La foi chrétienne hier et aujourd’hui 119

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   Contrairement à cette interprétation, nous devons affirmer que primitivement il ne s'agissait pas de deux conceptions complémentaires; nous nous trouvons plutôt devant deux représentations générales différentes, que l'on ne saurait additionner purement et simplement.

 

L'image de l'homme, l'image de Dieu et l'image de l'avenir est chaque fois totalement différente, de sorte que l'on peut considérer chacune de ces conceptions comme un essai de réponse totale à la question de la destinée humaine.

 

La conception grecque est fondée sur cette représentation que dans l'homme deux substances, de soi étrangères l'une à l'autre, sont réunies, dont l'une (le corps) se décompose, alors que l'autre (l'âme) est de soi immortelle et continue de ce fait à subsister par elle‑même, indépendamment de tout autre être.

 

Et c'est même en se séparant du corps, étranger à sa nature, que l'âme arrive à réaliser pleinement son être propre.

 

A l'opposé, la pensée biblique présuppose l'unité de l'homme; l'Écriture, par exemple, ne connaît aucun mot qui ne désignerait que le corps (séparé et distinct de l'âme), et inversement, le mot âme signifie le plus souvent l'homme tout entier avec le corps; les quelques passages où semble se dessiner une autre vision des choses, oscillent entre la pensée grecque et la pensée hébraïque, sans renier pour autant l'ancienne conception.

 

La résurrection des morts (non des corps!) dont parle l'Écriture, concerne le salut de l'homme tout entier et non le destin d'une moitié (peut‑être même secondaire) de l'homme.

 

Il est donc clair que l'essence de la foi en la résurrection ne consiste pas dans l'idée d'une restitution des corps, telle que nous l'imaginons habituellement; cela reste vrai même si la Bible se sert couramment de cette représentation imagée.

 

Mais alors, quel est le véritable contenu de l'espérance annoncée aux hommes à travers l'expression mystérieuse de résurrection des morts ?

 

Le meilleur moyen pour dégager ce contenu, c'est, me semble‑t‑il, de l'opposer à la conception dualiste de la philosophie antique:

 

   1) L’idée d’immortalité que la Bible exprime par le mot de résurrection, vise à une immortalaité de la personne, de l’être un, qu’est l’homme. Alors que dans la pensée grecque, l’être

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p253 « LA RESURRECTION DE LA CHAIR »

 

typique “homme » est un produit voué à la décomposition, qui ne saurait survivre en tant que tel, et qui, de par sa composition hétérogène de corps et d'âme, suit deux voies différentes; dans la pensée biblique, c'est précisément cet être d'homme qui continue à subsister en tant que tel, bien qu'il soit transformé.

 

   2) Il s'agit d'une immortalité de caractère «dialogique » ( = ressusciter!); cela veut dire que l'immortalité ne résulte pas simplement d'une non‑possibilité naturelle de mort, propre à l'être indivisible; elle provient de l'action salvifique de quelqu'un qui nous aime et qui a la puissance nécessaire: si l'homme ne peut plus être totalement anéanti, c'est parce qu'il est connu et aimé de Dieu.

 

S'il est vrai que tout amour veut l'éternité, l'amour de Dieu va bien plus loin; non seulement il veut l'éternité, mais il la réalise et il l'est lui‑même.

 

De fait, l'idée biblique de résurrection procède directement de ce thème «dialogique»: l'homme qui prie sait, dans la foi, que Dieu rétablira le droit (Jb 19, 25ss; Ps 73,23 ss); le croyant est convaincu que ceux qui ont souffert pour la cause de Dieu, auront aussi part à la récompense promise (2 M 7, 9 ss).

 

L'immortalité décrite par la Bible ne procède donc pas de la puissance propre d'un être qui serait par lui‑même indestructible, mais provient du fait que cet être est assumé, introduit dans le dialogue avec le Créateur; et c'est pour cette raison qu'elle s'appelle nécessairement résurrection.

 

Parce que le Créateur a en vue non pas seulement l'âme, mais l'homme tout entier, qui se réalise au milieu de la corporalité de l'histoire, parce que c'est à l'homme tout entier que le Créateur donne l'immortalité, cette dernière s'appelle nécessairement résurrection des morts = des hommes.

 

Il faut noter ici que dans la formule de notre Symbole, où il est question de « résurrection de la chair”, le mot « chair” lui aussi est synonyme de “monde des hommes” (dans le sens des expressions bibliques comme:

“toute chair verra le salut de Dieu”, etc.); ici non plus, le mot n'est pas pris au sens d'une corporalité isolée de l'âme.

 

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