Constantin 14

Darras tome p p. 153

 

  26. Tel est ce curieux extrait des Actes de saint Artémius. On remarquera que la mort de Fausta,  considérée par le païen Zozime amme un forfait gratuit, commis uniquement pour apaiser la douleur de sainte Hélène, nous est représentée ici comme le juste châtiment d'une marâtre dont les intrigues avait fait ré-  

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Rolland., Act. tanct., 20 octobr.

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pandre le sang innocent de Crispus. Telle fut en effet la véritable cause de cette tragédie domestique, qui plongea toute la famille impériale dans la désolation et le deuil. Fausta voyait dans Crispus un obstacle pour ses propres enfants. Elle craignit que Constantin ne fît un jour, pour ce jeune prince, ce que Constance-Chlore avait fait pour lui-même en lui laissant l'empire à l'exclusion de ses frères puînés. La fille de Maximien Hercule était restée païenne par le cœur. Un tel sang ne pouvait se démentir. Quelle qu'ait été la fable dont elle se servit près de son époux, il est certain qu'elle réussit à assouvir ses instincts de jalousie et de vengeance. Il est certain, de plus, que la mort de Crispus ne fut point isolée. Eutrope nous atteste qu'un grand nombre d'innocents furent frappés à cette époque : innumeros quoque amicos tunc esse

interfectos a Constantino 1. On conçoit dès lors que le pape Sylvestre, menacé par cette révolution de palais, ait dû quitter Rome, où ses relations antérieures avec le César chrétien, Crispus, étaient notoires. Ainsi, de ces données, incomplètes sans doute mais cependant fort significatives, résultent clairement la justification du texte si longtemps incompris du Liber Pontificalis et la possibilité d'une persécution momentanée sous le règne de Constantin. La chute de David se retrouve donc dans la vie du premier empereur chrétien ; mais l'un et l'autre de ces deux princes sut se relever d'un instant de faiblesse par une glorieuse pénitence. C'est à cette époque que se place chronologiquement le baptême de Constantin à Rome. Nous avons longuement examiné la controverse soulevée à ce sujet, dans une dissertation précédente. Bourrelé de remords, ayant rompu avec les enseignements de la foi chrétienne, le malheu-reux prince fut atteint de cette horrible maladie, l'éléphantiasis, dont il avait peut-être pris le germe durant son expédition en Orient. Le païen Zozime nous le montre consultant tous les flamines et les vates, leur demandant des eaux lustrales assez efficaces pour le pu-rifier. Moïse de Corène nous apprend qu'il s'adressa officiellement au roi d'Arménie, Tiridate, et le pria de lui envoyer les mages les plus célèbres de ce pays. Les Actes de saint Sylvestre enfin articulent

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1. Eutrop., lib. X.

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nettement les mêmes faits. Ce que ne purent ni les ressources de l'art, ni les conjurations démoniaques, la grâce du sacrement de régénération devait le produire. Au palais du Latran, un baptistère fut disposé, avec une splendeur inouïe, pour cette solennité imposante. Les protestations du paganisme aux abois ne manquèrent pas de se faire entendre.                              

 

27. Dans un conseil où il avait réuni les hommes les plus instruits et les plus considérables des deux cultes, Constantin exposa sa résolution d'embrasser le christianisme et demanda si l'on avait des objections à y faire. Le philosophe Maxime, qui faisait partie de l'assemblée, se leva et dit :   « Seigneur, si vous vous déclarez chrétien, tout l'empire le sera. Mais comptez que vous allez ouvrir la porte à toutes les nouveautés. Qui change une fois de religion s'expose à en changer toujours. Je n'examine pas quelle croyance est la vraie. L'ordre de l'état est dans la fixité. Les princes vos prédécesseurs n'ont point eu d'autre principe de conduite. S'ils ont persécuté la religion du Christ, on ne peut l'imputer à un sentiment de cruauté naturelle, puisque plusieurs ont fait paraître une bonté presque divine. Ils ont craint, Seigneur, les conséquences désastreuses d'un tel changement. Par quelle raison les craindriez-vous moins aujourd'hui? — Constantin répondit au philosophe : Je ne les crains pas en effet. Voici pourquoi. Ce changement n'est pas mon ouvrage; il n'est pas le fait d'une puissance ou d'une volonté souveraine, mais celui du temps et de la raison. N'est-ce pas une raison supérieure qui seule a pu faire triompher une religion vouée depuis trois siècles à l'opprobre et aux tourments? Par quelle merveille les efforts de tant d'empereurs, qui ont travaillé à la détruire, n'ont-ils abouti qu'à la propager davantage? Comment ne pas reconnaître ici la marque d'un ascendant surnaturel, qui s'est imposé à l'esprit humain ? Vous redoutez les conséquences politiques de cette transformation! Mais Rome a-t-elle manifesté de telles craintes, lorsqu'elle a reçu indifféremment dans son sein les dieux de toutes les contrées de l'univers? Prenez garde qu'il n'y ait dans ce sentiment plus de haine préconçue contre le christianisme que d'aversion sincère pour l'inconstance? Dans l'agi-

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tation présente des esprits, lorsque l'empire est à chaque instant menacé par les barbares, je dois songer à pourvoir au salut de la société. Et quel autre moyen que d'établir cette fixité de l'ordre, dont vous parlez, sur une règle inviolable? Cette règle nous est offerte par la religion du Christ, laquelle gouverne les hommes par les décisions d'une autorité infaillible. — Quoi ! Seigneur, dit le philosophe, vous croyez à des gens qui se disent infaillibles ! —Et pourquoi, Maxime, ne le ferais-je pas, si l'ordre et la société le de-mandent? — Mais la dignité humaine, l'honneur, la raison, la philosophie, se révoltent également contre un pareil joug ! — Ce n'est, dit l'empereur, ni votre opinion, ni la mienne, qui importe au genre humain. Ce qu'il demande, Maxime, c'est l'ordre et la paix. Si l'on voulait consulter l'opinion et le libre arbitre de tous les hommes, quelle tranquillité trouverait-on sur la terre ? Une religion où il n'y a qu'à se soumettre termine toutes les disputes. Il est digne de la bonté céleste d'avoir imposé à la race humaine un joug si salutaire, et il faut que sa nécessité se fasse bien profondément sentir à tous les esprits, puisqu'ils semblent voler au devant de ce joug, L’infaillibilité qui vous révolte est un caractère essentiellement divin. S'il y a une religion vraie dans le monde, il ne suffit pas qu'elle enseigne la vertu, il faut qu'elle l'enseigne avec une autorité infaillible : autrement rien ne subsistera. Car faites attention, Maxime, que s'il a plu à l'Éternel d'apprendre aux hommes certaines vérités propres à les conduire, cet enseignement, qu'on appelle religion, doit convenir à tous les esprits. Il doit être à la portée de l'ignorance et du savoir, de la faiblesse et de la force, de la maladie et de la santé. Il doit donc prévenir toutes les erreurs, en dispensant de toutes les recherches. Mais quel moyen peut remplir ces conditions, si ce n'est une autorité infaillible1

 

   28. L'opposition qui se manifestait au sein du conseil impérial ne se restreignait pas à la fraction assez minime des philosophes païens. Elle avait des racines dans tout le corps sacerdotal, dans tous les temples idolâtriques; elle comptait au sénat de nombreux soutiens.

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1. Act. S. Sylvestri.

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Constantin passa outre. Déjà le pape saint Sylvestre, retiré avec quelques prêtres dans une grotte du mont Soracte, aujourd’ui monte Orestio, avait vu sa retraite environnée par une troupe de  soldats qui escaladaient les rochers pour pénétrer jusqu'à lui. Le saint pontife crut que l'heure du martyre avait sonné. Se tournant vers ses clercs : Voici, leur dit-il, le temps de la grâce : voici le jour du salut! —Il se présenta donc aux soldats qui l'emmenèrent à Rome et le conduisirent, avec ses trois prêtres et ses deux diacres, au palais de l'empereur. Admis en présence de Constan-tin, le pontife le salua ainsi : Que la paix et la victoire, filles du ciel, accompagnent toujours Votre Majesté! — L'empereur l'accueillit avec un sourire plein d'allégresse et de bienveillance. Il lui raconta la vision qu'il avait eue la nuit précédente; lui dépeignit les deux célestes personnages qui lui étaient apparus et lui avaient commandé de recevoir le baptême. Connaissez-vous ces dieux? ajouta-t-il. — Ce ne sont point des dieux, répondit Sylvestre. Ces sont les deux apôtres Pierre et Paul, choisis par le Christ pour fonder son église. — Avez-vous leur portrait? demanda l'empereur. Je verrai si l'image que vous m'en montrerez ressemble à celle qui m'est apparue. — Le saint pontife envoya un de ses diacres chercher l'image des saints apôtres. Quand elle fut présentée à Constantin, il s'écria : Voilà bien les deux personnages qui me sont apparus! Désormais je ne veux plus différer; qu'on prépare tout pour mon baptême 1. » Saint Sylvestre lui recommanda de se préparer à la cérémonie sainte par une retraite de sept jours, pendant laquelle il se livrerait au jeûne, à la méditation et à la prière. L'infirmité dont il était atteint ne lui permettant point d'accomplir en public cet acte solennel, l'un des vestibules du palais de Latran, celui-là même qui fut depuis connu sous le nom de Lavacrum Constantinianum, fut disposé à cet effet. Au jour fixé, Constantin, plus grand dans sa pénitence qu'il ne l'avait été dans

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1. Act. S. Sylvestri. Ce passage des Actes de saint Sylvestre est cité, comme une preuve du culte traditionnel rendu aux images des saints, par le pape Adrien I, dans une lettre à l'empereur Iconoclaste Constantin Copronyme (774). (Pair. lat., tom. XCVI, col. 1220.)

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ses victoires, s'inclina humblement sous la main du pontife, et se plongea dans le bain salutaire. Ses proches et ses familiers les plus intimes étaient seuls présents. Sainte Hélène, la bienheureuse mère, versait des larmes de joie et remerciait Dieu de l'avoir réservée à un tel bonheur. Au moment où le pontife prononça les paroles sacramentelles, l'affreuse lèpre qui couvrait le corps de l'empereur disparut. Comme autrefois Naaman sortant des eaux du Jourdain, Constantin sortit de la piscine sacrée complètement guéri. Dès lors sa reconnaissance pour le Christ Sauveur éclata en manifestations solennelles. C'est à partir le cette époque qu'il fit construire les basiliques du Latran, celles de Saint-Pierre et de Saint-Paul, et les autres dont le Liber Pontiflcalis nous a laissé l'énumération. Mais il ne suffisait pas à sa piété d'ériger en l'honneur de Jésus-Christ des pierres muettes et de stériles colonnades; il voulait compléter par des pierres vivantes l'édifice spirituel de l'Eglise. Dans ce but, une assemblée du sénat et du peuple fut indiquée par lui, au palais Ulpien. Voici comment Mgr Gerbet, abrégeant le récit des Actes de saint Sylvestre, a raconté cette scène imposante. « En visitant aujourd'hui la place Trajane et ses antiquités, dit-il, la plupart des voyageurs n'y cherchent que les souvenirs de ses grandeurs païennes. Dans l'espace occupé actuellement par un des quartiers voisins, leur imagination fait réapparaître le forum de Trajan, ses trophées, son arc de triomphe. Avec les débris épars au milieu de la place, ils reconstruisent le célèbre palais Ulpien ; ils relèvent, à côté de la colonne, les deux bibliothèques riches des travaux de la paix, situées à l'ombre du monument de la guerre. Mais on oublie trop souvent qu'un grand souvenir de l'histoire du christianisme est attaché à cette place. C'est là en effet que Constantin convoqua une assemblée du peuple romain. L'empereur se plaça dans l'abside, sur le siège du magistrat, et fît entendre une des proclamations les plus solennelles dont l'histoire ait conservé le texte, celle qui annonça officiellement les funérailles du monde païen et le couronnement chrétien du monde nouveau. «Les funestes divisions des esprits ne peuvent, dit-il, avoir une heureuse fin, tant que le rayon de la pure lumière, tant que la

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doctrine de vérité n'aura point éclairé ceux qui languissent encore dans les ténèbres de l'ignorance. Il faut donc ouvrir enfin les yeux de l'âme et reconnaître, après mûr examen, que les dieux si longtemps adorés ne méritent ni ce nom auguste, ni le culte qu'on leur a rendu. Renonçons à cette superstition que l'ignorance a enfantée et que la déraison a nourrie. Que le Seigneur, l'unique et seul Dieu véritable qui régne dans les cieux, soit le seul adoré. Quant à moi, je déclare que, par la grâce du Christ notre Dieu, j'ai déjà abjuré l'idolâtrie. Voici maintenant l'exposé de ma volonté impériale. A l'avenir, les pontifes de la loi chrétienne jouiront de tous les privilèges qui avaient été conférés aux prêtres des temples idolâtriques. De plus, pour mieux attester à la face de l'univers que j'ai solennellement embrassé le culte du Christ, Dieu véritable, j'ai résolu d'élever en son honneur une église dans l'enceinte même du palais de Latran. Il sera ainsi prouvé au monde que nul vestige des erreurs passées, aucun doute, aucune hésitation, ne restent plus au fond de mon cœur. » — Le spectacle que présenta l'assemblée pendant ce discours se devine aisément. Auprès de l'abside étaient rangés les sénateurs, qui presque tous étaient encore attachés à la vieille religion. Constantin n'apercevait à ses côtés que des attitudes mornes, des fronts couverts d'un nuage; comme si la colonne Trajane fût tombée pendant qu'il parlait. Il y avait aussi un certain nombre de païens, dans la foule qui remplissait l'intérieur et les avenues du palais. Mais l'immense majorité était chrétienne ; elle soutenait de ses regards sympathiques chacune des paroles de son auguste tribun. A peine eut-il prononcé le der-nier mot de sa harangue que la voix du peuple éclata et fit entendre, durant l'espace de presque deux heures, ces acclamations : Malheur à ceux qui nient le Christ ! Le Dieu des chrétiens est le seul vrai Dieu ! Qu'on ferme les temples et qu'on ouvre les églises chrétiennes ! — Pendant que le peuple proférait ces cris, son émotion croissait comme une marée montante et les clameurs prenaient un caractère de plus en plus menaçant pour les païens. — Ceux qui n'honorent pas le Christ sont les ennemis des Augustes ! Ils sont les ennemis des Romains ! Le Dieu qui a guéri l'empereur est le

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seul Dieu véritable! Un adorateur du Christ est invincible! — Ces exclamations retombaient particulièrement sur la tête des sénateurs, que le peuple voyait en face de lui, revêtus des insignes d'une autorité qui s'obstinait à rester païenne et qui pouvait redevenir persécutrice. Leur tristesse hostile, qui se plaçait entre la piété de l'empereur et la joie des chrétiens, n'était pas propre à calmer les esprits. Le flot de l'effervescence populaire monta encore. Aux imputations générales succéda la demande formelle de proscription. — Qu'on bannisse de Rome les prêtres des idoles ! Qu'on expulse tous les sacrificateurs ! Ordonnez qu'ils sortent aujourd'hui même ! — De pareilles menaces servaient et dépassaient les intentions de Constantin. Il était bien aise que l'opposition anti-chrétienne, représentée parle sénat, fût intimidée par quelque démonstration formidable : mais il ne voulait nullement se prêter aux mesures rigoureuses réclamées par les derniers cris qui venaient de faire trembler les voûtes du palais. Dès qu'il les eut entendus, il commanda le silence et reprit la parole en ces termes : « Il y a cette différence, entre le service de Dieu et le ser-vice des hommes, que le second est forcé et le premier est volontaire. Dieu étant honoré par l'intelligence et par une sincère affection, son culte est essentiellement libre et spontané. Ce n'est point par la crainte du pouvoir humain qu'il faut être poussé au culte de Dieu ; mais il faut, après de sages réflexions, demander de son propre mouvement à être admis dans les rangs des chrétiens, par ceux qui sont les ministres de leur très-sainte foi. Ne pas accorder cette admission à ceux qui la sollicitent serait un crime; l'imposer à ceux qui ne la demandent point serait une iniquité. Telle est pour nous la règle de vérité et de justice. Que ceux qui refuseraient de devenir chrétiens ne craignent pas de perdre pour cela nos bonnes grâces. Si nous désirons qu'ils nous imitent dans notre pieuse démarche, c'est un désir plein de douceur. Il me suffit de déclarer solennellement que je me tiendrai uni par les liens d'une étroite amitié avec tous ceux qui embrasseront spontanément le christianisme. » — En prononçant ce discours, Constantin fut assurément une des figures les plus majestueuses que l'histoire puisse peindre. L'ex-

