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Avant‑propos
------- le premier livre de Romano Guardini, “L'esprit de la liturgie» (Vont Geist der Liturgie). Paru à Pâques 1918, --------- peut être considéré comme le point de départ du Mouvement liturgique en Allemagne.
--------- on réapprit à voir dans la liturgie la prière de l'Église, mue et dirigée par le Saint‑Esprit lui-même, prière dans laquelle le Christ nous est rendu présent, de façon constante et renouvelée, et par laquelle il entre dans notre vie.
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Chapitre un
La place de la liturgie dans la vie humaine
-------- La liturgie et le jeu ----- nous sortent d'un univers centré sur l'efficacité et les résultats, pour nous ouvrir à un monde sans autre finalité que lui‑même.
Nous arrachant pendant quelques instants aux préoccupations de notre vie, ils nous proposent un ailleurs, une oasis de liberté, où il nous est permis, un bref instant, de laisser sans pression et sans contrainte couler notre existence ‑ une évasion bienvenue de notre quotidien et de son poids.
----- la liturgie -------- est bien le lieu d'une autre réalité, d'un “ailleurs», d'un espace de liberté. ---------
------ l'activité ludique de l'enfant. ----------- apparaît comme une anticipation, un exercice préparatoire à la vie adulte, sans le poids
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ni la gravité de celle‑ci.
Envisagée ainsi, la liturgie nous rappellerait que, face à cette vie autre vers laquelle nous tendons, nous restons tous des enfants, ou en tout cas devrions le rester.
Car la liturgie ------- est le prélude à la vie future, à la vie éternelle, dont saint Augustin disait qu'elle n'était plus faite, telle notre vie ici‑bas, de besoins et de nécessités, mais de la liberté de l'offrande et du don.
La liturgie, en suscitant en nous un authentique esprit d'enfance, une réceptivité à cette grandeur à venir qui n'est pas accomplie dans la vie adulte, serait la forme concrète de l'espérance qui, par anticipation, vit déjà la vie véritable ‑ vie de liberté, d'union intime avec Dieu et d'ouverture à l'autre.
Elle marquerait ainsi notre existence quotidienne, en apparence si "réelle", du signe annonciateur de notre future liberté et, traversant nos barrières et nos contraintes, ferait déjà briller la lumière du ciel sur la terre.
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Plongeons‑nous d'abord dans le contexte de l'Exode et examinons les raisons qui motivent la sortie d'Égypte. -------- Laisse partir mon peuple, qu'il me rende un culte dans le désert (Ex 7, 16), ----------
Moïse exige que tout le bétail les suive, nos troupeaux, eux aussi, nous accompagneront, et pas une tête ne restera ici, car c'est de nos troupeaux qu'il nous faudra pourvoir au culte de Yahvé, notre Dieu; et nous‑mêmes, jusqu'à notre arrivée là‑bas, nous ne saurons quel culte lui rendre. (10, 26.)
Ce "bras de fer”--------fait apparaître surtout que la manière dont le culte doit être rendu n'est pas matière à compromis: la liturgie tire sa mesure et son ordonnance de Dieu même et de sa révélation.
-------- Ainsi Israel se met en route, non pour devenir un peuple
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comme les autres, mais pour servir et adorer Dieu. ------- si la terre est donnée, c'est pour devenir un lieu où adorer le Vrai Dieu.
La seule possession du sol, la simple autonomie nationale abaisserait Israel au rang de tous les autres peuples. Viser un tel but serait méconnaître le statut d'exception du peuple élu. ------
le sol en tant que tel reste un bien indéterminé, qui ne deviendra don véritable, fruit réel de la promesse, que si Dieu y règne. Alors la terre promise, bien plus qu'un État autonome, sera cet espace d'obéissance où l'existence humaine peut s'épanouir conformément au dessein et à la volonté de Dieu.
--------- enfin les enfants d'Israël atteignirent le désert du Sinai (Ex 19, 1). Là, au troisième jour, Dieu descend sur le sommet de la montagne (19, 16‑20), parle à son peuple, lui révèle sa volonté dans les dix commandements (20, 1‑17) puis, à travers Moïse, fait alliance avec lui (Ex 24).
Le but du cheminement dans le désert, tel qu'il a été présenté au Pharaon, est atteint: Israel a appris à adorer Dieu de la façon voulue par Lui. -------- la vie en conformité à la volonté de Dieu en fait également partie et en est l'indispensable composante.
En effet le peuple, au Sinai, ------- reçoit ----------- un ensemble très complet de règles légales et éthiques. Ce sera la « Loi», qui fera d'Israël un peuple à part entière.
Sans un fondement légal commun qui le garantit de l'anarchie, un peuple en effet ne peut exister, car une vie sans loi équivaut à une vie sans liberté.
En liant intimement les trois composantes culte, loi et éthique, le règlement de l'alliance du Sinai manifeste une relation essentielle et indispensable entre ces trois ordres.
Une justice sans morale devient injustice; de même qu'une morale et une justice qui ne font pas référence à Dieu dégradent l'homme, parce qu'elles le privent de sa mesure la plus exigeante, de ses possibilités les plus hautes, en lui barrant le regard sur l'infini et l'éternel.
Cette apparente libération soumet l'homme à la dictature des majorités régnantes, à des mesures humaines arbitraires, qui finalement ne peuvent que lui faire violence.