Arius (St Hilaire) 22

Darras tome 9 p. 541

 

§ IV. Docteurs catholiques»

 

16. Ces perpétuelles agitations de l'Arianisme en quête d'un symbole religieux, sont bien loin de représenter la tranquille possession dogmatique que les protestants voudraient lui attribuer. S'il y avait quelque part un sentiment consciencieux et profond de la vérité, c'était dans le cœur des évêques exilés pour la foi. Dans sa retraite en Phrygie, saint Hilaire terminait son grand ouvrage en douze livres sur la Trinité. Le premier à développer ces mystères parmi les Occidentaux, dont le langage à cet égard n'était pas encore bien fixé, saint Hilaire emploie quelques expressions impropres qu'il faut expliquer par tout l'ensemble de sa doctrine. Lui-même il déplora plus d'une fois la pauvreté et l'insuffisance du langage humain pour parler de Dieu. Après avoir rappelé l'incohérence et l'incertitude de la philosophie humaine, il lui oppose la certitude et le concert de l'enseignement chrétien dans les deux

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Testaments. Dans l'Ancien, Dieu se définit lui-même: « Je suis celui qui suis, » expression surhumaine dont Hilaire développe toute la force. Dans le Nouveau, un pécheur de Galilée, s'élevant au-dessus de toutes les sphères intellectuelles, semble pénétrer jusque dans le sein de la divinité. Saint Hilaire commente le début de l'Évangile de saint Jean et en fait ressortir la sublimité et la profondeur. Le but principal de l'ouvrage est de prouver par l'ensemble de l'Ecriture la légitimité du dogme catholique sur la Trinité et la consubstantialité des personnes divines, et de réfuter les objections de Sabellius et d'Arius. On y sent comme une émanation de cette fontaine d'eaux vives qui rejaillissent jusqu'à la vie éternelle. C'est partout une plénitude infinie de foi et de vigueur qui démontre à elle seule que l'Église catholique si vivement persécutée, n'était pas près de sa ruine. Saint Hilaire pose comme une vérité incontestable que chaque fois que Dieu apparaît dans l'Ancien Testament sous une figure humaine aux patriarches et aux prophètes, c'est le Verbe qui se manifestait ainsi, voulant en quelque sorte nous habituer d'avance à l'incarnation définitive. Il ne fait en cela que reproduire la doctrine des premiers Pères, saint Justin, saint Irénée, Origène, Théophile d'Antioche, Clément d'Alexandrie, Tertullien, saint Cyprien. Les Ariens eux-mêmes en convenaient; Eusèbe de Césarée l'enseigne dans sa Démonstration évangélique; et le concile de Sirmium, tenu contre Photin, avait frappé d'anathème ceux qui soutenaient le contraire. Cette tradition continuée depuis par saint Ambroise, saint Augustin, saint Léon le Grand et les plus illustres docteurs, a été dignement reprise et résumée chez les modernes par Bossuet. C'est une des vues les plus profondes et les plus lumineuses pour bien saisir l'ensemble et le merveilleux parallélisme des deux alliances.

 

   17. Nous avons vu que la Providence conduisit saint Hilaire au concile de l'Orient, réuni à Séleucie (360). Après la dissolution de cette assemblée, l'évêque de Poitiers se rendit à Constantinople et présenta une requête à l'empereur dans laquelle il lui demandait d'être confronté avec  Saturnin d'Arles, Ursace et Valens,

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pour confondre publiquement leurs calomnies ; et d’être admis à une audience impériale pour traiter devant Constance la matière de la foi selon le sens catholique. «Vous cherchez la vérité, prince, lui disait-il, apprenez-la, non d'après de nouvelles formules rédigées hier, mais d'après les livres de Dieu. Rappelez-vous que ce n'est pas une question de philosophie, mais la doctrine même de l'Évangile. Tout exilé que je sois, je n'ai pas perdu mon caractère, mon titre et ma responsabilité d'évêque. Je suis en communion avec les églises des Gaules. La chrétienté des Pictavii (Poitiers) continue à être administrée en mon nom par mes prêtres. Je suis exilé, mais ce n'est pas pour mes crimes, c'est par l'intrigue et la perversité des calomniateurs qui ont surpris votre religion et trompé votre bonne foi. Mon accusateur Saturnin est ici, c'est lui qui a rédigé les faux rapports d'après lesquels vous avez cru devoir agir. Ordonnez que nous soyons confrontés ensemble lui et moi. Si l'on me trouve coupable, je ne dis pas d'un acte indigne d'un évêque, mais simplement d'une faute ordinaire et commune, je consens d'avance à être déposé du sacerdoce et à passer ma vie au rang des pénitents laïques. Il y a là, très-religieux empereur, une question qui m'est personnelle. Je pourrais sembler partial en la traitant; je préfère donc l'abandonner entièrement à votre décision, m'en remettant à ce qu'il vous plaira d'ordonner. Votre justice comprendra qu'il convient de profiter de la présence de mon accusateur à Constantinople pour le mettre en face de moi, et me donner enfin la possibilité de démasquer les impostures dont je suis depuis tant d'années la victime. En élevant cette réclamation devant votre tribunal, je m'acquitte d'un devoir sacré. Je dois compte à Dieu de mon honneur d'évêque, du scandale qui peut résulter pour le public de la situation qui m'est faite; et je serais coupable de garder lâchement le silence. Laissez-moi vous dire, prince, que s'il y va de mon salut, de ma vie présente et de l'immortalité que j'attends au ciel, ces intérêts ne sont pas plus les miens que les vôtres ; où plutôt ils sont ceux de toute âme chrétienne. Pourquoi n'avez-vous pas encore trouvé la foi catholique, depuis si longtemps que vous la demandez à tant d'évêques? C’est

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que ceux auxquels vous vous êtes adressés se préoccupent uniquement de leurs sentiments particuliers et non de la vérité qui est de Dieu. Ils vous ont fait tourner dans un cercle perpétuel d'erreurs. Il n'y a qu'une foi : celle des apôtres. Elle repose sur une base indéfectible. A cette foi évangélique, des esprits téméraires, plus épris des nouveautés que jaloux de maintenir la tradition, plus soucieux du présent que du passé, ont substitué des formules qui varient avec le temps, qui prennent chaque année une date différante. Comme si le baptême n'était pas aujourd'hui ce qu'il était hier! Quel danger à la fois et quel désastre d'avoir autant de symboles que de docteurs, autant de confessions de foi que de caractères, autant de formules blasphématoires que de rêves impies ! De même qu'il n'y a qu'un Dieu, un seul Seigneur Jésus-Christ, un  seul baptême ; il ne saurait non plus y avoir qu'une foi. Si l'on en multiplie les symboles, on l'anéantit. Depuis le concile de Nicée, nous avons la conscience de posséder dans son intégrité la doctrine véritable. Que signifient donc des formulaires renouvelés chaque année et qui se contredisent l'un l'autre? Que dis-je? Ce n'est plus maintenant chaque année, mais chaque mois qu'il s'en produit de nouveaux? Dans cette confusion, les chrétiens se demandent où est la foi véritable, si tant est qu'elle se puisse encore trouver sur la terre. Cessez, prince, d'écrire tant de symboles. La foi est dans le cœur de tous les fidèles catholiques. Si vos évêques l'ont perdue, ils pourront la retrouver en Occident, cette région lointaine où une génération d'enfants spirituels est née de la race d'Abraham, d'Isaac et de Jacob pour le royaume de Dieu. J'ai la foi profondément gravée dans ma conscience ; vos formulaires me sont inutiles. Ce que la tradition m'a transmis, je le maintiens et me garde bien de changer ce qui est immuable comme Dieu même. Remarquez cependant, prince, la tactique de tous les novateurs. Il n'en est aucun qui ne prétende étayer son faux système sur l'interprétation des Écritures. Arius, Photin, Sabellius, croient trouver chacun dans le texte sacré qu'ils n'entendent pas la justification de leurs erreurs contradictoires. Montan n'avait-il pas, avec ses illuminés, découvert dans l'Évangile un autre Paraclet? Manès,

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Marcion et les autres n'avaient-ils pas, en lisant la Loi, appris à maudire la Loi? C'est que la lettre tue et que l'Esprit seul vivifie. C'est que le diable, prince de ce monde, est l'inspirateur secret qui dirige les apôtres de mensonge. Tous ils citent l'Écriture sans en comprendre le sens ; ils parlent de foi et n'ont plus la foi. Ce n'est pas en effet la lecture des Livres saints mais leur intelligence qui importe. Or l'Église et la tradition sont les deux interprètes infaillibles de l'Écriture. Daignez donc, prince, m'admettre à votre audience. Je vous le demande au nom du Christ, au nom de l'Église, au nom de la foi, au nom de vos intérêts les plus chers, ceux du temps et ceux de l'éternité. Je tiendrai devant vous un langage digne de la majesté de votre empire, digne de l'ardeur et du zèle que vous montrez pour la religion. Ma parole et mes vœux les plus sincères n'ont d'autre objet que la pacification de l'Orient et de l'Occident. J'aurai avec moi la conscience publique, le désir d'effacer tant de scandales et de mettre fin à une lutte trop retentissante 1. »

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon