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Mais alors, la résurrection n'a‑t‑elle donc aucun rapport avec la matière? Et le dernier jour” devient‑il sans objet, si la vie nous arrive continuellement par l'appel de Dieu?
Nous avons, au fond, déjà répondu à cette dernière question par nos réflexions sur le retour du Christ. Si le cosmos est de l'histoire, et si la matière représente un moment dans l'histoire de l'esprit, alors il n'y a pas une juxtaposition neutre et éternelle de la matière et de l'esprit, mais une “complexité” ultime, dans laquelle le monde trouvera son Oméga et son unité.
Alors il y a une connexion ultime entre la matière et l'esprit, dans laquelle la destinée de l'homme et du monde trouve son accomplissement, même s'il ne nous est pas possible aujourd'hui de définir le mode de cette connexion.
Alors il y a un « dernier jour” où la destinée de chaque homme particulier trouve
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p260 L'ESPRIT ET L'ÉGLISE
son accomplissement, parce que la destinée de toute l'humanité est accomplie.
Le but du chrétien, ce n'est pas une béatitude privée, mais la totalité. Il croit en Jésus‑Christ, et pour cette raison il croit à l'avenir du monde, non pas seulement à son avenir personnel. Il sait que cet avenir est au‑delà de ce qu'il peut réaliser lui‑même. Il sait qu'il y a un Sens qu'il est incapable de détruire.
Doit‑il pour autant rester les bras croisés ? Au contraire, parce qu'il sait qu'il y a un Sens, il peut et doit collaborer joyeusement et courageusement à l'oeuvre de l'histoire, même si de son point de vue limité, il a le sentiment que tout cela reste un travail de Sisyphe, et que l'on ne fait pas autre chose que pousser le rocher de la destinée humaine vers le haut, toujours à nouveau, de génération en génération, pour le voir de même glisser toujours à nouveau vers le bas et réduire à néant tous les efforts antérieurs.
Le croyant sait que notre histoire «avance » vers un point et n'est pas un éternel recommencement. Le croyant sait que l'histoire ne ressemble pas à la toile de Pénélope, tissée toujours à nouveau pour être toujours à nouveau défaite.
Peut‑être le chrétien connaîtra‑t‑il lui aussi les affres de la peur devant l'inutilité et la vanité, ce cauchemar où le monde pré‑chrétien a puisé ses images émouvantes de la peur devant l'inefficacité de l'activité humaine.
Mais au milieu de son cauchemar, le chrétien entend la voix libératrice de la réalité: “Gardez courage, j'ai vaincu le monde » (Jn 16, 33). Le monde nouveau, dont l'évocation, sous les traits de la Jérusalem definitive, clôt la Bible, n'est pas une utopie, mais une certitude vers laquelle nous avançons dans la foi.
Il y a une rédemption du monde, voilà l'assurance qui porte le chrétien et qui fait encore aujourd'hui tout le prix de la foi chrétienne.