Darras tome 16 p. 629
§ V. Saint Boniface apôtre de la Germanie.
38. A l'époque où le visir chrétien quittait la cour de Damas, saint Grégoire II vivait encore. Ce grand pontife put entendre le nom et lire les premiers écrits du nouveau père de l'Église. Il semble même y faire allusion dans sa lettre à l'empereur iconoclaste, quand il reproche à Léon l'Isaurien « de scandaliser non-seulement les chrétiens mais les infidèles eux-mêmes 2 » A la voix de Grégoire II, la Germanie s'ouvrait enfin, après tant de résistances, au zèle des missionnaires chrétiens. En 718, un moine anglo-saxon se présenta devant le pape, et tirant de son manteau une lettre de son évêque Daniel de Winchester, il attendit humblement la réponse. Le moine se nommait Winfrid, et il avait près de quarante ans. Né à Kirton, petite bourgade du royaume de Wessex, il s'était instruit aux lettres sacrées et profanes dans les monastères d'Excester et de Nutchel. Devenu professeur de théologie à Nutchel, on accourait à ses leçons de tous les points de la Grande-Bretagne. Ordonné prêtre à trente ans, sa réputation était telle que les rois le choisissaient pour arbitre et sollicitaient ses conseils. «Mais, dit
---------------------
1 Vit. S. Joan. Damasc, n° 17. Le miracle de la main coupée et surnatu- rellement rendue à saint Jean Damascène est attesté par une antique inscription romaine, citée par Ciaconius :
Dextra Damasceno, quœ quondam scissa Leonis
Procurante dolo, supposita que manu; Christiparœ auxilio sic reddita sana precanti,
Atque aptata suo secta erat unde loco : Scribcret ut posthac citius, meliusque magisque
Unum qui in triplice numine numen habet.
2. Cum scandala in hominum corda non fidelium modo sed et infidelium ingruerent. Cf. n° 34 de ce présent chapitre.
========================================
p630 PONTIFICAT DE SAINT GUÉGOIKE II (715-731).
l'hagiographe, déjà détaché de la gloire humaine, il cherchait des terres inconnues où il pourrait porter le nom de Jésus-Christ 1. » Il quitta donc le monastère avec l'autorisation de son abbé, et en 715 se rendit en Germanie, près du vieux missionnaire Willibrord, sous lequel il fit sa première campagne contre les païens 2. La guerre entre Charles Martel et Radbod (716 3), bientôt suivie des expéditions du duc d'Austrasie dans la province saxonne, interrompit l'apostolat de Winfrid, qui repassa la Manche et revint à son monastère de Nutchel. On voulut l'y retenir. A la mort du pieux abbé Wibert, tous les religieux le supplièrent de le remplacer. Winfrid refusa cet honneur, et dès l'an 718, aussitôt que la paix fut rendue à la Germanie, il s'embarqua de nouveau. Mais cette fois, au lieu de se rendre directement chez les Saxons, il voulut d'abord recevoir, avec la bénédiction du pape, la confirmation de son apostolat. Tel était le moine étranger qui se présentait si humblement à l'audience de saint Grégoire II. Le pape l'accueillit avec bienveillance, le fit soigneusement interroger sur sa doctrine, et après s'être assuré qu'à la force d'âme, à la persévérance nécessaires, il joignait une piété profonde, un dévouement absolu à l'Église et au saint-siége, le confirma dans sa vocation sainte et lui conféra les pouvoirs apostoliques.
39. Le rescrit pontifical était conçu en ces termes : « Grégoire, serviteur des serviteurs de Dieu, au prêtre et moine Winfrid. Les pieux desseins de votre zèle enflammé pour le Christ, les preuves que vous nous avez données de l'ardeur et de l'intégrité de votre foi, exigent que nous vous appelions à nous seconder pour la dispensation de la parole divine, dont le dépôt est confié à notre ministère. Dès l'enfance vous avez étudié les lettres sacrées; plus tard, l'amour divin vous a porté à faire valoir le talent reçu du Père céleste ; vous êtes parti pour répandre chez les nations infidèles, au prix des plus héroïques efforts, le mystère du salut et les vérités de la foi. Nous vous félicitons hautement de votre zèle ; nous voulons seconder en vous l'œuvre de la grâce. Avec une pieuse
---------------------
' Othon., Vit. S. Bonifacii episcqpi, lib. I, cap. VI ; Patr. ht., tom. LXXXIX, col. 639. — 2. Cf. pag. 176 de ce présent volume. — 3. Cf. § 13 de ce chapitre.
=======================================
p631 CHAP. IX. -!- SAINT DONIFACE APÔTRE DE LA GERMANIE.
modestie, vous avez soumis vos desseins à l'approbation du siège apostolique. Membre de la grande société catholique, vous avez sollicité la direction du chef qui imprime partout le mouvement. Au nom de l'indivisible Trinité, par l'autorité inébranlable du bienheureux Pierre prince des apôtres, dont nous représentons le magistère doctrinal, cujus doctrines magisterii dispensatione fungi-mur, et dont nous administrons le siège, nous vous instituons pour annoncer le règne de Dieu à toutes les nations infidèles qu'il vous sera possible d'atteindre. Allez, avec le zèle ardent dont le Seigneur est venu allumer le flambeau, sur la terre, avec l'onction de la vérité divine, avec l'esprit de force, d'amour et de sobriété. Vous infuserez dans l'âme inculte des païens la prédication des deux Testaments, vous leur ferez goûter l'harmonie de cette doctrine avec la saine raison, mentibus indoctis consona ratione transfundas. Pour la discipline à observer dans l’administration des sacrements que vous conférerez aux néophytes, vous devrez vous conformer exactement à la formule des Offices de notre saint-siége apostolique, dont nous avons fait transcrire un exemplaire à votre usage. Tout ce qui pourrait vous manquer encore, une fois l'œuvre commencée, vous sera transmis aussitôt que vous nous en aurez donné connaissance. Bene vale. Donné le jour des ides de mai, sous l'empire du très-pieux seigneur Léon auguste, grand, empereur couronné de Dieu, la troisième année de son règne, indiction IIe (13 mai 719 1). »
40. Winfrid avait été directement appelé de Dieu à l'apostolat de la Germanie. Grégoire II fut l'interprète de la volonté pour déterminer une vocation analogue. Vers ce temps, arrivait à Rome un pèlerin de race franque, nommé Corbinianus (saint Corbinien). Après avoir vécu quatorze ans dans un ermitage voisin de son village natal, Castra (Châtres), à huit lieues de Paris, Corbinien s'était vu entouré d'une foule de disciples pour lesquels il fut obligé de construire un monastère. Mais épris d'amour pour la solitude, il quitta soudain cette communauté, prit un bâton de pèlerin et vint à Rome se fixer dans
----------------------------
1 S. Gregor. Il, Epist. î ; Pair, lat., tore. LXXXIX, col. 495.
=======================================
p632 TONTIFICAT DE SAINT GRÉGOIRE II (715>731).
une cellule attenant à la basilique de Saint-Pierre. Là, inconnu de tous, il espérait vivre et mourir près du tombeau du prince des apôtres. Grégoire II, à l'audience duquel il s'était présenté, le discerna dans la foule des autres pèlerins. «Pourquoi, lui dit-il, enfouir le talent qui vous a été confié? Ce n'est pas pour vous seul que Dieu vous a donné la vertu et la lumière, tandis que des peuples entiers gémissent dans les ténèbres et à l'ombre de la mort. » L'humble reclus dut s'incliner sons la main du vicaire de Jésus-Christ. Grégoire lui conféra l'onction épiscopale, et l'envoya évangéliser les Bajoarii(Bavarois). Corbinien fixa son siège épiscopal à Frisingen, où il mourut le 8 septembre 730, au milieu d'un peuple converti en entier par ses prédications et ses miracles 1.
41. Des succès plus éclatants encore devaient couronner l'apostolat de Winfrid. Parti de Rome à la fin de mai 719, il traversa la Lombardie, la Bavière et la Thuringe. « Il allait, dit son biographe, se conformant aux instructions du saint-siège, observant les peuples, et comparable à l'abeille qui voltige autour des fleurs d'un jardin avant de se reposer sur le calice qu'elle a choisi. » Ce fut ainsi qu'il rejoignit chez les Frisons leur apôtre saint Willibrord, avec lequel il passa encore trois années, l'aidant à déraciner les superstitions païennes, à instruire les néophytes, à baptiser les catéchumènes, à élever des églises en l'honneur de Jésus-Christ. Willibrord, courbé sous le poids des sollicitudes et des années, chérissait Winfrid comme son âme; il voulut lui transmettre l'épiscopat. L'humble moine écouta, sans mot dire, cette proposition qui épouvantait sa modestie. La nuit suivante, il partit pour la Thuringe. «Déjà, dit M. Ozanam, la puissance de sa parole était telle que, s'étant arrêté au monastère de Palatiolum près de Trêves, comme il interprétait devant la communauté un passage de l'Écriture sainte qu'on venait de lire durant le repas, un jeune homme de quinze ans, nommé Grégoire, d'extraction royale et de la plus haute espérance, ravi du discours du missionnaire, déclara qu'il ne le quitterait plus, s'attacha à lui et devint un de ses plus illustres disciples. Winfrid,
---------------
1 Bollaud., Act. Sanctor., 8 sept.
========================================
p633 CHAP. IX. — SAINT BONIFACE APÔTRE DE LA GERMANIE.
avec ce nouveau compagnon d'apostolat, s'enfonça dans la Thu-ringe. Il y trouvait un pays ravagé par des guerres éternelles; des populations appauvries, parmi lesquelles il était réduit à vivre du travail de ses mains ; un petit nombre de chrétiens dans des bourgades mal défendues contre les incursions barbares. Au milieu de tant d'alarmes, il commença à réunir les restes des chrétientés fondées par saint Kilien, à corriger les mœurs des prêtres et les croyances des fidèles. Les païens eux-mêmes quittaient leurs huttes de branchages pour aller entendre le savant étranger, qui parlait leur langue et bravait l'horreur de leurs forêts, le froid de leurs hivers. Beaucoup devinrent chrétiens; d'autres, baptisés depuis longtemps, quittèrent les idoles auxquelles ils étaient retournés 1. »
42. Parfois cependant le découragement et une morne tristesse saisissaient le missionnaire, au milieu des pays sauvages qu’il parcourait et des barbares dont la grossièreté résistait à tous ses efforts. Il s'épanchait alors dans ses lettres à l'évêque Daniel de Winchester : « La crainte du Christ et l'amour des pèlerinages, lui écrivait-il, ont mis entre nous de longs et vastes espaces de terre et de mer. C'est l'habitude des hommes, lorsqu'il leur arrive quelque chose de triste et de pénible, de chercher une consolation près de ceux dont l'amitié, la sagesse et l'appui inspirent le plus de confiance. C'est pourquoi j'expose à votre paternité les angoisses de mon âme fatiguée 2 ! » Mais il ne déposait pas seulement, dit M. Mignet, les confidences de sa tristesse dans le sein de son vieux maître, il lui demandait aussi des instructions, et il est curieux de voir de quelle manière subtile et sensée le sage évêque Daniel l'engageait à procéder avec les barbares pour s'emparer doucement de leur esprit3. — « Ne leur opposez point, lui écrivait-il, d'arguments contraires à la généalogie de leurs faux dieux. Ils croient que leurs dieux se sont engendrés les uns des autres, à la manière des générations humaines. Laissez-les soutenir cette opinion, afin de mieux les convaincre que des dieux et des déesses nés
-----------------------------
1 Ozanam, La civilisation chrétienne chez les Francs, pag. 174.
2. S. Bonifac, Epist. xm; Patr. lat., toto. LXXXIX, col. 700. Traduct. de M. Mignet. —
3. M. Mignet, De l'introduction de l'ancienne Germanie dans la société civilisée; Mémoires historiques, pag. 55.
======================================
p634 P0XT1FICAT DE SAINT GRÉGOIRE II (713-731).
à la façon des autres hommes sont plutôt hommes que dieux, et que n'existant pas auparavant, ils ont donc eu un commencement pour être. Forcés d'avouer que les dieux ont eu un commencement, demandez-leur s'ils pensent que le monde lui-même en ait eu un, ou s'il a toujours existé sans avoir commencé jamais. S'il a eu un commencement, qui l'a créé ? En quel lieu, avant l'établissement de ce monde, pouvaient subsister et habiter les dieux appelés à la naissance? S'ils prétendent que le monde a existé sans commencement, demandez-leur qui commandait au monde, avant la naissance des dieux; comment les dieux soumirent à leur domination ce monde, qui existait de toute éternité avant eux ; où, par qui, quand furent engendrés le premier dieu et la première déesse? S'ils croient que les dieux et les déesses continuent à en engendrer d'autres? Sinon, quand et pourquoi ils ont cessé de se reproduire? S'ils engendrent encore, alors le nombre des dieux est infini et les mortels ignorent quel est de tous les autres le plus puissant. Pensent-ils aussi qu'il faille honorer leurs dieux pour le bonheur présent et temporel, ou pour le bonheur éternel et futur ? S'ils répondent que c'est pour le bonheur temporel, qu'ils disent en quoi les païens sont plus heureux que les chrétiens? Toutes ces choses et beaucoup d'autres, il faut les leur objecter non en les insultant, mais paisiblement et avec une grande modération ; comparer leurs superstitions à nos dogmes chrétiens, et pour ainsi dire les prendre en flanc, afin que, plus honteux qu'irrités, ils reconnaissent d'eux-mêmes l'absurdité de leurs croyances. On peut encore leur dire : Si les dieux sont tout-puissants, si non-seulement ils récompensent leurs adorateurs mais s'ils punissent aussi ceux qui les outragent, pourquoi donc épargnent-ils les chrétiens, qui leur arrachent presque tout l'univers et renversent leurs idoles? Pourquoi les chrétiens qui possèdent des provinces fertiles, abondantes en vin, en huile et autres richesses, n'ont-ils laissé aux païens et à leurs dieux que des terres toujours attristées par le froid, dans lesquelles, déjà chassés du reste du monde, les idolâtres s'imaginent faussement régner encore 1 ? »
------------------------
1 S. Bonifac, Epist. xiv; Pair, lat., tom. LXXXIX, col. 707-709.
========================================
p633 CHAP. IX. — SAINT BONTFACE APÔTRE DE LA GERMANIE.
43. Le zèle et la prudence de Winfrid, inspirés par les sages conseils de l ‘évêque de Winchester, finirent par triompher de toutes les résistances. Deux frères, Detdic et Deorwulf, qu'il avait arrachés aux superstitions idolâtriques, lui donnèrent un domaine nommé Amonaburg ; il y éleva une église et un monastère. Ce fut comme un centre d'apostolat permanent. Le courageux moine pénétra ensuite dans les forêts de la Hesse et jusqu'aux frontières des Saxons, où il baptisa plusieurs milliers de barbares. La moisson grandissait sous ses efforts ; il envoya à Rome un de ses disciples, nommé Binna, demander au souverain pontife des instructions nouvelles, des règles de discipline pour ses prêtres et ses néophytes. Grégoire II préféra s'entendre de vive voix avec l'apôtre. Il fit repartir Binna pour la Germanie, et manda Winfrid à Rome, le reçut dans la basilique vaticane devant la confession de Saint-Pierre, et recueillit de sa bouche le récit de ses glorieux travaux. Le jour de saint André, 30 novembre 723, il lui donna la consécration épiscopale, avec une juridiction sans limites sur toutes les églises de Germanie, et changea son nom de Winfrid en celui de Bonifacius (le Bienfaisant), justement mérité par le bien déjà opéré et par celui que devait faire encore l'héroïque missionnaire. Boniface prêta le serment épiscopal, usité dès le temps du pape Gélase ; il déposa sur l'autel de Saint-Pierre cet acte solennel, qui fondait le droit ecclésiastique en Allemagne : «Au nom du Dieu Jésus-Christ notre Sauveur, sous l'empire du seigneur Léon grand empereur couronné de Dieu, la septième année après son consulat, la quatrième année du règne de Constantin son fils, grand empereur, en l'indiction VIe — Moi, Boniface, évêque par la grâce de Dieu, je promets à vous, bienheureux Pierre prince des apôtres, et à votre vicaire le bienheureux pape Grégoire ainsi qu'à ses successeurs, au nom de la Trinité indivisible, Père, Fils et Saint-Esprit, sur votre corps très-sacré ici présent, de garder la fidélité et la pureté de la foi catholique, de persévérer avec l'aide de Dieu dans l'unité de cette foi sainte, hors de laquelle il est constant qu'il n'y a point de salut pour les chrétiens. Je jure de ne consentir jamais à aucune tentative contre l'unité de l'Église universelle, notre commune
=========================================
p636 PONTIFICAT DE SAINT GRÉGOIRE II (715-731).
mère; de prêter en toutes choses mon concours fidèle et dévoué aux intérêts de votre Église, à vous, bienheureux Pierre, qui avez reçu du Seigneur notre Dieu le pouvoir de lier et de délier, au pape Grégoire votre vicaire et à ses successeurs. S'il vient à ma connaissance que des évêques s'écartent des antiques institutions des saints pères, je jure de n'avoir avec eux ni communion ni alliance, mais au contraire de les réprimer si j'en ai le pouvoir, sinon j'en référerai fidèlement à mon seigneur apostolique. Que si, ce qu'à Dieu ne plaise, je tentais d'agir contre les termes de la présente déclaration en quelque manière ou dans quelque occasion que ce soit, je consens à être trouvé coupable au jugement éternel, à encourir le châtiment d'Ananie et de Saphira, qui osèrent vous tromper et vous dérober la connaissance de leurs biens 1. — Ce texte de mon serment, moi, Boniface, humble évêque, je l'ai écrit de ma propre main; et le déposant sur le corps très-sacré du bienheureux Pierre, j'ai prêté devant Dieu, témoin et juge, ce serment que je jure d'observer2. » — « Après cet engagement solennel, dit l'hagiographe, le pape Grégoire combla le nouvel évêque de témoignages d'honneur et d'affection paternelle : en même temps, il se préoccupa des moyens de l'aider dans ses travaux apostoliques. Il lui remit un exemplaire des règles ecclésiastiques, ecclesiasticae institutionis jura, tracées dans les conciles et les assemblées pontificales, lui enjoignant de les faire observer par ses clercs et par les chrétientés qu'il établirait en Germanie. Par un privilège spécial et à perpétuité, il le plaça, lui et ses églises, sous la protection immédiate du saint-siége. Des lettres apostoliques furent rédigées pour recommander à toutes les puissances ecclésiastiques et civiles des Gaules et de Germanie la mission de Boniface 3. » Le pape les adressait au duc des Francs Charles Martel 4, à tous les évêques et chrétiens d'Oc-
----------------------------
1 Cf. Act., v, I-H et tom. V de cette Histoire, pag. 313.
2. Pair, lut., tom. LXXXIX, col. 497. Cette formule de serment est exactement la même qui se trouve au Liber Diurnus, cap. m, tit. 8 % Patr. lat., tom. CV, col. 72.
3. Othlon., Vit. S. Bonifac, lib. I, cap. xv;Patr.lat.,tom. LXXXIX, col. 644.
4 S. Gregor. II, Epist. II; Patr. lat., tom. LXXXIX, col. 498.
=================================
p637 CHAP. IX. — SAINT B0NIFACE APÔTRE DE LA GERMANIE.
cident 1, au clergé et aux fidèles dont Boniface venait d'être constitué évêque 2, aux optimales déjà chrétiens et aux peuples encore idolâtres de la Thuringe 3, enfin à toute la nation encore païenne des Altsaxons4. Ce dernier vocable, dans la composition duquel nous trouvons le terme germanique alt (ancien), désignait les Saxons primitifs et les distinguait de la colonie de même souche que ces tribus avaient envoyée conquérir la Grande-Bretagne. La lettre qui leur était adressée débutait par ces paroles du grand apôtre : Sapientibus et insipientibus debitor sum 5, fratres carissimi. « Le royaume de Dieu est proche, disait le pape. L'heure est venue pour vous de rejeter des traditions mensongères. Ne cherchez plus votre salut dans les vaines idoles fabriquées par la main de l'homme, et décorées du nom païen de dieux. Élevez vos regards et vos cœurs vers le Seigneur Dieu, créateur du ciel et de la terre, n'adorez que lui, et vos fronts ne rougiront plus sous la servitude des êtres inférieurs. Car le Seigneur Dieu est le maître des hommes, des forêts, des animaux de la terre, des oiseaux du ciel, des poissons des eaux. Dépouillez donc le vieil homme pour revêtir le Christ nouveau, déposez toute malice, colère, fureur et blasphème. Que vos lèvres cessent de prononcer des paroles impures ; que l'idolâtrie ne souille plus vos âmes. Frères, je vous recommande surtout de ne point retenir par force dans le culte des idoles ceux qui voudraient se convertir au Christ, de n'exercer contre eux aucune violence. J'envoie parmi vous un ministre et serviteur fidèle, notre frère et coévêque Boniface, qui vous porte les consolations et les grâces de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il vous délivrera de l'esclavage et des fraudes du démon, il vous arrachera au péril de la damnation éternelle, pour vous introduire dans les joies du royaume céleste
------------------
1 S. Gregor., Epist. in ad episcopos et alios omnium ordinum, tum clericos vel laicos; Pair, lat., tom. LXXXIX, col. 501.
2. Epist. iv ; Pair, lat, tom. LXXXIX, col. 502.
3. La lettre aux optimales de la Thuringe porte pour suscription : Viris magnifias filiis Asulfo, Goddavo, IPillerco, Gunthario, Atvoldo et omnibus Deo dilectis Thuringis fidelibuschristiunis Gregoriuspapa (Epist. v; col.503).L'autre est adressée universo populo Thuringorum (Epist. vl ; lbid.).
4. Epist. vu, col. 504. — 5 Rom., i, 14.
=======================================
p638 P0NTIFICAT DE SAINT GRÉGOIRE II (715-731).
qui n'aura pas de fin. » La lettre de saint Grégoire au duc d'Austrasie était conçue en ces termes : « Au glorieux seigneur et fils le duc Charles, Grégoire pape. Les occasions ne nous ont pas manqué, fils très-cher dans le Christ, d'éprouver les effets de votre religieuse affection pour le saint-siége. Nous informons donc votre dignité chérie de Dieu que le porteur des présentes, notre frère Boniface, dont la foi et le zèle vous sont déjà connus, a été sacré par nous évêque. Nous l'envoyons, muni des instructions de ce siège apostolique, prêcher le christianisme aux divers peuples encore idolâtres de la Germanie. Nous le recommandons instamment, lui et sa mission, à votre glorieuse bienveillance, vous priant de lui venir en aide et de le défendre contre les ennemis qu'il pourra rencontrer chez des nations où votre influence est prépondérante. Tout ce que vous ferez en sa faveur, c'est Dieu même qui vous en tiendra compte, puisque cet évêque va continuer en Germanie la mission des apôtres auxquels Jésus-Christ lui-même disait : Ceux qui vous recevront, c'est moi-même qu'ils recevront en votre personne 1. »