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pression de calme et de sérénité que sa physionomie dut prendre, contrastait avec le silence morne des sénateurs et l'allégresse ardente du peuple. Mais ses paroles encourageaient les espérances des vainqueurs, tout en rassurant les vaincus. Leur effet fut subit et universel. Chrétiens et païens se mirent à louer les sages résolutions de l'empereur, lui souhaitèrent une longue vie; et l'assemblée se sépara pacifiquement. Il retourna à son palais de Latran, suivi d'un nombreux cortège, comme c'était l'usage dans les circonstances solennelles où l'enthousiasme populaire était excité. Le chemin qui conduisait du palais Ulpien à la résidence impériale passait entre le Colysée et les thermes de Titus ; c'était à peu près le même que nous suivons encore aujourd'hui. Les rues furent illuminées; toute la ville, disent les Actes, eut une couronne de cierges et de lampes1. »

 

V. Donation de Constantin.

 

   29. « Or, ajoutent les Actes de saint Sylvestre, le quatrième jour après son baptême, l'empereur Constantin conféra au pontife de l'Église romaine le privilège qui constituait celui-ci le juge-roi du monde soumis à son empire. » — Nous avons encore le texte de L'édit publié par Constantin lui-même. Il est daté du III des calendes d'avril (30 mars), sous le consulat de Constantin IV et Gallicanus (329). Cette pièce fameuse, si connue sous le nom de donation de Constantin, se trouve annexée aux Actes du concile tenu à Rome par saint Sylvestre, en cette même année. On connaît les discussions auxquelles elle a donné lieu. On sait que, depuis près de deux siècles, le monde savant s'est montré fort hostile vis à vis de ce document qu'on est habitué à ranger parmi les apocryphes. La Civilta cattolica elle-même s'exprime à ce sujet avec la rigueur la plus absolue. Voici ses paroles : « La donation de Constantin qui se lit dans les fausses décrétates de Mercator, sous les titres divers d'edictum,  ou constitutum,

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Ad. S. Sylveslri. M«r Geibet, Esquisse de Rome cJtrétienne, tom. I, pag. 260

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ou privilegium Constantini, est une pièce entièrement controuvée. C'est là un fait constaté depuis longtemps et acquis à la science comme irrévocable. Nous ne pensons pas qu'il se puisse trouver un homme de bon sens qui voulût reprendre en sous-œuvre la défense de la donation 1. » M. Dôllinger est absolument du même avis 3. Seulement il n'hésite point à attribuer la supposition et l'invention de cette pièce à l'ambition du clergé romain. Indubitablement, dit-il, la donation Constantinienne fut fabriquée à Rome par un membre du clergé de cette ville, dans le dernier tiers du VIIIe siècle, et probablement de 732 à 774, avec l'intention, d'une part, de favoriser le dessein prémédité par les papes d'étendre leur domination à l'Italie tout entière, et de l'autre, d'obtenir de nouveaux privilèges pour le clergé romain, en s'appuyant sur une base légale telle que l'édit de Constantin. Ce but accessoire fut en fait heureusement réalisé par cette pieuse fraude! L'accusation portée ici par le docte allemand contre l'ambition du clergé romain déplaît à la Civilta cattolica. C'est un débat à vider entre les deux parties. La question de fond reste la même. Quoi qu'en dise la Civilta cattolica, il s'est trouvé des érudits « qui ne manquent point de bon sens, » lesquels ont naguère protesté contre le jugement « irrévocable » qui condamnait la donation de Constantin aux gémonies de l'histoire. Il nous faut donc à notre tour étudier impartialement cette grande controverse, et en faire connaître exactement le résultat.

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon