni branches ni racines. C'est pour vous qui craignez mon nom, que le soleil se lèvera, et vous trouverez le salut à l'ombre de ses ailes. Vous sortirez et vous bondirez comme de jeunes taureaux libres du Joug, et vous foulerez aux pieds les méchants et ils ne seront que de la cendre sous vos pas, dit le Seigneur tout‑puissant. » (Mal. 111, 18) Quand cette différence des peines et des récompenses qui sépare les méchants des bons, qui ne se voit pas sous le soleil qui nous éclaire en cette vie pleine de vanité, brillera sous le soleil de justice dans l'éclat de la vie future, alors sera le jugement tel qu'il n'y en eût jamais.

=================================

 

p595 LIVRE XX. ‑ CHAPITRE XXVIII.

 

CHAPITRE XXVIII.

 

Donnez un sens spirituel à la loi de Moïse, ou vous vous rendrez coupables de murmures par votre sensualité.

 

Malachie ajoute: « Souvenez‑vous de la loi que j'ai donnée pour tout Israël, à Moïse, mon serviteur, sur la montagne de Choreb. » Il rapproche donc avec raison les commandements et le jugement, après avoir montré quelle différence doit exister entre les observateurs de la loi et ceux qui l'auront méprisée. Il veut aussi que les Juifs sachent l'interpréter spirituellement et y découvrent ce Christ, ce juge qui doit faire le discernement des bons et des méchants. Ce n'est pas en vain que le Seigneur dit aux Juifs : « Si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi; car c'est de moi qu'il a parlé. » (Is. v, 46.) En effet, c'est en prenant trop à la lettre la loi et les promesses terrestres qu'elle fait, ne sachant pas qu'elles ne sont que la figure des récompenses éternelles, qu'ils se sont laissés aller aux murmures, et ont dit : « C'est une folie de servir Dieu; quel avantage retirons‑nous d'avoir gardé ses commandements, et de nous être humiliés en la présence du Dieu tout‑puissant.

N'avons‑nous pas raison de dire que le bonheur est pour les étrangers et la prospérité pour les méchants? » (Mal. iii, 14.) Par ces paroles le Prophète est amené à annoncer le jugement Dernier, où les méchants ne jouiront pas même de l'ombre du bonheur, mais paraîtront dans l'évidence de toute leur misère, tandis que les bons, au contraire, exempts de toute peine, jouiront d'une félicité éternelle et dont tous seront témoins. Le Prophète avait déjà rapporté des plaintes de ce genre : « Quiconque fait le mal est agréable au Seigneur; il n'y a que ceux‑là qui lui plaisent. » (Mal. 11, 17.) C'est en interprétant trop à la lettre la loi de Moïse, qu'ils en vinrent à murmurer contre Dieu. C'est pour cela aussi qu'au psaume soixante‑douzième David dit : « Qu'il a été ébranlé, qu'il a tellement trébuché qu'il a failli tomber, parce qu'il enviait le sort des méchants en voyant la paix dont ils jouissaient : » ce qui lui faisait ajouter : « Est-ce que Dieu le sait? est‑ce que le Très‑Haut en a connaissance? » Puis : « C'est donc en vain que j'ai conservé mon cœur pur et aussi mes mains? » Pour résoudre cette question qui lui paraissait si difficile, du bonheur des méchants en cette vie et des tribulations des justes, il dit:

=================================

 

p596 DE LA CITÉ DE DIEU.

 

C'est en vain que je cherche une solution, jusqu'à ce que je sois admis dans le sanctuaire de Dieu, et que je voie la fin. Car, au Jugement Dernier, il n'en sera pas ainsi. Nous verrons tout, autrement qu'aujourd'hui, quand la misère des méchants et le bonheur des justes brilleront aux yeux de tous.

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon