Augustin 1

VIE

 

DE

 

 

SAINT AURELE AUGUSTIN

 

ÉVÊQUE D’HIPPONE

 

D'APRÈS SES ÉCRITS.

 

LIVRE PREMIER

 

LES VINGT-NEUF PREMIÈRES ANNÉES D'AUGUSTIN, DEPUIS SA NAISSANCE

JUSQU'A SON DÉPART POUR L'ITALIE.

 

CHAPITRE PREMIER

 

1. Patrie d’Augustin. - 2. Jour de sa naissance. - 3. Son nom. - 4: Ses parents et ses proches.

 

I. Aurélien Augustin, que la Providence divine a donné comme un riche présent à l'Eglise, a rendu illustre, par sa naissance, Tagaste, ville obscure de l'Afrique, située dans la Numidie méditerranéenne, non loin de Madaure et d'Hippone (1). Cette ville avait adhéré autrefois tout entière au schisme pernicieux des donatistes mais, vers l'an 349, ramenée par la crainte des lois impériales à la communion catholique, elle s'y attacha dans la suite avec une si grande ardeur que, soixante ans après, on n'aurait jamais pu voir que ses habitants s'étaient laissés entrainer dans ces erreurs (2).

2. Augustin vint au monde le 13 novembre, l'an du Christ 354 (autant que Prosper et Possidius nous le donnent à comprendre (3); car lorsqu'il mourut le 28 août, l'an de grâce 430, il allait terminer la soixante-seizième année de son âge. Ce point sera discuté plus au long, quand nous parlerons de l'époque de sa conversion.

3. Lorsque la réputation d'Augustin commença à se répandre dans le monde, il portait le prénom d'Aurèle, soit qu'enfant il l'eût reçu dès son berceau, soit que dans la suite le saint docteur l'eût mérité par sa vie et sa doctrine; il le conserva toujours. En effet, Paul Orose lui donne ce prénom dans la dédicace de son histoire à Aurèle Augustin. Claudius Mamert presque son contemporain (4) le lui donne également ainsi que le vénérable Bède (5). Les manuscrits les plus importants et les plus anciens de ses ceuvres parvenus à notre connaissance relèvent Augustin par ce prénom de distinction.

4. Possidius dit qu'Augustin naquit de parents nobles, du nombre des décurions, c'est-à-dire de ceux qui, dans les municipes, étaient

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(1) Poss. Vie d’Auq.. c i, Augast.; Lettre vii, n. 6: Conf. liv. II, ch. 3 n. 5. (2) Aug. lett. 92 n. 17. (3) Prosp. ,Chron. Poss. Vie de S. Âug., ch. xx. (4) Mam. de l'état de l’âme, liv. Il, ch . X. (5) Bède, Vie de St Cuthb.

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chargés de la curie et des fonctions civiles (1). Son père nommé Patrice possédait une médiocre fortune. Citoyen de Tagaste, c'était un homme dont les qualités de l'esprit étaient bien supérieures à ses richesses, comme Augustin lui-même nous le fait connaître en toute humilité (2). Guidé par ce même sentiment, il dit un jour dans une assemblée publique qu'un riche vêtement pouvait convenir à un évêque, mais nullement à Augustin homme pauvre et né de parents pauvres (Serm., cccxxxvi, 13). Patrice était libéral et bienveillant à l'égard de tous mais très irascible et altier. Après avoir été longtemps éloigné de la foi chrétienne, car il ne se convertit qu'à la fin de ses jours, il prit, avec la foi, l’habitude de mœurs pures et chrétiennes (3). L'épouse de Patrice nommée Monique (ainsi la désignaient les auteurs dans tous les anciens manuscrits), enfanta Augustin à la vie de l'esprit aussi bien qu'à celle de la chair. Elle eut plusieurs enfants de Patrice; en effet, en l'année 388, étant allé à la rencontre de sa mère à Ostie, sur le Tibre, Augustin raconte qu'il y trouva aussi son frère (4). Il ne semble pas qu'il s'agisse d'un autre que Navigius qui, avant la conversion d'Augustin vivait avec lui dans la villa de Verecundus et prenait part bien que souffrant à des dissertations Philosophiques (5). C'est sans doute de ce frère qu'étaient nées les nièces d'Augustin, qui se consacrèrent au service de Dieu avec une sœur du même saint évêque qui, devenue veuve, demeura plusieurs années et même jusqu'au jour de sa mort, à la tête d'un monastère de pieuses servantes du Seigneur (6). Augustin fait aussi mention d'un neveu nommé Patrice, sous-diacre de l'église d’Hippone (7); ce dernier avait plusieurs soeurs et une mère qui jouissait de l'usufruit de ses biens. Pendant sa retraite chez Verecundus, il eut avec lui deux de ses cousins : Lastedien et Rustique. Les mêmes liens de parenté unissaient à Augustin ce Séverin à qui il écrivit une lettre pleine de prévenances et de charité pour tenter de lui faire abandonner l'erreur des Donatistes et de le ramener à l'unité de l'Eglise catholique (8). Enfin Licentius, fils de Romanien, citoyen de Tagaste, illustre par sa naissance et ses richesses, semble sortir de la même famille qu'Augustin (9) ; mais Paulin dans un passage de ses ouvrages, écrit qu'Alipe était frère de Licentius par le sang, mais qu'Augustin était le maître de ce dernier dans les sciences et le père de son esprit; aussi peut-on croire que c'est pour flatter son précepteur et par une sorte de licence poétique que le jeune Licentius dit issus du même sang, les citoyens de la même ville.

Voilà ce que nous avons trouvé sur la naissance d'Augustin . Pour ce qui concerne sa mère Monique, femme assurément digne de tout éloge, il y aurait tout un chapitre à lui consacrer; mais il serait trop long pour trouver place ici.

 

CHAPITRE Il

 

1. Augustin est inscrit, dès son bas âge, au nombre des catéchumènes. - 2. Il tombe malade dans son enfance et demande le baptême. - 3. Encore tout petit enfant il demande à Dieu dans ses prières de n'être point battu à l’école. - 4. Placé à l'école pour apprendre les belles-lettres, il montre du goût pour les lettres latines. - 5. Il a de l'aversion pour le grec. - 6. Erreurs de sa première jeunesse.

 

1. Monique, femme aussi sainte qu'excellente n'eut pas plutôt mis son enfant au monde, qu'elle n'eut rien de plus pressé que de le faire inscrire au nombre des catéchumènes, marquer du signe de la croix et nourrir du sel mystique(10), cérémonies solennelles du baptême: l'Église a  conservé avec un religieux respect, ce rite pour l’initiation des catéchumènes. C'est sans doute à cause de cela qu'Augustin, déclare que ses parents avaient profondément gravé la religion chrétienne en lui, dès sa plus tendre enfance, et qu'il était chrétien et catholique avant de tomber dans l'erreur des manichéens (11). Encore enfant il avait appris que la vie éternelle nous était promise par le mystère de l'incarna-

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(1) Poss. Vie dAug. ch. 1. (2) Confess. liv. Il, ch. iii, a. 5. (3) Confess. liv. IX, ch. n. 19, 22. (4) Ibid., AUGUST, ch. xi, n. 27. (5) De la vie heureuse, n. 71, 4. (6) AUGUST. Lett. ccxi, n. 4. (7) Sermon Lvi, n, 3. (8) Lettre Lii. (9) Lettre xxvi, n. 3. (10) Confess. 1, ch. ii, n. 17. (11) De l'utilité de la foi, n. 2.

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tion de Notre Seigneur qui était venu guérir notre orgueil par son humilité (1). Il croyait donc déjà alors en Jésus-Christ comme sa mère, et toute sa famille, à l’exception de son père, dont les excitations et les mauvais conseils ne purent jamais détruire dans son cœur les droits de la piété maternelle. Le doux nom de Jésus, qu'il avait sucé avec le lait de sa mère, s'imprima si profondément dans son jeune cœur, que, dans la suite, les charmes trompeurs d'un discours poli et éloquent ne purent jamais le séduire entièrement, lorsqu'il n'était pas assaisonné par ce doux nom (2).

2. Il donna, jeune encore, un témoignage éclatant de cet esprit de foi dont il avait été rempli dès ses premières années. Pris tout à coup d'un grand mal d'estomac, qu'il semblait sur le point d'expirer, il demanda le baptême à sa pieuse mère avec toute l'ardeur de foi et d'esprit dont il était capable. Elle prit en toute hâte les dispositions nécessaires pour le faire plonger dans la fontaine sacrée; mais pendant ce temps la violence du mal s'étant ralentie, la mère en pensant à l'avenir, crut qu'il valait mieux différer le baptême à une autre époque, dans la crainte qu'il ne se souillât de nouvelles fautes au milieu des dangers de la jeunesse, et qu'il ne les aggravât beaucoup plus encore en violant la sainteté de ce bain salutaire. Mais Augustin n'approuve pas beaucoup ce retard. «  Combien il eût été préférable que j'eusse obtenu cette guérison plus tôt, s'écrie-t-il, que de moi-même et avec le concours des miens, j'eusse placé la santé de mon âme sous la tutelle de votre grâce qui me l'eût rendue ! ”

3. Outre l'excellente éducation qu'il reçut de sa mère, quelques hommes pieux à qui il fut confié dans son enfance, lui apprirent aussi, autant que le comportait son âge, “ que Dieu est un être puissant, qui peut nous entendre et nous secourir, même sans être perçu par nos sens. » Aussi, sous l'empire de ce sentiment, lui parle-t-il en ces termes : “ Tout enfant que j'étais, j'ai commencé à vous invoquer comme mon secours et mon refuge, ce fut en priant que ma langue finit par se délier. Bien jeune encore je vous demandais avec une grande ferveur de n'être point battu à l'école. Cependant je péchais par la négligence que je mettais dans ma lecture, dans mon écriture et par le peu d'attention que j'apportais aux études qu'on exigeait de moi; car ni la mémoire ni l'intelligence ne me faisaient défaut, vous m'en aviez donné assez, Seigneur, pour mon âge. Mais j'aimais beaucoup le jeu, et j'en étais puni par d'autres qui n'agissaient pas autrement que moi; mais les jeux des hommes sont décorés du nom d'affaires, et les enfants sont punis pour les mêmes choses que font les plus grands. Mais je commettais une faute en agissant contre les ordres de mes parents et de ces maitres, car je pouvais tirer parti de ces études littéraires auxquelles ils voulaient que je m'applicasse; quelle que fut d'ailleurs leur intention ce n'était pas pour mieux faire que je désobéissais, mais par amour du jeu (3). ”

4. Ses parents désiraient vivement le voir instruit dans les belles-lettres et versé dans les arts libéraux; mais, son père, qui ne songeait guère à Dieu, ne rêvait, pour son fils, qu'une vaine science; sa mère croyait au contraire que la science, les études et les beaux-arts aideraient Augustin à mieux connaitre Dieu (4). Comme il donna de bonne heure des preuves de son intelligence, il fut confié à un maitre qui lui  apprit les premiers éléments des lettres c'est-à -dire la lecture, l'écriture et le calcul (5). Aussitôt que son âge le permit, on l'envoya à Madaure, ville voisine, pour y apprendre la littérature et la rhétorique (6). Mais ce qui rebutait l'enfant quoiqu'il l'emportât sur beaucoup en intelligence et en mémoire, ce furent les difficultés qu'il rencontra surtout dans les premières leçons de lecture, d'écriture et de calcul qui lui causaient une répugnance insurmontable, bien que cette étude soit plus utile que d'autres regardées comme plus nobles et plus fécondes (7). Mais une fois sorti de ces difficultés, il appliqua son esprit à l'étude du latin avec une très grande ardeur, soit que sa nourrice par ses sourires et ses car-

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(1)Confess. 1, ch. xi, n. 17. (2) Ibid. 111, ch. iv, n. 7. (3) Ibid, ch. IN, n. 14, 15. ch. x, n. 16). (4) Ibid. Il, n.

ch. iii, n. 8. (5) Ibid. I. ch. ix, n. 14. (6) Ibid. 11, ch. ii,(7) Ibid. ch xiii, n. 20, 21.

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resses le lui eût fait aimer dès sa plus tendre enfance, soit que les poêtes le charmassent par les fictions et les fables, dont les meilleurs auteurs de la langue romaine ont parsemé leurs ouvrages. Jamais il ne relisait la mort de Didon sans verser des larmes, et il aurait supporté avec bien de la peine qu'on lui interdit cette lecture. L'enfant qui trouvait des charmes à ces écrits, et qu'on aurait dû plaindre à cause de cela, n'en était pas moins regardé comme un enfant de grande espérance (1). “Quoi de plus misérable, dit-il, qu'un malheureux qui n'est pas touché de sa propre misère, qui pleure la mort de Didon causée par son amour pour Enée, et ne se pleure pas lui-même, qui meurt faute de vous aimer, ô mon Dieu, lumière de mon cœur! ” C'est là cependant ce qui lui valait à l'école plus de louanges que les nombreux élèves de son âge. “ En ne vous aimant pas, je vous étais infidèle, et mon infidélité entendait de toutes parts ces mots retentir à ses oreilles : Courage! courage ! car l'amitié du monde est un divorce adultère avec vous : Courage! courage ! nous crie cette voix, pour nous faire rougir de n'être pas un homme comme les autres (2). ”

5. Quoique les Grecs se soient montrés très habiles à composer des fables, cependant la différence entre les deux langues lui causait, pour eux, une profonde répugnance : Homère même, malgré le charme de ses gracieuses fictions, Homère lui était insupportable. Il fallait des menaces et des châtiments pour forcer l'enfant à apprendre le grec : mais, comme on ne fait pas beaucoup de progrès dans une chose qu'on fait malgré soi, Augustin reconnaît qu'il n'a jamais eu qu'une légère teinte de cette langue, et que son ignorance, en cette matière, le rendait, lui et tous les Africains, incapables de lire les ouvrages écrits en grec sur la divine Trinité (3). Mais, si faible que fût sa connaissance de cette langue, il ne laissa pas de s'en servir, avec tant de bonheur, qu'il eût passé pour très versé dans le grec, si une modestie innée en lui qui ne l'eût porté à proclamer son ignorance sur ce point. Car, il lut le Commentaire d’Épiphane sur les hérésies, ou du moins son abrégé de ce livre, dont la traduction latine n'existait pas encore. Il parcourut ensuite les ouvrages des autres pères grecs dont il sut tirer de nombreux arguments contre les hérétiques. Enfin, la fréquente traduction de passages grecs qu'on rencontre épars dans ses écrits et la rectification de plusieurs versets de l'Écriture d'après la confrontation de textes grecs et latins prouvent bien qu'Augustin n'était pas aussi ignorant de cette langue qu'il le disait.

6. Il reconnaît qu'à cette époque, sa vie ne fut pas exempte de reproches fondés, surtout quand il se laissait aller à la vanité et s'éloignait de Dieu, lui qui craignait plus de faire un barbarisme, que de porter envie à ceux qui n'en faisaient pas. Néanmoins, dans ces études, il s'entendait louer par ceux à qui plaire était, à ses yeux, bien vivre. Ce saint homme n'a pas omis de parler des autres fautes de son enfance; mais nous ne voyons en elles rien de bien particulier ou d'assez peu ordinaire aux enfants pour nous y arrêter.

 

CHAPITRE III

 

1. De Madaure, Augustin revient à la maison paternelle. Il y interrompt ses études pendant une année. - 2. L'oisiveté le conduit au vice. Il commet un vol.

 

1. Voilà à peu près ce qu'Augustin nous apprend de lui-même jusqu'à l'âge de quinze ans, c'est-à-dire jusqu'au moment où il interrompit ses études, vers l'an 369, à ce qu'il semble. Il revint alors de Madaure à Tagaste, et passa dans la maison paternelle, sa seizième année qui était la 370e du salut, pendant laquelle les préparatifs d'un long voyage firent interrompre le cours de ses études. Car désireux de voir son fils arriver à la gloire, Patrice, quoique moins riche en biens qu'en ambition, le destinait à l'académie de Carthage. Tout le monde le louait beaucoup des dépenses qu'il dut s'imposer et

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(1) Ibid., ch.. xvi, n. 26. (2) Ibid., ch. xiii, n. 21 ; ch. xvii, n. 27. (3) De la Trinité, iii, n. I.

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qui dépassaient les ressources de sa famille, pour mettre son fils largement en état de poursuivre son éducation dans cette ville éloignée. Parmi ses concitoyens bien plus opulents que lui, il ne s'en trouvait pas un qui prit autant de soin et de souci des études de sets enfants; mais il ne se préoccupait pas autant de voir son fils faire, dans la crainte de Dieu, des progrès en rapport avec son âge, et mener une vie pure. Il n'avait qu'une seule ambition, voir son fils éloquent, agréable et accompli, exceller dans l'art de persuader (1). Tout en usant avec lui d’une juste sévérité selon que le recommandent la prudence et la douceur, il le laissait trop s'abandonner aux jeux et aux plaisirs; cette liberté et cette licence excessives, jointes à ses nombreuses et violentes passions, précipitaient aveuglément Augustin dans l'abîme (2).

2. Tandis qu'il passait ainsi son temps dans l'oisiveté et l'absence de toute étude, il ressentit l'aiguillon impur de la chair, et, comme presque tous les jeunes gens oisifs, éprouva la tyrannique servitude de la volupté. Ces ronces prirent un rapide accroissement et s'élevèrent audessus de sa tête : nulle main amie n'était là pour y porter remède et les extirper. Loin de là, Patrice s'étant un jour aperçu, au bain, que son fils devenait pubère, le voyait déjà marié et se flattait de le voir lui donner bientôt des petits enfants, et s'empressa dans sa joie d'en faire part à Monique. Patrice était alors à peine catéchumène; mais la piété plus éclairée de Monique fut alarmée à cette nouvelle, frémit d'une pieuse épouvante et trembla que le jeune homme ne se précipitât dans l'abime du vice; aussi, le prit-elle en particulier et, remplie de sollicitude, le supplia-t-elle d'éviter tout amour impur et surtout l'adultère. Mais Augustin considérait ces avis que Dieu lui donnait certainement par la bouche de sa mère, comme des conseils de femmes auxquels il eût rougi d'obéir. Il se précipitait dans l'abime avec tant d'aveuglement, que parmi ceux de son âge qui faisaient jactance de leurs désordres d'une manière d'autant plus éhontée qu'ils étaient plus grands, il était honteux de ne point les égaler dans le mal. Aussi à défaut de crimes réels pour s'égaler aux plus corrompus, il feignait d'en avoir fait autant qu'eux; il avait peur de paraitre d'autant plus méprisable qu'il eût été plus innocent, et d'autant plus vil qu'il eût été plus chaste (3).

Il déplore longuement la dissolution de ses mœurs pendant ce temps : il nous dit lui-même qu'il brûlait de se rassasier de voluptés grossières (4). Il ne se plaînt pas seulement  de la trop grande licence qu'on lui laissait, mais encore de ce que sa mère, après avoir appris de son mari ce qu'on a dit plus haut, s'était contentée de lui donner des avis pour conserver son innocence, au lieu de lui imposer le frein d'une union légitime, si elle ne pouvait couper, dans le vif, ces instincts passionnés dont les germes déjà si funestes offraient à ses alarmes le présage de dangers plus grands. Mais ses parents n'avaient souci que de le former à l'art de bien dire et de persuader; et ils craignaient d'entraver leurs espérances par la chaine du mariage. Au commencement de son adolescence, comme il le dit lui-même, il demanda à Dieu, la continence, mais dans une prière peu sérieuse et vague : “Donnez-moi, ” avait-il dit, “la chasteté et la continence, mais que ce ne soit pas encore à présent. Je craignais d'être trop tôt exaucé, trop tôt guéri du mal de la concupiscence, que j'aimais mieux assouvir qu’éteindre (5). ”

3. Il rapporte que pendant ces vacances qu'il passa sans travailler, à la maison paternelle, s'étant lié avec quelques jeunes gens dépravés et oisifs comme lui, ceux-ci l'entraînèrent avec eux à commettre un vol. Il avoue que c'est le dégoût de la justice, et, pour ainsi dire, un excès d'iniquité qui l'y poussèrent, ne trouvant d'autre plaisir dans le vol que le vol même, jouissant plutôt du péché que de l'avantage qu'il en retirait. “ Il y avait près de nos vignes, un poirier chargé de fruits qui n'étaient attrayant ni par leur saveur, ni par leur beauté. Nous allâmes, une troupe de petits vauriens et moi, secouer

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(1) Contess. Ii, ch. iii, n. 8. (2) Ibid., n, 8, (3) Ibid., n. 7,8. (4) Ibid., I, ch. 1. (5) Confess., VIII, ch. vii, n. 17.

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cet arbre, et en prendre les fruits dans l'obscurité de la nuit. Selon notre détestable habitude, nous avions prolongé nos jeux jusqu'à cette heure sur la place publique : nous en rapportâmes de grandes charges, non pour nous en régaler, car c'est à peine si nous y goutâmes, mais pour les jeter aux pourceaux, simple plaisir de faire ce qui était défendu (1):” En cherchant devant Dieu ce qui avait pu le porter à un vol si odieux, il dit: “C'était le rire qui nous chatouillait le coeur si je puis parler ainsi, à l'idée de tromper ceux qui nous croyaient incapables de telles actions, et qui nous les défendaient expressément. Seul, je ne l'eusse pas fait; non, je ne l'eusse pas fait seul; car je n'y aurais trouvé aucun plaisir. 0 amitié ennemie, séduction inexplicable de l'esprit, ô ardeur de nuire inspirée par l'entrain et le jeu;  sans aucune pensée d'avantage propre ou de vengeance, sur un seul mot : Allons.... Dérobons;.... et l'on rougit de rougir encore (2). ”

 

CHAPITRE IV

 

1. Il étudie la rhétorique à Carthage et il s'éloigne avec dégoût des mœurs corrompues des écoliers. - 2.- Il cède dans cette ville à un amour coupable. - 3. Mais il y met une certaine retenue. - 4. Naissance d'Adéodat que lui donne sa concubine. - 5. Génie surprenant d'Adéodat, sa mort prématurée.

 

1. Après avoir fait ses préparatifs de voyage, il se rendit à Carthage pour achever ses études littéraires : là, il vécut non-seulement avec l'argent que son père lui avait donné pour cela mais encore avec les ressources que lui procura Romanien, premier citoyen de Tagaste. Celui-ci accueillit ce jeune homme pauvre qui allait étudier loin de sa patrie, l'admit dans sa maison, dans sa somptuosité et, qui plus est, dans son amitié, (3). Dans cette école d'éloquence, il obtint bien vite les premières places: aussi voyait-on dans la joie de ses triomphes, percer la vaine gloire et la fumée de l'orgueil. Cependant, il se conduisait plus sagement que les autres écoliers, et il avait horreur de la licence effrénée de ceux qui se faisaient gloiere du nom de Démolisseurs dont on les flétrissait (4). Leur odieuse et excessive licence allait si loin, qu'ils avaient l’audace de venir montrer leur visage éhonté dans les classes des autres maitres; et là, avec une impudence effrénée de troubler l'ordre établi par les professeurs, dans l’intérêt du progrès des élèves. Aveuglés par une inconcevable stupidité et une rage odieuse, ils commettaient mille insolences que la loi aurait dû punir si elle n'avait point eu l'appui de la coutume (5). “ Parmi eux, ” dit Augustin, “ je vivais, dans ma pudeur, avec une sorte de honte de n'être pas comme eux; je trouvais parfois du plaisir dans leur fréquentation, malgré l'horreur que m'inspiraient leurs actes, c'est-à-dire, ces insultes effrontées dont ils assaillaient les nouveaux-venus, pour se repaitre de leur trouble, dans leur maligne joie (6). ” Tels étaient donc les compagnons, avec qui, à un âge aussi impressionnable, il étudiait l'éloquence, dans laquelle il désirait se distinguer, par l'effet de cette ambition perverse et frivole qui ne travaille que pour la gloire et place sa joie la plus douce dans la fumée des vanités humaines (7). Ces études le conduisaient naturellement au forum où, déjà illustre, il aspirait à se distinguer davantage, ce qui lui devait être d'autant plus facile qu'il savait que dans cet endroit, la gloire grandit par le mensonge et l'oppression de la vérité. “ Tel est, ” dit-il, à ce sujet, “l'aveuglement des hommes qu'ils se glorifient de leur aveuglement même (8). ”

2. Mais pourquoi passerions-nous sous silence des désordres qu'il avoue lui-même, en cet endroit de ses Confessions ? Seule son humilité extraordinaire fut capable de déterminer ce saint homme à dévoiler publiquement des choses qu'on peut à peine lire sans rougir. “ Je vins à Carthage, dit-il (cela semble se placer en l'année 370), ou bientôt j'entendis frémir autour de moi le brasier des honteuses amours. Je n'aimais pas encore et j'aimais à aimer, et, par une indigence secrète je m'en voulais de n'être pas

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(1) Ibid., Il, ch. iv, n. 9. (2) Ibid., ch. ix, n. 17 (3)Contre L’Acad. ii, n. 3. (4) Confess. III, ch. iii n. 6. (5) Ibid., V, ch. viii, n. 14. (6) Ibid., 111 eh. iii, n. G. (7) ibid., ch. iv, n, 7. (8) Ibid., 111, eh. in, n. 7.

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encore assez indigent. Et je tombai dans l'amour où je désirais être pris. ” Nous sommes portés à croire, d'après ce qui suit, que cet amour n'eut pas d'autre objet que la personne qu'il admit à partager sa couche. “0 mon Dieu , ô ma miséricorde, de quelle amertume votre bonté n’a-t-elle pas assaisonné ce miel ! Je fus aimé, j'en vins aux liens secrets de la jouissance et, joyeux,

je m'enlaçai dans un réseau d'angoisses et me vis bientôt flagellé des brûlantes verges de fer de la jalousie, des soupçons, de la crainte, de la colère et des querelles (1).” C'est ainsi que l'infinie miséricorde de Dieu planait de loin sur ce pécheur et le flagellait dans tous ses

actes coupables. “ N'ai-je pas osé, dit-il, pendant la célébration d'une solennité sainte, dans les murs de votre sanctuaire, céder à la concupiscence, et chercher les moyens de me procurer des fruits de mort! Aussi votre main s'est-elle appesantie encore davantage sur moi mais non en raison de ma faute (2). ” Sa passion pour les spectacles où il voyait représenter l'image de ses dérèglements, corrompait de plus en plus ses moeurs. Longtemps après, dans une assemblée publique, à Carthage, il confessa qu'il s'était mal conduit dans cette ville surtout, où il avait été du nombre de ceux que l'Apôtre appelle insensés, incrédules et représente comme hostiles à toute espèce de bien (3).

3. En 371, quoique souillé de la lèpre de la concupiscence, il voulait encore se faire passer pour un jeune homme poli et élégant. Tel est l'attrait irrésistible de la vertu, que ceux mêmes qui ne la pratiquent pas désirent plus que les autres se couvrir de ses livrées. Tout hideux et infâme que j'étais, dans l'excès de ma vanité, j'affectais encore des manières élégantes et polies (4). ” Assurément Augustin était naturellement porté aux bonnes manières, à tel point que lorsqu'il étudiait l'éloquence à Carthage, bien qu’esclave d'un amour impur, il n'en était pas moins regardé comme un homme honorable. Cela ressort de l'imposant témoignage de Vincent, évêque des Rogatistes dans cette même ville. Il en fait l'éloge en ces termes dans une lettre à Augustin, alors également évêque. “Je vous connaissais fort bien, vous étiez alors entièrement étranger à la foi chrétienne, vous cultiviez les lettres, vous étiez ami du calme et de l'honnêteté(5). ” Toutefois il n'avait point dépouillé tout sentiment de pudeur au point de se complaire dans un amour inconstant et volage et, malgré sa passion déréglée, il garda toujours une certaine réserve, ne recherchant rien qui pût paraître déshonnête pour un homme entièrement éloigné des mœurs chrétiennes. L'objet de son amour fut toujours le même. Il lui conserva sa foi aussi intacte qu'il eût pu le faire pour une épouse. Il ne put se détacher de cette jeune fille avec laquelle il s'était lié la première année de son voyage à Carthage, qu'à Milan, quand il songea sérieusement à prendre femme ; elle retourna en Afrique et y fit vœu de continence (6). Augustin apprenait par ses propres tourments quelle différence il y a entre le lien sacré du mariage établi pour perpétuer la race humaine et ces chaines, d’un amour licencieux où les enfants ne naissent que malgré la volonté de leurs parents qu'ils forcent cependant à les aimer une fois qu'ils sont nés.

4. En 372, vers la seconde année de son séjour dans cette ville, il eut, de la femme qu'il aimait, un fils à qui on donna le nom d'Adéodat. Il naquit vers l'an 372, Augustin avait alors 18 ans. Ce qui le prouve, c'est qu’à l'époque où cet enfant fut initié au christianisme, aux fêtes de Pâques de l'année 387, il avait environ 15 ans (7).

5. Augustin proclame hautement que ce fils ne reçut de lui que le péché; mais Dieu l'avait comblé des dons les plus rares, et doué d'un génie si précoce qu'à l'âge de quatorze ou quinze ans, il surpassait bien des hommes âgés et instruits. Dès l'année 380 il faisait concevoir de grandes espérances à son père, qui l’admettait dès lors aux savants entretiens qu'il avait ordinairement avec ses amis. Comme on demandait un jour quel homme possède Dieu en soi ; chacun donna son avis à ce sujet. Adéodat répondit que c'est celui qui n'est point possédé

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(1) Ibid., ch. i, n. 1. (2) Ibid., ch. ii, n. 5. (3) Explicat. psum. xxxvi, serm. ni, n. 19, (4) Confess. liv, III, ch.ii . xv, ri. 25.  (5) Lett. d'Aug, xciii, n. 51. (6) Confess. liv. VI ch XV, n. 25(7) Heb. liv. XIV, ch. vi, n. 14,

TOM. I.

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de l'esprit impur. Monique préféra ce sentiment à tous les autres. Le lendemain Augustin demanda à son fils l'explication de cette pensée, qu'il avait peut-être émise dans la sérénité et la pureté de son cœur. “ Celui-là, répondit-il, me parait n'être point possédé de l’esprit impur, qui vit chastement. ” Son père insistant pour savoir s'il entendait par un homme chaste, celui qui ne pèche point ou seulement celui qui s'abstient de tout commerce charnel, sans éviter la souillure des autres péchés ? “ Celui-là est chaste dit-il qui tend fortement vers Dieu et ne s'attache qu'à lui.” Cette réponse plut tellement à Augustin qu'il consigna par écrit les propres paroles de l'enfant (1). D'ailleurs saint Augustin nous apprend que tout ce qui, dans le livre du “ Maître ” est attribué à Adéodat est bien de lui quoiqu'il n’eût alors que seize ans. Il ajoute qu'il découvrit en lui bien d'autres choses encore dignes d'admiration, et que son génie l'effrayait (2). Il fut admis au sacrement de la régénération avec Augustin qui voulut l'associer à la sainte vie qu'il embrassait, et en faire son contemporain dans la grâce du Christ, afin de le pénétrer de plus en plus des préceptes de la loi chrétienne. Adéodat assista à la mort de Monique à Ostie, sur le Tibre. A peine eut-elle rendue le dernier soupir que l'enfant, ne pouvant plus contenir sa douleur, éclata en sanglots; mais quelques mots des assistants le ramenèrent bien vite au calme. Il suivit son père à son retour d'Afrique; on le voit, en effet, figurer comme interlocuteur dans le livre du “ Maître” qu'Augustin ne publia qu'en Afrique. Dieu, le trouvant mûr pour le ciel, dans son adolescence, l'enleva à la terre par une mort prématurée. C'est ce qui fait dire à son père : “ Je me souviens de lui avec sécurité ; son enfance, sa première jeunesse, rien en lui ne m'inspire de crainte pour lui (3). .” Il était, en effet, bien convaincu que cet enfant n'avait jamais souillé la robe d'innocence de son baptême.

 

CRAPITRE V

 

1. Augustin Privé de son père est entretenu à Cartage aus frais de sa mère et grâce, aux largesses de Romanien. - 2. La lecture de l’Hortensius de Cicéron l'enflamme d'ardeur pour l'étude de la sagesse. - 3. Il dédaigne les Saintes Écritures à cause de leur pauvreté de style.- 4. Il comprend les Catégories d'Aristote et tous les arts libéraux par la seule force de son génie.

 

   1. À l'âge de dix-sept ans, c'est-à-dire en l'an de grâce 371, Augustin perdit son père. C'était pour lui, jeune encore, un grand malheur qui semblait devoir amener la ruine de ses études et de sa fortune - Mais sa mère, ( de quoi n'était pas capable la grande âme de Monique?) sa mère, ayant vivement à cœur les progrès de son fils, continua à l'entretenir, comme elle put, à Carthage ; c'est ce qui a fait dire à saint Augustin que l'éloquence du fils fut payée des deniers de la mère (4). Une partie de ses dépenses fut aussi couverte par la générosité de Romanien qui ne cessa d'encourager par sa bienveillance et ses conseils et de soutenir, de ses deniers, ce jeune homme distingué, dans la douloureuse situation où le jetait la mort de son père. Aussi Augustin dit-il lui-même : “ À la mort de mon père, vous m'avez consolé par votre amitié, excité par vos encouragements et aidé de votre fortune (5). ”

 

   2. Il avait atteint sa dix-neuvième année, c'était en l'an du Christ 373. En suivant l'ordre de ses études, il arriva à l'Hortensius de Cicéron, espèce d'exhortation à la sagesse (6). Bien que dans ce livre une rare éloquence s'alliât à une admirable érudition, Augustin cependant ne s'arrêtait point, en le lisant, au charme du style, mais, laissant de côté la forme, il ne s'attachait qu'au fond et aux pensées. La lecture de ce livre l'enflamma d'un tel désir de sagesse que, pour elle, il délaissa et dédaigna toute espérance humaine; déjà il commençait à se lever pour revenir à Dieu. “ De quelle ardeur ne brûerais-je pas, dit-il, ô mon Dieu, de quelle

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(1)De la vie heureuse. n. 12, 18. (2) Confess. liv. IX, ch. vi, n. 14. (3) Ibid. ch. xi, n. 14. (4) Conf. III, ch. vii, n.7 (5) Contre les Acad., 11, ch. ii, n. 3. (6) Confess. iii ch. iv, n. 7 ; VI, ch. xi. n. 18. Solloq. i, n. 17.

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ardeur ne brûlais-je pas de m'envoler de la terre vers vous? ” Une seule chose ralentissait son enthousiasme, c'est que le nom du Christ ne se trouvait point dans cette exhortation de Cicéron. «  Car, dit-il, suivant le dessein de votre miséricorde, Seigneur, ce nom de votre fils, mon Sauveur, mon jeune cœur l’avait sucé avant tout, avec le lait de ma mère et le retenait profondément gravé; sans ce nom, aucun livre, quelque rempli qu'il fût de doctrine, d'éoquence et de vérité, ne pouvait me ravir entièrement (1).”

3. Il prit donc la résolution de lire les Saintes Écritures, afin de voir ce qu'elles étaient. Mais il se sentait choqué par leur simplicité que ne peuvent goûter ces esprits fiers et orgueilleux, et qu'il jugeait indignes d'être comparées avec la majesté cicéronienne ; car il n'était pas capable alors de descendre à cette modestie qui ouvre la voie de l'Écriture sainte. Il dédaignait d'être petit, et, gonflé de vaine gloire, il se paraissait grand à lui-même (2).

4. À mesure que son intelligence et sa pénétration comprenaient plus facilement toutes les sciences sans le secours d'aucun maître, on voyait s'accroitre et grandir son arrogance. Il avait environ vingt ans, quand il tomba sur les Catégories d'Aristote, dont son maître, à Carthage, et plusieurs autres qui passaient pour savants lui avaient fait l'éloge avec tant d'emphase, qu’il désirait les lire comme,quelque chose de grand et de divin. Les ayant enfin lues seul, il en eut une si complète intelligence que, dans la suite, en ayant parlé avec ceux qui les avaient à peine comprises, malgré les explications que des maîtres très-habiles leur en avaient données, non-seulement de vive voix, mais encore à l'aide de figures tracées sur le sable, il n'en apprit rien que, son génie n'eût compris à la simple lecture. Cependant cette lecture lui fit beaucoup de mal à cause de la fausse idée qu'elle lui donna de Dieu. Dans la suite, il lut aussi tous les livres sur les arts libéraux qui lui tombèrent sous la main et il comprit de lui-même sans beaucoup de peine et sans l'aide de qui que ce fût, tous les ouvrages qu'il put lire sur l'art de dire et de disserter, sur la géométrie, sur la musique et sur les mathématiques. Aussi ne s'apercevait-il des difficultés que ces sciences offraient aux esprits les plus vifs et les plus studieux, que lorsqu'il essayait de les expliquer à d'autres. “Il se trouvait que les plus intelligents parmi eux étaient ceux qui pouvaient me suivre, dit-il, sans trop de difficulté dans mes explications. Mais, vous savez, vous, ô mon Dieu, que la promptitude et la vivacité de mon intelligence sont      libéralité. Ce n'était pas pour moi une raison de les rapporter à vous; aussi, étaient-elles pour moi un principe de perdition plutôt que de salut (3). ”

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon