Italie 6

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CHAPITRE III.


SOMMAIRE.


ÉLECTION ET MORT D'ETIENNE II (18-20 mars 752).


1.Etienne II, pape élu, mort avant soa sacre.


PONTIFICAT D'ETIENNE III (27 mars 752 - 2G avril 757).

§ I.  NOTICE  DO LIBER  PONTIFICALIS.

2.Antécédents du nouveau pape. Les xenoriochia d'Etienne III. — 3. Atti­
tude menaçante d'Aslolphe, roi des Lombards, contre Rome et le saint-
siège. Pourparlers. — 4. Le siiênliaire Jean, ambassadeur de Constantin
Coprooyine à Rome et à Rivenne. — 5. Menaces d'Astolphe. Prières
puhiiques à Rome. —6. Appel au roi des Francs Missive impériale. Pépin
iuvite le pape à se rendre eu France. — 7. Départ d'Etienne III. Son pas­
sage à Pavie. Conférences avec Astolphe. — S. Arrivée du pape en Frauee.
Entrevue d'Etienne III et de Pépin le Bref à Ponthion. — 9. Séjour
d'Etienne 111 à Saint-Denys. Sacre de Pépin et de ses deux fils Charles et
Carloman. — 10. Arrivée en France du prince-moine Carloman, chargé
par Astolphe d'une mission près du roi des Francs. — 11. Première expé­
dition de Pépin le Bref en Italie. Soumission d'Astolphe. R tour du pape
à Rome. — 12. Astolphe viole ses serments et assiège la ville de Rome.
Seconde expédition de Pépin en Italie. Soumission définitive d'Astolphe.

—13. Les clefs des vingt-deux villes de l'exarchat et de la Peutapole,
déposées par Fnlrad sur l'autel de la confession de Saint-Pierre. Mort
d'Astolphe. — 14. Élection de Didier, nouveau roi des Lombards. —
15. Mort d'Etienne 111. — 16. Importance exceptionnelle de la notice du
Liber Ponlificalis.

§ II.  PREMIÈRE   DONATION  DE  PÉPIX LE  BREF  AD  SÂIXT-SIÉfiE.

1 7. Fin de l'exarchat de Ravenne. Fidélité persévérante des papes \ l'empire.

—1S. Récriminations des éerivaius modernes contre Etienne III. —
19. Concile de Duren. Victoire de Pépin contre les S.ixous. Mort de Grypho.

20. Pépin le Bref agenouillé devant le pape, le p.ipe agenouillé devant Pépin. — 21. Promesses faites au pape à Ponlliion par le roi des Fraues.

22. Réconciliation de Pépia le Bref avec la reine Berthe. La cluusule du moine de Saint-Denys. — 23. Etienne 111 devenu le compater spirituel de

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p237 CHAP.   III.   —   ÉLECTION   ET MORT  d'ÉTIEKNB  II.1    

 

Pépin le Bref. — 21. Guérison miraculeuse d'Etienne 11! dans l'église da Saint-Deûys. — 25. Privilèges accordés par Etienne 111 à l'abbé et au mo­nastère de Sainl-Denys. — 26. Séjour du moine Carlornau, frère de Pépin la Bref, en France. — 27. Champ de mars de l'an 754 à Biaiue. — 28. Champ de mai à Quierzy-sur-Oise. — 29. Découverte du texte de la convention de Quierzy-sur-Oise. — 30. Questions disciplinaires résolues par le pape. — 31. Adoption de la liturgie romaine par les églises des Gaules. — 3â. Translation des reliques de saint Germain de Paris. — 33. RspoDse insultante d'AstolpIie aux ambassadeurs francs. — 34. Mort du vénérable moine Carloman. — 35. Passage des Alpes par l'armée des Francs. Vic­toire du va! de Suze. Donation solennelle par Pépin le Bref de l'exarchat et de la Pentapole au saint-siége.

§ 111.   SECONDE  DONATION  DE PÉPIN  LE  BREF AU  SAINT-SIEGE. '

36. Retour triomphal du pape à Rome. Perfidie d'AstolpIie. Lettre d'Etienne III à Pépin le Bref. — 37. Le Codex Carolinus. — 38. Pillage et dévastations des Lombards dans la province romaine. Nouvelles plaintes du pape au roi des Francs. — 39. Siège de Rome par Astolphe. Troisième lettre du pape à Pépin le Bref. — 40. Lettre solennelle adressée au nom de saint Pierre à toute la nation des Francs. — 41. Seconde campagne des Fraucs en Italie. Seconde donation de Pépin le Bref au saint-siége. — 4-2. Inves­titure réelle et souveraineté temporelle des papes. — 43. Mort d'Actolphe. Didier roi des Lombards. Dernière lettre d'Etienne 111 à Pépin le Bref.

§  IV.   MARTYRE BE SAINT BON1FACF.

44.Correspondance de Boniface avec !e pape Éliecne III. — 45. Projet d'une
mission dans la Frise. Lettre de Boniface à l'arcliichapelaiu Fulrad. Lettre
de Pépiu le Bref à saint Boniface. — 4G. Promotion de saint Lui! au siège
de Mayence. Départ de Boniface pour sa dernière mission. — 47. Martyre
de saint Boniface.

§ V.   MARTYRS  EN  ORIENT.

45.Stratégie iconoclaste de Constantin Copronyme. — 49. Conciliabule de
trois cent trente-huit évêques iconoclastes à Constantinople. Canons et
anathématismes. — 50. Apostasie populaire à i'Augnstéon. — 51. Nom­
breux martyrs. — 52. Courageuse polémique de saint Jean Damascène.


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Élection et mort d'Étienne II (18-20 mars 752).

 

   1. « Trois jours après la mort du pape Zacharie de bienheureuse mémoire, dit le Liber Pontificalis, tout le peuple de Rome élut le prêtre Etienne, qui fut porté au palais patriarcal de Latran. Mais le lendemain matin, à son lever, il fut frappé d'une attaque d'apo-

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p238 PONTincAT d'étienne m (732-737).

 

plexie, et mourut le jour suivant (20 mars 732 1 ). » Le nom d'Etienne II, pape élu et mort avant son sacre, occupe le 94me rang dans la liste officielle des souverains pontifes, publiée chaque an­née au Diario Romano avec approbation du saint-siége. Nous le maintenons donc nous-même dans la série pontificale, sans d'ail­leurs partager aucunement l'opinion de certains théologiens, qui ont prélendu, à diverses reprises, et presque toujours pour favoirser les empiétements de la puissance civile, que l'élection seule, même avant le sacre, confère aux pontifes tous les pouvoirs de juridic­tion.

 

PONTIFICAT D'ETIENNE III (27 mars 732-26 avril 737).

 

§ I. Notice du Liber Pontificalis.

 

   2. Après la mort et les funérailles du pape élu, « le peuple de Dieu se rassembla, continue le Liber Pontificalis, dans la vénérable basilique de la sainte Mère-de-Dieu-ad-praesepe, implorant la miséricorde de Jésus-Christ Notre-Seigneur et de notre dame la sainte vierge Marie. Tous ensuite, d'une voix unanime et d'un cœur confiant, ils élurent le très-bienheureux pontife Etienne (IIIe du nom). Etienne, né à Rome, était fils de Constantin. Il siégea cinq ans et vingt-huit jours. Dès son enfance, resté orphelin, il avait été élevé à l'école patriarcale du Latran, sous la direction apostolique des pontifes ses prédécesseurs2. Promu successivement aux divers ordres ecclésiastiques, il était en dernier lieu archidiacre 3. Le clergé et le peuple, au chant des hymnes sacrés, le portèrent 4 à la

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1 Lib. Pontifical.; Pair, lat., tom. CXXV111, col. 1085.

2.Déjà saiut Grégoire II était sorti de l'école patriarcale du Latran. (Cf. tom. XVI de cette Histoire, pag. 554.)

3 C'est en cette qualité que nous l'avons vu assister aux deux conciles romains, tenus sous le pontificat de saint Zacharie, dont les actes le désignent ainsi : Stephanus presbyter tituli sancti Chrysogoni.

4. Quem omnes... cum taudis prœconiis in basilicam Salvatoris, quœ appellatur Constentiniana, deportaverunt. On voit que l'usage de la sedia gestatoria n'est pas une invention récente. Depuis saint Pierre, il s'est perpétué pour tous les papes, et le Liber Pontificalis le fait entendre quand il ajoute que la céré­monie d'intronisation où Etienne III fut porté sur les épaules des citoyens

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p239 CHAP.  III.  — NOTICE  DU  L1EEB TONTIFICAilS.             

 

basilique constantinienne du Sauveur, et l'installèrent, selon l'usage, dans le palais patriarcal. Ce très-bienheureux pape, zélé pour les intérêts des églises de Dieu, gardien vigilant et ferme de la tradi­tion, prédicateur éloquent de la parole divine, était en même temps plein de sollicitude et de tendresse pour les pauvres du Christ : il visitait dans leur indigente demeure les veuves et les orphelins ; il se montra, avec la grâce de Dieu, le plus intrépide défenseur de son troupeau. Il rétablit tout d'abord les quatre xenodochia (hospices) fondés anciennement à Rome et qui tombaient en ruine; il pourvut à leur organisation intérieure, à leurs succursales suburbaines, et les enrichit par une donation authentique, revêtue de sa signature et portant anathème contre tous les spoliateurs à venir. En outre, il érigea à ses frais un nouvel établissement de ce genre, le xenodochium in Platana, où cent pauvres du Christ étaient entretenus par la mense pontificale. Hors de l’enceinte des remparts, près la basilique vaticane, il établit encore deux autres xenodochia, pourvut à leur entretien et les plaça sous la juridiction de leurs diaconies respectives, savoir celle de la Sainte-Mère-de-Dieu et celle de Saint-Sylvestre. »

 

   3. « Cependant Astolphe (Aistulfus), roi des Lombards, sévissait  cruellement contre le duché de Rome et les cités qui en relevaient.    Chaque jour, le péril devenait plus menaçant. Le très-bienheureux pape, trois mois après son sacre, chargea son propre frère l'archi­diacre Paul 1 et le primicerius Ambroise d'aller négocier la paix avec Astolphe, et leur remit pour ce prince de magnifiques pré­sents. Grâce à ces largesses, les deux légats furent parfaitement accueillis; ils obtinrent un traité qui stipulait une trêve de quarante années. Mais après quatre mois seulement le roi parjure, violant ses promesses, adressait au très-saint pontife et au peuple de Rome les plus terribles menaces. Il avait, disait-il, résolu d'envahir toute la province romaine, si on refusait de lui payer un tribut

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au palais patriarcal de Latran, était conforme aux rites traditionnels, in patriarchium juxta morem intromiserunt.

1 Paul devait succéder à son frère Etienne III sur le siège de saint Pierre.

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p240            pontificat d'étienne m ("o2-75").

 

annuel, fixé à un solidus d'or (environ quatre-vingt-dix francs de notre monnaie) par chaque tête d'habitant. II exigeait la recon­naissance de sa souveraineté par les Romains, et la remise de toutes leurs places-fortes. Le très-saint pape manda alors les vénérables abbés Optât du Mont-Cassin et Azzo de Saint-Vincent-au-Vulturne 1. Il les envoya tous deux à ce roi très-cruel, dans l'espoir que, cédant à leurs prières, il consentirait à renouer l'alliance et à rendre la paix au peuple de Dieu. Astolphe les traita avec le der­nier mépris. Sans soupçonner qu'il se perdait lui-même, il les fit outrageusement reconduire sous escorte à leur monastère, afin de les mettre dans l'impossibilité de rendre compte au très-saint pape de leur mission. A cette nouvelle, l'auguste père, le pontife Etienne, eut recours à ses armes habituelles, il ordonna dans toute la ville des processions expiatoires, pour implorer la miséricorde du Dieu tout-puissant. »


   4. « Sur ces entrefaites, arriva à Rome le patrice Jean, silentiaire du césar Constantin V, avec une jussion impériale (lettre) pour le très-saint pontife, et une autre adressée au roi des Lombards, enjoignant à ce dernier ce cesser les  hostilités et de  restituer à la  république romaine les territoires usurpés  (l'exarchat).

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1. Ad se accersilis venerabilium manasteriorum sanclorum Vinccntii et Benedicli religiosis abbatibus. Le Liber Pontificalis ne désigne point ces deux abbés, dont nous rétablissons le nom d'après Muratori (Annal. Ital., ad ann. 752). On se rappelle que le nouveau monastère de Saint-Vincent, sur les rives du Vulturne, avait été fondé par les trois nobles frères Paldo, Taso et Talto, à l'époque même de la reconstruction du Mont-Cassin par le vénérable Pétronax. (Cf. tom. XVI de cette Histoire, pag. 577.) Les trois frères avaient successivement exercé la charge abbatiale, Paldo jusqu'au 11 octobre 720 (Bollind., Act. S. Paillon., loin. V octobr., pag. 654); Taso jusqu'au 11 jan­vier 729 (lîoll.ind., Acl. S. Tuson., tom. 1 januar., pag. 713); Tilto jusqu'en 739, 11 décembre jour où l'église célèbre sa fête. Le quatrième abbé de Saint-Vinceut-au-Vullurne fut Atto, ou, pour nous conformer à l'orthographe de Muratori, Azzo, celui que le pape Etieune III adjoignit à Optât du Mont-Cassin, pour les envoyer tous deux négocier avec Astolphe. Le choix de ces vénérables légats semble avoir été inspiré au pontife par la pensée qu'Astolphe devrait accueillir favorablement les deux plus illustres représentants de l'ordre bénédictin, dont son frère et prédécesseur Ratchis, abdiquant la couronne, venait d'embrasser la règle.

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p241 CHAP.   III.   —  NOTICE  EU  LIBER  TONTIFICALIS,          

 

Etienne s'empressa de faire partir l'envoyé impérial à Ravenne, où Astolphe tenait sa cour: il le fit accompagner de son frère, l'archi­diacre Paul. Le roi lombard les accueillit avec une hypocrite bien­veillance, les paya de vaines paroles, et déclara qu'il allait expédier directement une ambassade à Constantinople. Le personnage au­quel il confia cette mission était, comme son propre maître, expert dans toutes les ruses diaboliques, quemdam propriœ gentis virum diabolicis imbutum consilih. Le silentiaire et l'archidiacre revinrent à Rome, et annoncèrent au très-saint pape qu'ils avaient échoué dans leur négociation. Etienne fit partir lui-même des légats pour la cité impériale; ils accompagnaient le silentiaire Jean, et devaient remettre à l'empereur une lettre apostolique, où Constantin V était prié d'obtempérer enfin aux vœux que le saint-siége lui avait tant de fois exprimés, en venant avec son armée délivrer Rome et toute la province d'Italie (l'exarchat) de la tyrannie des Lom­bards. »


5. « La fureur d'Astolphe croissait toujours. Rugissant comme un lion, ce prince adressait à Rome menaces sur menaces, jurant qu'il   passerait tous les citoyens au fil de l'épée, s'ils ne se soumettaient à sa puissance. Le très-saint pape Etienne, rassemblant alors toute la population, fit entendre ce langage paternel : Je vous en con­jure, fils bien-aimés, unissons nos prières pour implorer la clémence du Seigneur. Malgré le poids de nos fautes, il daignera nous venir en aide ; sa très-providentielle miséricorde saura nous délivrer de la main des persécuteurs. — Des prières solennelles commencèrent donc. Dans une litanie (procession) à laquelle le peuple entier prit part, redoublant de supplications et de larmes, le pape, pieds nus, voulut porter lui-même, fixée à une grande croix, l'image sacrée du Sauveur dite axeipipoièta 1. Il avait attaché aux  bras de la

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1 La célèbre image appelée tantôt axeiropoièta (non faite de main d'homme), tantôt sacra tavola, est encore aujourd'hui vénérée à la Scala-santa de Rome, où on la conserve dans l'oratoire connu de tout l'univers sous le nom de Sancta sanctorum. (Cf. Waraugocii, Istoria daU'antichitsimo oratorio
o cappella di
S. Lorenzo, ne! patriurchio Lateranense, comunemenle appellalo Sancla sanctorum, e délia célèbre imma</ine del S. Saluntore delta Acheropila, che ivi conservasi, colle notizie del culto, e vari riti praticali anticamente verso
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p242 PONTincAT d'étienne m (7o^-"j7).

 

croix l'acte souscrit l'année précédente par le roi lombard, cet acte de paix si tôt violé. Les diverses reliques des saints étaient portées par les prêtres, et toute la foule suivait pieds nus, la tête couverte de cendres, pleurant et priant. La procession entra dans cet ordre à la basilique de Sainte-Marie-ad-Prœsepe. Là, le très-saint pontife, après avoir invoqué de nouveau la miséricorde divine, prit dans ses mains le traité de paix et, en présence de tout le peuple, le déchira. — Cependant le très-bienheureux pape réu­nissait fréquemment les prêtres et le clergé de Rome au palais patriarcal de Latran. Il les exhortait à méditer profondément la sainte Écriture, à étudier les ouvrages des Pères, afin de se rendre capables de soutenir avec une vigoureuse éloquence la lutte contre

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la medesima, e délia nobile compugnia che ne ha la custodia, Roma, 1747.) Cette image du Sauveur est précisément celle que l'empereur Héraclius faisait porter avec tant de vénération à la tète de ses armées, dans sa croisade contre Chosroès. (Cf. tom. XV de cette Histoire, pag. 478.) Une tradition conservée par Maniacuccio, chanoine du Latran au XIIe siècle, rapporte qu'après l'As­cension « les apôtres réunis au cénacle avec la bienheureuse vierge Marie, sur les instances d'un grand nombre de fidèles qui désiraient conserver une image du Sauveur, chargèrent le disciple saint Luc de l'exécuter. Celui-ci commença donc à tracer les premiers linéaments et à dessiner les contours. En ce moment, aux yeux de tous, l'image apparut miraculeusement achevée, avec les couleurs les plus harmonieuses et la plus parfaite ressemblance. » Ainsi l’achéropite commencée par saint Luc aurait été achevée par les anges. Transportée de Jérusalem à Constantinople par sainte Hélène, l'image mira­culeuse aurait été, en dernier lieu, envoyée à Rome par le patriarche saint Cermain, pour la soustraire aux iconoclastes qui avaient annoncé l'inten­tion de la détruire. On voit encore, à l'œil droit de la figure du Sauveur, la trace d'un coup de pierre, lancée probablement par la main d'un de ces sacrilèges, à l'époque où l’achéropite achéropite reposait encore à Sainte-Sophie. L'image miraculeuse est peinte sur un panneau de cèdre, long de sept palmes et large de trois. Le Sauveur y est représenté en pied. Nicolas lll couvrit l’de lames d'argent, sur lesquelles il fit placer une reproduction sur toile, recouverte elle-même d'une plaque de verre, le tout dans un cadre de bois doré. C'est dans cet état que la sainte image repose, dans une tribune fermée, derrière l'autel du Sancta sanctorum. On l'expose à la vénération publique aux quatre fêtes de Noël, de Pâques, de l'octave du Saint-Sacre­ment et de l'Assomption. Dans les grandes calamités, ou à des époques solennelles, ou la porte processionnellement du sanctuaire de la Scala-santa à la basilique de Sainte-Marie-Majeure. La dernière procession de ce genre eut lieu en 1863, sous le pontificat de Pie IX. Cf. Moroni, Dizionar., art. Scala-santa.

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p243 CHAP.   III.   — NOTICE DU  LIBER  TONTIFICALIS.

 

les adversaires de l'Église de Dieu. Lui-même ne négligeait aucune occasion d'instruire le peuple fidèle, l'exhortant à vivre sobrie et pie, selon le précepte de l'apôtre, et à fuir le péché comme le plus grand de tous les maux. Il ordonna que tous les samedis de l'année, sans aucune exception, une litanie solennelle aurait lieu pour implorer le salut de la province et de la chrétienté. Les processions se dirigeaient alternativement à Sainte-Marie-ad-Prœsepe, à la basilique du bienheureux Pierre apôtre et à celle de Saint-Paul-hors-les-murs. En même temps, le pontife recourait à l'intercession des saints martyrs, patrons de la ville de Rome. La basilique de Saint - Laurent, située près de Saint-Clément dans la IIIe région, fut restaurée, ainsi que la catacombe de saint Soter. »


6. « Cependant le roi lombard résistait à toutes les supplications. Pour le fléchir, le très-bienbeureux pape avait redoublé d'instances et épuisé le trésor de l'Église. Ses efforts pour sauver le troupeau que Dieu lui avait confié, pour délivrer la cité de Ravenne, la province d'Italie et Rome elle-même, étaient impuissants. De Constantinople il n'y avait aucun secours à attendre. Dans cette situation, comme autrefois ses prédécesseurs de bienheureuse mémoire Grégoire II, Grégoire III et Zacharie, le pape résolut de s'adresser aux Francs et d'implorer leur appui contre la tyrannie des Lombards. Il trans­mit donc secrètement, par l'intermédiaire d'un pèlerin de la nation franque, des lettres au roi Pépin. Il suggérait à ce prince l'idée d'envoyer à Rome des ambassadeurs chargés en son nom d'inviter le pontife à se rendre en France. C'était l'unique moyen de confé­rer librement, puisque les Lombards occupaient les cités de la province romaine et gardaient toutes les routes. Pépin se hâta d'assurer le pontife de toute sa bonne volonté. Son message par­vint heureusement à travers les lignes ennemies. Il avait été confié au vénérable Drochtegang, abbé de Jumièges. Par surcroît de précaution, Pépin expédia un second envoyé qui arriva lui-même sans encombre. Les Lombards redoublaient pourtant de vigilance, et resserraient la ville de Rome comme dans un cercle de fer. En dernier lieu, ils s'emparèrent du castellum de Ceccano, domaine ap-

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p244           pontificat d'étienne m (732-7j7).

 

partenant à la sainte Église de Dieu. Telle était la situation, lorsque le silentiaire Jean revint de Constantinopie, avec les légats précé­demment envoyés dans cette ville par le très-saint pontife. Le silen­tiaire était porteur d'une nouvelle jussio impériale, dans laquelle l'empereur signifiait au roi Astolphe d'avoir à remettre entre les mains du pape la ville de Ravenne et les autres cités du territoire romain. Etienne fit aussitôt demander, pour le silentiaire et pour lui-même, un sauf-conduit au roi Astolphe, afin de conférer au sujet des ordres venus de Constantinopie. Le sauf-conduit fut ac­cordé sur-le-champ, et, par une coïncidence providentielle, le messager qui en était porteur arriva à Rome en même temps que deux nouveaux ambassadeurs francs, savoir le vénérable Chrodegang, évêque de Metz, et le duc Autchaire. Ceux-ci avaient ordre
d'escorter le très-saint pape en France, où le roi leur maître le suppliait de se rendre. »

   7. « Plein de confiance dans la miséricorde du Dieu tout-puissant, Etienne sortit de Rome le 14e jour du mois d'octobre, indiction VIIe (753), au milieu des gémissements de la multitude, que son départ livrait aux plus vives alarmes. Le très-saint pape rassurait les ci­toyens en leur parlant de la clémence divine, de la protection de la sainte Vierge et des bienheureux apôtres Pierre et Paul, sous le patronage desquels il entreprenait, pour le salut de tous, ce long et pénible voyage. Il était souffrant d'une maladie chronique, mais son courage lui tenait lieu de force. Recommandant une dernière fois le peuple fidèle à Jésus-Christ, le bon Pasteur, et au prince des apôtres, il se mit en route. Des patriciens, des prêtres, des clercs choisis de chacun des ordres de la hiérarchie sacrée l'accompa­gnaient, avec un bataillon de la milice romaine. Comme ils arrivaient le soir à la frontière lombarde, au quarantième mil-îiaire de Rome, un météore parut au ciel ; c'était un globe de feu qui traversa l'horizon du nord au sud, comme si, venant du pays des Gaules, il se fût dirigé vers la Lombardie. Cependant le duc Autchaire, l'un des ambassadeurs francs, avait devancé l'escorte pour aller à Pavie prévenir Astolphe de la prochaine arrivée du pontife. Le roi lombard témoigna la plus vive irritation ; il fit par-

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p245 CHAP.   III.   —  NOTICE   DU  LIBER  TONTIFICALIS.        

 

tir sur-le-champ des courriers chargés de dire au pape : Ne soyez pas assez audacieux pour prononcer en ma présence une seule parole ayant trait à la restitution de Ravenne et des autres cités de la république, dont mes prédécesseurs et moi-même nous sommes mis en possession. —Dites à votre maître, répondit Etienne, que ni les menaces, ni la violence, ne m'empêcheront de parler comme je le dois. — En effet, aussitôt son arrivée à Pavie, après avoir offert au roi les présents accoutumés, il l'entretint de l'objet de son voyage et le supplia de restituer les provinces usurpées. Mais il ne réussit point à le persuader. Le silentiaire Jean remit, de son côté, les lettres impériales dont il était porteur : elles n'eurent pas plus de succès. Les ambassadeurs francs intervinrent alors près du roi lombard, pour qu'il eût à laisser le pape continuer son voyage en France. Cette ouverture étonna Astolphe. Il fit venir le très-saint pontife et, dans un entretien particulier, lui demanda si réellement il avait l'intention de se rendre en France. Etienne ré­pondit affirmativement, et ne dissimula point le vrai motif de ce voyage. Astolphe, en l'écoutant, frémissait de rage ; on eût dit un lion pris au piège. Plusieurs fois depuis il envoya ses confidents engager Etienne, par tous les moyens possibles, à renoncer à son projet. Enfin, dans une audience solennelle, en présence du très-saint évêque Chrodegang, Astolphe demanda au pape s'il persis­tait dans l'intention de faire le voyage de France. — Si vous êtes résolu à me rendre la liberté, répondit Etienne, je suis moi-même absolument décidé à faire ce voyage. — Astolphe dut, malgré lui, déclarer que jamais il n'avait songé à retenir captif le succes­seur de saint Pierre. »

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon