Foi vérité tolérance 32

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Chapitre 5

 

 

I. Foi ‑VÉRITÉ ‑TOLÉRANCE

 

   La tolérance et la foi en la vérité révélée sont‑elles antinomiques? ------Pour beaucoup, l'abandon de la prétention à la vérité de la foi chrétienne est la condition fondamentale d'une nouvelle paix mondiale, d'une réconciliation du christianisme avec la modernité.

 

La question de la vérité appartient‑elle à la religion?

 

  L'égyptologue Jan Assmann ------

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p226 FOI, VÉRITÉ, 11)1 .ÉRANCE

 

------- considère «Moïse » comme le symbole du souvenir, à la façon dont la connaissance historique a façonné le souvenir. ----- il parle de la «différenciation mosaïque”, -------

 

« Par différenciation mosaïque, j'entends l'introduction de la distinction entre vrai et faux dans le domaine des religions. La religion se basait jusque‑là sur la différence entre pur et impur, ou bien sacré et profane, et de plus elle n'avait pas de place pour l'idée de faux dieux... que l'on ne devait pas adorer»2. ----------

 

Personne ne contestait l'existence de dieux étrangers pas plus que la légitimité de formes étrangères du culte qui leur était rendu. La notion de fausse religion était complètement étrangère

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p227VÉRITÉ‑TO RANCE‑LIBERTÉ

 

aux anciens polythéismes »3.

 

Aussi, il se produisit avec l'introduction de la foi en un seul Dieu quelque chose de nouveau, de bouleversant: ce nouveau type de religion serait par essence une « contre religion » excluant comme «paganisme” tout ce qui lui est extérieur.

 

Elle n'est pas médium du passage d'une culture à l'autre, mais implique au contraire une prise de distance interculturelle. À partir de là, le concept d' «idolâtrie» aurait été défini comme le plus grave des péchés: «Dans la représentation du veau d'or... "péché originel" de l'iconoclasme monothéiste... le potentiel de haine et de violence s'inscrit de façon indélébile dans l'histoire des religions, où il a constamment retrouvé son actualité ».

 

Le récit de l'Exode apparaît, avec ce potentiel de violence dont il est chargé, comme le mythe fondateur de la religion monothéiste et en même temps comme le portrait permanent de son efficacité.

 

   La conséquence est claire: l'Exode doit être accompli à l'envers, nous devons retourner en « Égypte”, c'est‑à‑dire que nous devons évacuer du domaine de la religion la distinction entre vrai et faux.

 

Nous devons réintégrer le monde des dieux, qui expriment le cosmos dans sa richesse et sa diversité et qui ne connaissent donc pas d'exclusion réciproque, mais au contraire rendent possible une compréhension mutuelle.

 

Le désir de refaire à l'envers le chemin de l'Exode sous‑tend déjà tout

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p228 FOI, VÉRITÉ, TOLÉRANCE

 

l'Ancien Testament. -------- dans le premier livre des Macchabées. On y évoque des «traîtres à la Loi » qui proposent une alliance avec « les nations », car « depuis que nous nous sommes séparés d'elles, bien des maux nous sont advenus »; ils se décident à vivre non plus selon la loi de Moïse, mais «selon les préceptes des peuples étrangers” (1 M 1, 11‑15). ---------

 

L'Égypte se dressait comme la « matrice de toutes les religions » pour la «dernière convergence entre raison et révélation, ou nature et écriture »5. Il ne fait aucun doute qu'Assmann se situe à sa manière dans ce mouvement de retour à "l'avant Exode".

 

Il voit dans la différenciation mosaïque qu'est l'Exode la source des maux qui altèrent

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p229 VÉRITÉ‑TOLÉRANCE‑LIBERTÉ

 

la religion et ont apporté l'intolérance au monde.

 

Si je le comprends bien, la formule de Spinoza « Deus sive natura» est également l'abrégé de ce qui est entendu avec ce retour, avec son “Égypte »: la distinction entre vrai et faux peut être ôtée de la religion, si la distinction entre Dieu et le cosmos tombe, si le divin et les « mondes » redeviennent les parties indissociables d'un tout.

 

La distinction entre vrai et faux dans la religion est indissociablement liée à la distinction entre Dieu et le monde. Le retour en Égypte est retour aux dieux, pour autant qu'il refuse un Dieu se tenant en face du monde et qu'il ne considère les dieux que comme des formes d'expression de la nature divine.

 

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon