Darras tome 15 p. 110
I. Notice du Liber Pontiiicalis.
1. « Pelage, né à Rome, dit le Liber
Pontificaiis, était fils de Vinigild. Il siégea dix ans, deux mois, dix
jours. Son ordination eut lieu sans la ratification impériale, parce que les Lombards tenaient Rome
assiégée. Les dévastations qu'ils commettaient en Italie furent effroyables. A ce fléau se joignit celui d'inondations et de
pluies torrentielles, qui faisaient dire : Le temps du déluge est revenu.
Pelage fit couvrir de lames d'argent doré la confession du bienheureux apôtre Pierre. Il convertit sa maison en un hospice (ptochium) pour
les pauvres et les vieillards. Il restaura la cata-
combe du bienheureux martyr Hermès. Il édifia la basilique du bienheureux
martyr Laurent, et revêtit sa châsse de lames d'argent. Pélage II mourut le 7 février 589, et fut
enseveli à Saint-Pierre. En deux ordinations, au mois de décembre, il consacra vingt-huit
prêtres, sept diacres et quarante-huit évêques destinés
à diverses églises. Après lui, le siège épiscopal demeura vacant six mois et vingt-cinq jours 1. »
2. La notice officielle constate, on le voit, avec un soin particulier, l'absence de toute ratification préalable par l'empereur de Constantinople ou par l'exarque de Ravenne, dans l'ordination dunouveau pontife. Le blocus de Rome par les Lombards était tellement rigoureux, que toutes les voies de communication, soit avecle nord de l'Italie, soit avec la mer, étaient fermées. Il semble que l'occasion eût été favorable pour revendiquer le principe de la liberté d'élection; mais l'Église romaine avait dès lors et n'a jamais cessé de conserver une politique bien différente. Elle place le droit au-dessus des accidents humains, et n'estimerait pas digne d'elle
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1 Lib. Pontif., Pelagius II; Notitia lxv; Pair, lat., tom. CXXVI11, col. 638.
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p111 CHAP. III. — notice du liber tontificalis.
de tirer profit au jour le jour, comme les diplomates vulgaires, de ce qu'on appelle les événements de force majeure. L'immixtion du pouvoir civil dans l'élection pontificale était une usurpation d'un roi goth, reprise par bénéfice de conquête à l'époque de Justinien, et jalousement maintenue comme un privilège inaliénable par les empereurs byzantins. L'heure devait venir où le pouvoir civil lui-même reconnaîtrait l'injustice de cet abus, et y renoncerait le premier. Jusque-là Rome, qui est patiente parce qu'elle a les promesses d'immortalité, sut attendre et respecter une sorte de concordat que la violence au début lui avait imposé, mais qui formait en définitive une garantie d'union entre les deux puissances. Voilà pourquoi, suivant la judicieuse remarque de Bianchini, le clergé romain, au lieu de précipiter l'ordination du successeur élu de saint Benoît II, laissa écouler un intervalle de trois mois et demi 1, délai qui parut suffisant pour que l'impossibilité de transmettre un message à Ravenne ou à Constantinople fût bien constatée 2. Nous ignorons le détail des négociations qui s'établirent entre le nouveau pontife et les ducs lombards, dans le but de dégager la ville de Rome du siège dont elle souffrait les rigueurs depuis trois ans. Tous les renseignements nous font défaut sur cette époque si agitée de l'histoire d'Italie. « Les chroniques contemporaines, s'il en a existé aucune, dit Muratori, sont ensevelies pour nous dans un éternel silence 3. » ###………Il est certain cependant que Pélage II réussit, dès les premiers mois de son pontificat, à éloigner de Rome l'armée barbare qui l'environnait, et à rétablir des communications régulières avec Constantinople et les autres provinces du monde catholique. Sans doute ce fut encore à prix d'argent, et peut-être par l'intervention du diacre Grégoire, que cet heureux succès put être obtenu. Du moins, dès le commencement de l'année 379, Grégoire lui-même était envoyé à Constantinople
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en qualité d'apocrisiaire du saint-siége, et le pape reprenait avec les diverses églises de la chrétienté une correspondance forcément interrompue sous le pontificat précédent.