Pie IX 2 introduction

Darras tome 41 p. 10

 

   Nous ne manquons pas, dans l'Église, de cœurs mous et d'es­prits faibles, toujours prêts à conseiller le silence et à prêcher les tempéraments. Jésus-Christ a dit : « Alléz, enseignée toutes les nations» ; ils disent : « Ne bouges pas, taisez-vous.» Le symbole est certainement l'expression dogmatique de la vérité révélée ; mais ce qu'ils trouvent de mieux, c'est de i'êeeurter et de le voi­ler. Le Décalogue est certainement la loi morale de la vertu sur­naturelle ; mais ce qu'ils trouvent de mieux c'est de n'en pas pres­ser l'application et de mettre la sourdine aux préceptes divins. Quand le pape se dispose à parler, ils le conjurent, en gens sages, de permettre qu'ils lui mettent, aux lèvres la porte de l'opportu­nisme ; quand la pape se dispose à agir, ils lui baisent les pieds pour lui lier les mains. Un pape-momie, voilà leur idéal. Mais ces gens-là ne sont pas chrétiens ou, s'ils le sont, ils ne connaissent pas le premier mot de l'esprit de l'Église. La vérité est notre force ; la dire toujours, à temps ou à contre-temps, c'est le devoir et l'honneur des papes. La grandeur d'un pape se mesure à la quan­-

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(1)Tertullien, Scorpito, n« G,

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tité de vérité qu'il a donnée au monde. Cette vérité, donnée au monde par les papes, c'est celle dont il a été dit : Manei in œternum.

 

Etre en butte à la persécution, guerroyer vaillamment contre l'impiété révolutionnaire, dire la vérité avec une confiance intré­pide : ce sont les traits généraux des papes contemporains et nous les trouverons fortement accusés dans Pie IX.

 

Nous trouverons aussi Pie IX fidèle à la sollicitude de toutes les églises. Les États pontificaux, même quand ils ne sont pas arrachés en tout ou en partie, ne forment sur la carte d'Europe, qu'un très petit État. » C'est néanmoins, dit Crétineau-Joly, vers le souverain de ce petit royaume que les yeux du monde entier sont dirigés ; c'est à lui qu'on s'adresse de l'Orient et de l'Occi­dent, à lui qu'on a recours dans les joies et les peines de la vie ; c'est lui qu'on consulte, qu'on aime, qu'on bénit, et que de tous les coins de la chrétienté on salue du doux nom de père. La pater­nité universelle dont il est le représentant apparaît si tendre et si indiscutable, que les séparés de la Communion romaine se font un honneur de lui accorder ce titre. Par cette concession volontaire ils semblent indiquer que le jour n'est pas éloigné où il n'y aura, selon le vœu de l'Évangile, qu'un seul troupeau et qu'un seul pas­teur (1). » Pie IX, par ses malheurs et par ses vertus, par sa bonté et par sa grâce, a contribué plus que personne, à cette réconcilia­tion des âmes et à cet apaisement des croyances. Nous verrons, par quelles négociations et par quelles œuvres, il en a préparé ou commencé l'accomplissement.

 

Nous le trouvons également fidèle au souci des écoles et à l'a­mour des pauvres. Nous le verrons protéger les arts, les sciences, les lettres, les métiers : il y a, dans ce pontife, du Léon X et du Périclès. On dirait qu'il a eu sans cesse sous les yeux cette belle parole de son bienfaiteur Pie VII : « Les belles-lettres sont de

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(1)       Mémoire* du Card. Cotuahi, Introd. p. 58.

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l'argent pour le peuple, de l'or pour les nobles, des diamants pour les princes. »

 

Nous verrons enfin se dresser, contre sa mémoire, l'éternelle question du pouvoir temporel et du bon gouvernement. Ces papes qui ont été les créateurs de la civilisation, les Thaumaturges de tous les progrès, il y a aujourd'hui une race de petits rhéteurs et d'avocats, de rois et de tribuns qui veut leur apprendre à gouver­ner leur petit peuple. On a voulu asseoir le monde moderne sur des idées fausses, sur des lois funestes, sur les principes destruc­teurs de l'ordre social, sur une corruption constitutionnelle qui nous voue à une décadence irrémédiable, et l'on fait un crime aux papes de s'en tenir strictement à l'Évangile qui seule peut nous sauver. Nous instruirons ce grand procès. Nous verrons les socié­tés secrètes, la diplomatie, les armes battre en brèche et, à la fin, renverser pour un temps le principat civil des pontifes romains. Nous ne dirons ici qu'un mot de ce triste attentat.

 

Lorsqu'en 1814, les Légations et les Marches furent restituées à Pie VII, il ne faut pas croire que le grand cardinal Consalvi ait négligé les réformes politiques et économiques. On voit, au con­traire, dans ses Mémoires, qu'il voulait profiter de ce second réta­blissement pour couper court à tous les abus et procéder vigou­reusement à une régénération. Afin de faire naître des fruits et des fleurs dans le champ du père de famille, on tenta les patriciens par la perspective de nouveaux avantages, la classe bourgeoise par l'appât de fortunes plus rapides menant tout naturellement à la noblesse, les artistes par l'espérance de plus nombreux débou­chés, les ouvriers et les indigents par un travail facile et rému­nérateur. Tous ces plans, dont le cardinal était fier de reporter à son maître le mérite de l'invention et la gloire de l'exécution, vin­rent échouer en essais stériles. Les combinaisons les plus sages de Consalvi se heurtèrent contre l'aveuglement de la routine et les complicités de l'opinion. Le ministre   dût s'arrêter devant le

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préjugé que nous avons vu, depuis, les ennemis de la papauté tour­ner contre l'Église. Les projets de restauration n'ont laissé de trace que dans le portefeuille de Consalvi et dans les épigrammes des Romains, soupirant après le progrès, mais l'éloignant toujours de Rome.

 

Le congrès de Vienne avait inauguré, pour les peuples, l'ère des constitutions et appelé chaque nation à s'occuper du régime inté­rieur des nations voisines. L'État pontifical ne pouvait, sous ce rapport, ressembler aux autres peuples ; il fallait, comme on l'a très bien dit, que les deux pouvoirs y fussent unis dans la personne du pape, pour être séparés ailleurs et assurer partout, avec un juste équilibre des pouvoirs, une limite et un contrôle à la souve­raine puissance. Les diplomates ne comprirent pas cet état à part des pontifes romains ; ils se mirent à couver des projets de réfor­mes, à donner des avis qu'on ne leur demandait pas, et, enfants-d'obéissance, à vouloir commander dans la maison d'autrui. A leur exemple, les esprits tourmentés du désir d'innover chez les autres et de se créer des chimères de perfection dénoncèrent, à la ville et au monde, les abus qu'ils croyaient avoir remarqués en traversant l'Italie en poste. Les papes gémissaient de cette manie dont étaient travaillés même des ambassadeurs catholiques, qui, pour s'établir à peu de frais une réputation de sagacité et d'indépen­dance, ne craignaient pas de tracer, de l'État pontifical, un tableau de triste fantaisie. Sachant admirablement le fort et le faible de l'Europe et de Rome, ils s'alarmaient avec juste raison du ridicule que la diplomatie infligeait à la tiare. Plus d'une fois même avec des paroles d'une douce fermeté, ils firent rougir de leurs erreurs, certains ministres étrangers, qui, sur la foi d'un petit nombre de mécontents, avaient calomnié le gouvernement du Saint-Siège. Nous verrons ces calomnies engendrer des catastrophes.

 

Le peuple romain ou soi-disant tel, il faut le dire à sa honte, donna en plein dans ce panneau. Le progrès, mot séducteur et trom-

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peur, était le mot d'ordre des sociétés secrètes ; il devint la consigne de tous les gobe-mouches, prélats ou marchands, nobles ou moines, prêtres ou bourgeois. Leur incurable far niente s'était refusé aux justes réformes ; ils firent, de leur lâche orgueil, un crime aux papes. Parce que rien de sérieux, rien de stable ne pouvait être tenté, et surtout réalisé avec de pareils éléments, ce fut le tort des vicaires de Jésus-Christ. Les romains ont aimé sous tous les siècles à être à l'égard des papes, ce que les juifs furent envers Jésus-Christ. Le vicaire n'a pas été plus ménagé que le Dieu. La préférence accordée à Barrabas sera même pour les fanatiques de l'unité italienne une tentation des plus agréables et ils paraîtront s'inquiéter fort peu de voir l'alliance méconnue se briser comme la verge du prophète. Les papes n'ignoraient pas que leur peu­ple, pour avoir le droit éternel de se poser en victimes, se canton­nera dans la poésie de sa mendicité et s'en prendra au monde entier d'être condamné à vivre de l'existence qui lui est douce, et dans l'atmosphère dont personne ne saura jamais l'arracher.

