Arius 4

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21. Le 9 juin 325, jour fixé pour la séance publique, était arrivé. Toutes les questions, toutes les difficultés, les objections, les instances avaient été examinées, résolues, élucidées. Les évêques orthodoxes étaient unanimes à couvrir d'anathèmes les impiétés d'Arius. Constantin avait quitté sa résidence habituelle de Nicomédie pour venir ajouter à la solennité de l'assemblée la majesté de la présence impériale. Les membres du concile, évêques, prêtres et diacres, se rendirent dans la grande salle du palais de Nicée. On l'avait préparée pour les recevoir; un trône d'or avait été dressé pour l'empereur. Constantin, portant une tunique de pourpre et un manteau semé de pierreries, parut à l'entrée de la salle. Il n'avait point son escorte ordinaire et n'était accompagné que de ceux de ses officiers qui faisaient profession de la foi chrétienne. A son aspect, tous les évêques se levèrent pour honorer en sa personne le prince qui avait fait passer la religion du Christ de l'obscurité des catacombes au grand jour de ces solennités augustes. Constantin reçut leurs hommages avec une respectueuse modestie. Parvenu au haut de la salle, il se tint debout et ne consentit à prendre place sur le trône qu'après les instances réitérées des pères. Saint Eustathe d'Antioche, au nom de la vénérable assemblée, lui adressa en grec les paroles suivantes: «Tout-puissant empereur, grâces immortelles soient rendues au Dieu qui tient dans sa main les sceptres et les couronnes ! Nous le bénissons de vous avoir choisi pour anéantir l'erreur idolâtrique et proclamer la

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liberté du culte chrétien. La noire vapeur des sacrifices démoniaques est dissipée ; les superstitions du polythéisme sont évanouies ; les ténèbres de l'impiété ont fait place aux clartés de la sagesse divine qui illumine le monde. Le Père est glorifié ; le Fils adoré ; l'Esprit-Saint annoncé. La Trinité consubstantielle, l'unité divine en trois personnes, est partout adorée. C'est par elle, auguste empereur, que votre règne est glorieux; maintenez donc inviolable la foi à la Trinité. Quiconque porte une main hérétique sur ce dogme fondamental, renverse toute l'économie de la religion chrétienne. Arius (Areios) cet audacieux dont les fureurs ne justifient que trop le nom, a rendu nécessaire, par sa propagande impie, une réunion si nombreuse d'évêques. Admis, nous ne savons par quels subterfuges, à l'honneur du sacerdoce dans l'église d'Alexandrie, il a rompu avec l'enseignement des prophètes et des apôtres. Il ne rougit pas de dépouiller le Verbe, Fils unique du Père, de sa consubstantialité divine. Idolâtre d'une nouvelle espèce, il ravale le Créateur au niveau de la créature. Il vous appartient, auguste empereur, de le déterminer à changer de sentiments et à respecter la doctrine apostolique. S'il avait le malheur de s'obstiner dans son égarement impie, vous sanctionneriez la sentence qui le séparera de la communion du Christ et de la nôtre, et mettra un terme aux séductions qu'il a trop longtemps exercées sur les simples fidèles 1.» Après avoir ainsi parlé, Eustathe reprit sa place sur son siège, à la droite du trône impérial. Tous les yeux étaient fixés sur Constantin, il se fit un silence solennel. La héros promena un instant son regard plein de douceur et de bienveillance sur tous les rangs; puis se recueillant comme pour concentrer ses pensées, il dit, d'un ton plein de calme et de sérénité : « Bien-aimés pères, c'était le plus ardent de mes vœux de pouvoir jouir du bienfait de votre présence. Maintenant je rends grâce au Roi des rois, après les innombrables faveurs dont il m'a comblé, de vous voir tous réunis dans une même pensée de concorde et de

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1. S. Eustathii, Allocutio ad Imperat. Comtantinum in concilio Nicœno ; Pat.ol, çrœc, tom. XVIII, col. 673.

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paix. Qu'à l'avenir nul ennemi ne vienne plus troubler le cours de nos prospérités ! Avec l'aide du Christ Sauveur, il me fut donné d'anéantir les tyrans qui avaient déclaré la guerre à Dieu. Sera-t-il dit que le démon continuerait encore, sous une autre forme, à poursuivre de ses calomnies et de ses outrages notre religion sainte? Une division intestine au sein de l'Église me paraîtrait plus dangereuse qu'une lutte à main armée. Oui, je le déclare, les révoltes des nations étrangères ne m'affectent pas autant que ces divisions funestes! Après que Dieu m'eut donné la victoire sur mes ennemis, j'espérais n'avoir plus qu'à lui rendre mes actions de grâces, de concert avec ses fidèles serviteurs, délivrés par nos mains du joug qui les accabla si longtemps. A la première nouvelle du schisme qui s'est produit, j'en ai compris toute l'importance. Pour y mettre un terme, je vous ai convoqués tous. Ce m'est donc une grande consolation que le spectacle de votre assemblée. Ma joie sera parfaite alors que je verrai tous les cœurs et toutes les intelligences se confondre dans le sentiment et la pensée d'une même foi. C'est à vous, pontifes consacrés à Dieu, de proclamer la vraie doctrine et de la faire partager par la persuasion. Faites donc tous vos efforts, ministres chéris de Dieu, serviteurs dévoués de notre commun Sauveur et Maître ; travaillez ensemble à rétablir la paix, à resserrer les nœuds de la concorde, à faire disparaître tous les sujets de division. Ainsi vous aurez bien mérité de Dieu notre Père et de moi qui me fais gloire de le servir1. » 

 

22. Ces paroles furent prononcées en latin : un interprète les reproduisait en grec, pour ceux des pères qui ne connaissaient que cette dernière langue. Constantin donna ensuite la parole aux présidents du concile, et leur laissa une liberté entière d'examiner toutes les questions de doctrine. On reprit donc, en présence de l'empereur, la discussion avec Arius. Ses partisans présentèrent à l'assemblée une profession de foi nouvellement rédigée, où ils avaient fait entrer toutes leurs erreurs sur la nature du Fils de Dieu. Tous les pères orthodoxes, qui formaient l'immense majorité du concile,

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10 Euseb., Vit» Confiant., lil>   Itl. •;i|i   Mil.

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rejetèrent d'un commun accord. On passa ensuite à l'examen des termes dont on se servirait pour formuler la foi catholique sur la génération du Verbe. On proposa d'abord de se servir d'une expression de l'Écriture et de dire que le Fils est de Dieu. Mais les ariens l'interprétaient dans le sens de leur doctrine, et offraient de la souscrire, parce que, disaient-ils, il est écrit ailleurs : «Tout est de Dieu. » On ne distinguait donc réellement pas, par cette formule, le Verbe des autres créatures. Les catholiques expliquèrent alors clairement qu'en disant que le Fils est de Dieu, ils entendaient exprimer qu'il est de la substance même de Dieu : ce qui ne peut convenir à aucune créature. On offrit alors de déclarer que le Fils est la vertu du Père, son unique sagesse, son image éternelle qui lui est semblable en tout. Les ariens trouvèrent encore le moyen d'abuser de chacune de ces expressions. Le mot « vertu » est souvent employé dans l'Ecriture pour signifier une puissance créée1. L'expression «image » n'avait pas une signification plus précise, puisqu'il est écrit que l'homme a été formé à l'image et à la ressemblance de Dieu. Les catholiques voyant leur mauvaise foi furent contraints, pour s'expliquer plus catégorique- ment, de renfermer en un seul mot le sens des Écritures, et de dire que le Fils est consubstantiel au Père, omousios, expression devenue si célèbre. Elle marque que le Fils n’est pas seulement semblable au Père, mais tellement uni qu'il est un avec lui. En même temps, elle montre que la ressemblance du Fils est autre que celle qu'on attribue aux créatures. D'ailleurs les corps semblables peuvent être séparés et éloignés, ainsi, parmi les hommes, un père et un fils, quelque semblables qu'ils soient : mais la génération du Fils de Dieu est bien différente. Il n'est pas seulement semblable, mais inséparable de la substance du Père: le Père et Lui ne sont qu'un. Le Verbe est toujours dans le Père, et le Père dans le Verbe, comme la splendeur à l'égard de la lumière. Toutes ces idées étaient exprimées par le mot consubstantiel, que les ariens ne voulaient point recevoir, sous prétexte qu'il n'était pas dans

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1. Joël, xi, 28.

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i'Écriture, et qu'il renfermait un sens hétérodoxe. Car, disaient-ils, ce qui est de la même substance qu'un autre y participe en trois manières : ou par division, ou par émanation, ou par production : par production, comme la plante de sa racine; par émanation, comme les enfants des pères ; par division, comme seraient plusieurs coupes tirées d'une seule masse d'or. Mais aucun de ces trois modes de participation ne saurait s'appliquer à la génération du Fils du Dieu. Les évêques catholiques répondaient que le titre de consubstantiel, attribué au Verbe, n'enfermait aucune idée corporelle; qu'il ne signifiait aucune division ou amoindrissement de la substance du Père, absolument immatérielle et spirituelle ; qu'il exprimait seulement l'unité de substance du Père et du Fils, coexistant de toute éternité, et n'ayant jamais été, le Père sans le Fils, le Fils sans le Père. Quant à l'objection tirée de ce que le terme de consubstantiel ne se trouve pas dans l'Écriture, les Pères répondaient que le fond l'emportait ici sur la forme ; et que l'idée de consubstantialité se trouvant à chaque page des Livres saints, il importait peu que le mot lui-même y fût employé. D'ailleurs, ajoutaient-ils, ce terme n'est pas nouveau, puisque les deux saints Denys, l'un pape, l'autre évêque d'Alexandrie, s'en étaient servis pour expliquer la nature du Verbe, et que l'usage l'avait depuis rendu familier dans le langage chrétien. On vérifia les passages des deux saints docteurs auxquels on faisait allusion, et Eusèbe de Césarée fut obligé de reconnaître lui-même la vérité de ces citations. L'expression de consubstantiel fut donc adoptée par tous les pères orthodoxes, comme la plus propre à trancher toutes les subtilités et les arguties de l'erreur, et ce mot fut toujours depuis la terreur des ariens.

 

23. Ce point débattu et arrêté, restait à dresser une profession de foi catholique. Osius de Cordoue, légat du pape saint Sylvestre, en composa la formule. Hermogènes, depuis évêque de Césarée en Cappadoce, l'écrivit sous sa dictée. Cette profession de foi, connue sous le nom de Symbole de Nicée, devint la formule ordinaire de la foi catholique. Elle a traversé les âges, et toutes les générations l'ont employée comme un acte de foi solennel. Chantée dans toutes les églises du monde, mêlée aux prières de la liturgie,

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elle n'a cessé d'être sur les lèvres des docteurs et des fidèles; elle est employée, comme un serment de fidélité à la doctrine catholique, au sacre des évêques. Osius lut donc à haute voix, en grec, cette magnifique exposition du dogme chrétien : « Nous croyons en un seul Dieu, Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes choses visibles et invisibles ; et en un seul Seigneur Jèsus-Christ, Fils unique de Dieu, né du Père, avant tous les siècles : Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré et non créé, consubstantiel au Père, par qui toutes choses ont été faites ; qui est descendu des cieux pour nous, hommes, et pour notre salut : qui s'est incarné en prenant un corps dans le sein de la Vierge Marie, par l'opération de l'Esprit-Saint, et s'est fait homme; qui a souffert, est ressuscité le troisième jour, est monté aux cieux d'où il viendra juger les vivants et les morts. Nous croyons aussi au Saint-Esprit. — Quant à ceux qui disent : Il y a eu un temps où le Fils n'existait pas; il n'existait pas avant d'être engendré ; il a été tiré du néant : ou qui prétendent que le Fils de Dieu est d'une autre nature, d'une autre substance que le Père : il est muable et sujet au changement comme un être créé ; la sainte Église catholique et apostolique leur dit anathème. » — Tous les évêques présents, à l'exception de dix-sept ariens, signèrent ce symbole. Le lendemain, le nombre des opposants se réduisit à cinq : Eusèbe de Nicomédie, Théognis de Nicée, Maris de Chalcédoine, Théonas et Secundus de Lybie. Eusèbe de Césarée, l'un des dix-sept qui avaient refusé le premier jour de souscrire au mot consubstantiel, donna cette fois son adhésion. Cependant l'empereur avait menacé de l'exil ceux qui persisteraient à repousser la doctrine catholique. Le mot d'exil produisit son effet. Eusèbe de Nicomédie, Théugnis de Nicée et Maris de Chalcédoine le trouvèrent plus concluant que tous les arguments des orthodoxes. Ils souscrivirent donc la formule de foi. Seulement Eusèbe et Théognis usèrent de supercherie ; en donnant leur signature, ils introduisirent un iôta dans le mot omousios et écrivirent omoiousios semblable en substance, au lieu de consubstantiel. On revint plus tard sur cet iôta, qui renouvela toutes les discussions. Eusèbe

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distingua d'ailleurs entre le symbole de foi et l'anathème qui le suivait. Il consentit à signer le premier, mais il se refusa obstinément à souscrire le second, « parce que, disait-il. Arius n'était pas tel que les pères le croyaient; et que ses relations particulières avec lui le lui avaient fait mieux connaître. » Il restait donc Théonas et Secundus de Lybie que rien ne put détacher du parti de l'hérésiarque. Le concile les condamna avec lui. Tous les écrits d'Arius, et spécialement la Thalie, furent anathématisés. L'empereur confirma de son autorité les décrets du concile et voulut qu'ils eussent force de loi dans l'empire. Eusèbe nous apprend de plus que, durant les discussions doctrinales qui eurent lieu en sa présence, Constantin prit souvent la parole pour appuyer le sentiment des catholiques et exhorter les dissidents à la soumission. « Il s'exprimait alors en grec, ajoute l'historien, car il possédait merveilleusement cette langue et la parlait avec grâce et suavité. Tour à tour on l'entendit argumenter, exhorter, supplier, relevant par son approbation ceux des orateurs dont les discours présentaient le plus de solidité; travaillant enfin avec toute l'ardeur de son âme au rétablissement de la paix 1. » Nous voulons dans ce récit noter une particularité remarquable. C'est la présence des deux idiomes, grec et latin, au concile de Nicée et l'espèce de prépondérance hiérarchique qui semble déjà commencer pour la langue de Rome. Bien que les pères, orientaux pour la plupart, fussent naturellement beaucoup plus familiarisés avec le grec, l'empereur les harangua cependant en latin, comme pour reconnaître la suprématie de l'idiome parlé par saint Pierre, prince des apôtres, et par ses successeurs les chefs de l'Église catholique. Or Constantin lui-même, nous avons déjà eu l'occasion de le dire, parlait plus facilement le grec que le latin. Aussi, après ce premier hommage rendu, dès l'ouverture du concile, à la langue romaine, l'empereur revint au grec son idiome favori. C'est en grec que les délibérations orales furent prononcées ; la sentence des Pères et les règlements de discipline qui la suivirent furent rédigés en

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1. Euseb., Vit. Constant., lib. III, cap. su»,

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grec. Le grec était encore à ce moment la langue officielle de l'Église.

 

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28. Constantin voulut appuyer d'une lettre impériale cette épître du concile de Nicée aux fidèles d'Alexandrie. Voici comment il s'exprimait : « Constantin Auguste à l'église et aux fidèles catholiques d'Alexandrie, ses frères bien-aimés, salut. Le plus grand bienfait que nous ayons reçu de la divine Providence est d'avoir été arrachés à l'erreur idolâtrique et appelés à l'unité d'une même foi. Désormais le démon ne pourra plus rien contre nous; ses ruses infernales ont été déjouées et ses complots démasqués. La splendeur de la vérité divine a fait évanouir les dissensions, la discorde et les meurtrières conspirations du schisme. Tous, d'un seul cœur et d'une même voix, nous confessons et adorons le même Dieu. Pour rétablir cette unité, gage de paix, j'ai convoqué dans la ville de Nicée le plus grand nombre possible d'évêques. J'ai assisté en personne à leurs délibérations ; car je suis comme vous un serviteur de Jésus-Christ et je me fais gloire de ce titre. Tous les points controversés ont été l'objet de l'examen le plus sérieux,  de la discussion la plus approfondie. Grand

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1. Socrat., Ilîii, écoles., lib. I, cap. îx

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Dieu ! Quels blasphèmes n'ont point été prononcés par les sectaires contre la majesté de Jésus-Christ notre Sauveur! Qui jamais eût pensé qu'il fût possible de pervertir à ce point les enseignements de la sainte Écriture et la tradition de la foi ! Je ne sais ce qu'il faut admirer le plus, ou de la patience avec laquelle les évêques, au nombre de plus de trois cents, entendirent l'exposé de cette doctrine sacrilège, ou de l'érudition avec laquelle ils la réfutèrent. Tous unanimement rétablirent le véritable sens de la foi catholique. Seul, Arius, persévérant dans son obstination diabolique, continue à maintenir l'erreur qu'il a imaginée le premier, et dont il a répandu parmi vous les funestes semences. Mais maintenant, Dieu lui-même a parlé, bien-aimés frères. Soyons tous dociles à sa voix, séparons-nous du docteur d'impiété, du ministre de Satan, et revenons au bercail unique et universel de la sainte Église. Je compte sur vous en cette circonstance. Tous vous voudrez vous réconcilier avec la grâce divine. Tels sont en effet les sentiments qui conviennent à votre foi, à votre sagesse, à votre sainteté si connues. Quand trois cents évêques ont prononcé la sentence, n'est-ce pas Dieu même qui a parlé? Oui, au milieu de cette auguste assemblée, on croyait sentir l'inspiration visible de l'Esprit-Saint! Donc plus d'hésitations, plus d'incertitudes, plus de délais. Tous ensemble, dans une commune allégresse, reprenez le chemin de la vérité. Bientôt, j'espère, j'irai vous visiter en personne, et j'aurai la joie d'adresser au ciel des actions de grâces pour votre docilité. Frères bien-aimés, que Dieu vous ait en sa garde 1. » — En lisant ces témoignages de foi pratique, tombés de la plume de Constantin et signés de son nom vainqueur, on a peine à comprendre comment il aurait pu tenir un tel langage s'il n'eût encore été que simple catéchumène. A cette lettre impériale se trouvait jointe une copie du décret rendu par le prince contre Arius et ses fauteurs. Il était conçu en ces termes : « Constantin, très-grand, auguste, aux évêques et aux peuples. Arius ayant imité la criminelle audace des sacrilèges et des impies, a mérité de partager

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1. Socrat., llist. eccles., lib. I, cap. ix.

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leurs châtiments et leur infamie. Naguère Porphyre, cet ennemi acharné de la foi chrétienne, qui publia tant de blasphèmes contre le nom de Jésus-Orist, fut l'objet d'une sentence qui déclarait son nom infâme et qui ordonnait d'anéantir ses ouvrages partout où ils se rencontreraient 1. J'ai résolu d'agir de même à l'égard d'Arius. Ses adhérents sont, à mes yeux, de véritables sectateurs de Porphyre. Puisque les uns et les autres répètent les mêmes blasphèmes, pourquoi ne porteraient-ils pas le même nom? En conséquence, nous ordonnons qu'à l'avenir tous les ouvrages écrits par Arius soient livrés aux flammes. Ainsi non-seulement sa doctrine impie aura été extirpée, mais il n'en restera pas même un monument qui puisse la faire connaître de la postérité. Quiconque sera convaincu d'avoir recelé un exemplaire de ses ouvrages et de ne s'être point conformé à notre présent édit, sera puni de mort 1. » C'est sans doute à la rigueur déployée par Constantin qu'il faut attribuer la disparition complète des œuvres d'Arius, dont aucune n'est parvenue jusqu'à nous. L'histoire ne nous apprend pas qu'il y ait eu lieu d'appliquer une seule fois la peine capitale prononcée contre ceux qui auraient recelé les œuvres de l'hérésiarque. C'est la meilleure preuve que, dans le premier moment, nul ne tenta de contrevenir en ce point à la volonté impériale. Nous ne nous arrêterons pas à discuter, au point de vue théorique, la censure si énergiquement exercée sur les livres par le premier des empereurs chrétiens. Les controverses spéculatives sur cette question n'ont rien changé jusqu'à ce jour à la pratique. Tous les pouvoirs qui se sont succédé, sous les formes les plus diverses, dans toutes les parties du monde, ont toujours maintenu leur droit de surveiller les œuvres de la pensée et de proscrire celles qui leur paraissaient contraires à leur politique ou aux principes de leur gouvernement. Les républiques en général, celle de 93 en particulier, n'ont pas montré sur ce point plus de tolérance que les monarchies les plus absolues.  Nous ne verrions donc pas sous

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1. Nous n'avons plus ce décret rendu par Constantin contra Porphyre.

2.Socrat., Hist. eccles., lib. I, cap. IX.

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quel prétexte on refuserait à Constantin un droit qu'on reconnaît à tous les gouvernements. Il est vrai que Constantin faisait brûler les écrits d'Arius, tandis que la Convention faisait brûler les mandements des évêques. Mais Constantin ne faisait point tomber un cheveu de la tête d'Arius, tandis que la Convention faisait rouler la tête des évêques sous le fer de la guillotine.

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