 

Nous verrons, à la fin, le résultat de cette conjuration d'inertie et d'ineptie. Nous verrons le Piémont suivre, en Italie, l'esprit d'usurpation et de conquête. Nous le verrons fouler aux pieds le droit des gens, pour dépouiller le Pape des états, dont il est, depuis mille ans, le souverain légitime, et fouler aux pieds le droit de la liberté religieuse pour renverser la constitution de l'Église catholique dont le Pape est le chef. Nous verrons aussi Pie IX soutenir courageusement, jusqu'à son dernier soupir, cette cause du droit et de la liberté, salut et honneur de toute civilisa­tion.

 

Aujourd'hui encore, le monde en est là. Le pouvoir temporel des papes a été l'objet d'un attentat provisoirement victorieux, le pouvoir spirituel des papes est, par suite, en butte à une cons­piration qui se flatte de mettre la main sur l'Église et d'enchaî­ner les papes, sinon de détuire la Papauté. Le Pape défend l'au-

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torité divine et les droits sacrés de la Sainte Église ; il les défend contre les Frédéric et les Barberousse italiens ; absolument comme les Grégoire, les Innocent, les Alexandre, les défendaient, au moyen âge, contre les Barberousse et les Frédéric d'Allemagne. Le situation est la même, les principes engagés sont les mêmes : la lutte séculaire des Guelfes et des Gibelins se poursuit, et la seule différence qui la signale, c'est que les Hohensfauffen, au lieu de venir d'au delà des Alpes, viennent d'en deçà, de Naples ou du Piémont.

 

Les papes de Rome, provisoirement foulés, sortiront de cette lutte en vainqueurs : c'est notre espoir. Défenseurs de l'Église, ils sont encore les défenseurs de la liberté et de l'indépendance de l'Italie. Et si le monde n'est pas voué à un irrémédiable despo­tisme ; si Dieu n'abandonne pas son Église anx fureurs de l'Anté­christ, nous verrons encore une fois, les papes procurer, par la défense de l'Église, la régénération du monde. Encore une fois, la barque de Saint Pierre portera les destinées de l'humanité.

 

Pour le moment, la papauté, civilement amoindrie, profite de la liberté qui lui reste pour combattre les erreurs les plus subatiles de notre temps et opérer les réformes morales d'où sortent, tôt ou tard, les réformes sociales et les réparations politiques. Et tout mort qu'il est, Pie IX combat encore pour l'Église de Jésus-Christ, dans la personne de son successeur.

 

II. — A ces considérations nécessaires, nous devons ajouter, pour le salut des âmes et la paix publique, la proscription d'une erreur qui s'est appelée elle-même le catholicisme libéral et qui, depuis le concile du Vatican, par des habiles transformations non moins que par ses insidieuses doctrines, est devenu une pierre de scandale.

 

Le catholicisme libéral n'a point pour objet, d'ouvrir, comme on l'a fait depuis l'ère apostolique, l'Église à ceux du dehors ; il se propose, au contraire, d'accomoder aux idées, aux préjugés, aux

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goûts, aux faiblesses, aux passions des dissidents, le symbole de l'Église et sa loi sainte. — En ajoutant, au mot catholicisme, l'épithète de libéral, les catholiques libéraux entendent certaine­ment dire quelque chose que le mot catholicisme tout seul n'ex­primerait pas suffisamment à leur gré : Ou ils veulent lui annexer quelque chose qui lui manque, ou ils veulent lui ôter quelque chose qui les gène : dans les deux cas, qu'ils le veuillent ou non, ils se posent en réformateurs du catholicisme. Il y a, dans leur prétention, un germe d'hérésie et une semence de schisme.

 

Dans son attitude actuelle, du moins en France, le catholicisme libéral est une transformation spontanée et adroite de l'ancien gallicanisme : ce que le gallicanisme était en théologie, le catho­licisme libéral l'est en politique : l'un et l'autre sont, dans l'Église, dans l'État, la doctrine de la révolte, la formule infinitésimale de l'anarchie. Mais si infime que soit la dilution, le poison y est plein d'affinité pour les poisons de toutes les autres erreurs et plein de réactifs contre la diffusion des saines doctrines.

 

Il serait facile d'établir la genèse de cette idée fausse ; mais, pour ne pas remonter plus haut, nous mettrons son berceau sous le règne de Louis-Philippe, lorsqu'on réclamait la liberté comme en Belgique. Sous Napoléon III, cette confusion de principes servit, contre l'Empire, dont elle exprimait d'ailleurs toutes les illusions, pour revendiquer les libertés constitutionnelles du parlementa­risme ; parmi les libéraux qui en faisaient usage, il y avait des catholiques de marque, et, pour accroître leurs forces, ils imagi­nèrent, en lui prêtant leurs idées puériles, de se faire, de l'Église, un bélier pour le combat. Aux congrès de Malines, la fraction catholique du libéralisme essaya vainement de faire prévaloir, sans les trop déterminer, ses théories de promiscuité doctrinale. A la veille du concile, le catholicisme libéral, par des trames sou­terraines et des allures factieuses, s'éleva avec force contre la définition éventuelle de l'infaillibilité pontificale : encore un peu,

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et comme après Bimini, la chrétienté se fut étonnée d'être devenue libérale sans le savoir. Depuis le concile du Vatican, cette erreur séditieuse est devenue, en Allemagne, une secte; en France, un parti politique ; en Italie, une intrigue et une tyrannie.

 

Par un tour habile, qui n'a pas été suffisamment remarqué, les esprits rétrogrades des gallicans, tous ralliés au catholicisme libé­ral, ont abandonné le terrain de la théologie, et leurs représen­tants les plus en évidence, prêtres ou laïques, sont devenus à peu près tous des hommes politiques, des préfets, des députés, des sénateurs, ... et, de plus en plus des sectaires.

 

Plusieurs d'entre eux ont rendu et rendent encore, à l'Église, des services plus éclatants que solides. Mais, à couvert sous leurs services, réels ou illusoires, ils propagent leurs fausses et funestes doctrines. Au milieu de ces mouvements, l'erreur est peu à peu sortie du vague ; elle a même, croyons-nous, suffisamment accusé ses contours, pour qu'il soit permis de la saisir, de la caractériser brièvement et de la frapper avec une décision victorieuse.

 

Il est vrai, si nous prêtons l'oreille aux clameurs des catholi­ques libéraux, tantôt, le catholicisme libéral n'existe pas ; tantôt il existe, mais aussi recommandable par l'intégrité de son ortho­doxie que par l'éclat de ses œuvres et la ferveur de son dévoue­ment.

 

D'un autre côté, si nous interprétons, comme les catholiques libéraux, les paroles de Pie IX, tantôt le pontife, d'après eux, n'a point parlé ; tantôt, s'il a parlé, ce n'est pas contre eux personnel­lement, mais dans un sent absolu, et, comme on dit vulgairement, pour ne rien dire.

 

   On a déjà fait observer que ces échappatoires rappelaient l'an­cienne stratégie du gallicanisme et du jansénisme. Nous avons pensé que, pour déjouer ces ruses et prévenir les effets de la séduction, il fallait imiter ce qui se fit alors si heureusement con­tre ces deux erreurs. Le jansénisme avait été ramené, par un

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docteur de Navarre, à cinq propositions ; le gallicanisme s'était réduit lui-même à quatre articles. Nous-croyons que toutes les déclamations  éloquentes si l'on veut, des catholiques libéraux, peuvent se condenser dans trois erreurs fondamentales, déjà con-damnées par le Syllabus, erreurs qui, dans le sens ou nous les pré­sentons, sont certainement contraires à la foi, constituent ce qu'on appelle en théologie une erreur dogmatique, appellent la réprobation de toute âme chrétienne et provoquent les foudres de la Chaire Apostolique.

 

Lorsqu'on touche à cas questions, les ennemis de la vérité essaient d'escamoter l’assiette du camp: ils crient à l'ancien régime ; ils excitent contre l'Église, la passion révolutionnaire; ou, incidentant sur les formes, ils adjurent qu'on les délivre enfin de l'injure et de la calomnie. Pour écarter ces frivoles subterfuges, nous décarrons mettre, ici, hors de cause, l'état des terres et l'état, des personnes, tels qu'ils existent en vertu du Code civil. De plus, nous laissons de côté les personnes, que nous estimons louables et dont les intentions sont droites. Nous n'avons certai­nement, en eux, niennemis, ni adversaires ; nous voyons simple­ment des frères qui s'égarent et qui en égarent d'autres. Éclaircir les idées, écarter les notions vagues et téméraires, ce n'est certai­nement pas une inspiration de haine. Nous ne voyons, dans l'es­pèce, que des doctrines, et c'est seulement la doctrine de vérité que nous voulons faire prévaloir.

 

Nous accusons donc les catholiques libéraux de trois erreurs dogmatiques :

1° Erreur, parce qu'ils acceptent l'esprit de la Révo­lution comme un ensemble de dispositions législatives qu'un Suger ou un Charlemagne aurait pu édicter ; 2° Erreur, parce qu'ils enferment l'Église et l'État dans des cercles juxtaposés, mais qui ne se touchent que par leur frontière ; 3° Erreur, parce que reconnaissant à l'État un droit constituant absolu, sans con­trôle ici-bas, ils le laissent maître de régler à sa guise les formes

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politiques et les conditions de la vie sociale, ou ne, tenant ancun compte du droit divin de la Chaire Apostolique.

 

Nos catholiques libéraux disent d’abord, qu'en mettant de côté les erreurs et les crimes, il» acceptent l'esprit généreux, ils proclament, comme les libéraux purs, le véritable esprit de la Révolu­tion. Les dispositions législatives, les principes sociaux, l'Islam de la Révolution avec ses libertés, ils les acceptent sans réticence. Les faits, ils peuvent les repousser, mais les  idées, ils les procla­ment, bien qu'elles en constituent le fond même . de l'antichristianisme et visent à remplacer l'Évangile. Cela se trouve dans leurs livres, dans leurs discours, et il ne serait pas difficile d'en admi­nistrer largement la preuve.

 

Les catholiques sans épithètes ne raisonnent pas ainsi. A leur avis, les excès et les crimes de la Révolution sont la conséquence nécessaire de ses principes. Ni dans ceux qui l'ont préparée, comme Voltaire et Rousseau ; ni dans ceux qui l'ont accomplie, comme Mirabeau, Robespierre, Barras, Napoléon; ni dans ceux qui en tirent les conséquences dernières, comme les radicaux et les communards, vous ne trouvez rien qu'un catholique puisse accepter sans forfaire à sa foi et blesser la conscience. La révolu­tion est beaucoup plus religieuse que politique ; ou plutôt, dans la politique, on ne poursuit que la religion, et une rage d'antichrisuanisme anime un parti nombreux à la subversion de toutes tes croyances. Dans son idée génératrice, la révolution est, avec toutes les passions de l'homme, surtout avec la cupidité, la sen­sualité et l'orgueil, un misérable compromis. Dans son évolution, elle n'a jamais su que tromper et corrompre, assassiner et voler. Depuis 89 jusqu'à présent, dans toutes les contrées du monde ou elle a pu agir, c'est la même prostitution impudente de raisonne­ment; c'est la même contrefaçon des principes de justice et de vertu. Aucun élément de bien n'y soulage l'œil de l'observateur ; c'est le plus haut degré de la corruption connue ; c'est l'essai, sur

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la terre, des projets de Satan. Dans l'ensemble, nous ne voyons qu'un crime, une insurrection diabolique contre la constitution de la société et l'institution surnaturelle de l'Église.

 

La naturalisme révolutionnaire est professé par deux écoles : l'une politique, parce qu'elle s'occupe davantage des formes de gouvernement ; l'autre socialiste, parce qu'elle s'attache plutôt à changer les conditions de la vie sociale. Dans les deux écoles, on préconise également les aberrations de l'orgueil humain dans ses révoltes contre la loi divine. Dans les deux écoles, le principe révolutionnaire se ramène toujours à ces deux points : l°Mettre les prétendus droits de l'homme, civilement, en dehors de l'auto­rité de Dieu ; 2* Organiser la Société de manière que le citoyen, affranchi de l'ordre surnaturel et soustrait à l'Église, vive à son gré et sans faute morale, quoi qu'il fasse. D'après ce système, la société civile forme tout l'ordre des institutions humaines; la religion est affaire privée ; le Pape et les évêques, comme corps d'institution divine, en droit, n'existent, pour l'État, qu'autant qu'il lui plait de le souffrir.

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