Le Syllabus 2

Darras tome 42 p. 38

 

14. Le Pape fit, à l'Évêque, plus d'honneur qu'il n'en atten­dait. Pie IX, qui était attaché à la France, par le fond des en­trailles, lisait volontiers, à ses moments de loisir, les mande­ments des évêques français, surtout les mandements de Plantier, de Pie et de plusieurs autres. La pastorale de Gerbet fit impres­sion sur son esprit; il admira ce mode bref de réfutation par

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(1) Gerbet : Institution pastorale, p. 6 et 15.

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p39  §   II.   —   LE SYLLABES 

 

une condamnation d'autorité. En parcourant l'histoire moderne, il pouvait se rappeler que Pie VI, le premier martyr de la Révo­lution, avait, par sa bulle Auctorem fidei, frappé de même, en 1791, quatre-vingt cinq propositions du synode  Pistoie. La pensée lui vint donc qu'il pourrait, par un acte analogue, saisir, dans les nuages où elles s'enveloppent, les erreurs de nos jours, les déterminer brièvement et rappeler les condamnations pré­cédemment portées par Pie IX lui-même. Pour procéder avec la maturité habituelle du Siège Apostolique, le Pape fit part de son dessein à ses conseillers ordinaires, puis en confia la réalisation à la sagesse des théologiens du Saint-Siège. L'ouvrage fut pris et repris, sans aboutir encore. Enfin, après avoir longuement prié, le 8 décembre 1801, jour déjà consacré par la définition dogmatique de l'Immaculée Conception, et qui devait être illus­tré, cinq ans plus tard, par l'ouverture du Concile, le Souverain Pontife promulgua, par le même acte, un jubilé et la condamna­tion des erreurs de notre temps. Nous devons donner ici en grande partie le texte de la bulle Quanta cura.

 

« Bien que Nous n'ayons pas négligé de proscrire souvent et de réprimer les erreurs, la cause de l'Église catholique, le salut des âmes divinement confié à Notre sollicitude, le bien même de la société humaine demandent impérieusement que nous excitions de nouveau votre sollicitude à condamner d'autres opinions, sorties des mêmes erreurs comme de leur source. Ces opinions fausses et perverses doivent être d'autant plus dé­testées que leur but principal est d'empêcher et d'écarter cette force salutaire dont l'Église catholique, en vertu de l'institution et du commandement de son divin Fondateur, doit faire usage jusqu'à la consommation des siècles, non moins à l'égard des particuliers qu'à l'égard des nations, des peuples et de leurs souverains, et de détruire l'union et la concorde mutuelle du sacerdoce et de l'empire, toujours si salutaires à l'Église et à l'État.

 

«En effet, il vous est parfaitement connu, qu'aujourd'hui il ne manque pas d'hommes qui, appliquant à la société civile l'impie

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  p40  pontificat m: ime in (18 lô-187tt)

 

et absurde principe du Naturalisme, comme ils l'appellent, osent enseigner que « la perfection des gouvernements et le progrès civil demandent impérieusement que la société hu­maine soit constituée et gouvernée sans plus tenir compte de la religion que si elle n'existait pas, ou du moins sans faire aucune différence entre la vraie religion et les fausses. » De plus, contrairement à la doctrine de l'Écriture, de l'Église et des saints Pères ils ne craignent pas d'affirmer que « le meilleur gouver­nement est celui où l'on ne reconnaît pas au pouvoir l'obli­gation de réprimer, par la sanction des peines, les violateurs de la religion catholique, si ce n'est lorsque la tranquillité publique le demande. » Eu conséquence de cette idée absolument fausse du gouvernement social, ils n'hésitent pas à favoriser cette opi­nion erronée, on ne peut plus fatale à l'Église catholique et au salut des âmes, et que Notre Prédécesseur d'heureuse mé­moire, Grégoire XVI, appelait un délire, savoir, que « la liberté de conscience et des cultes est un droit propre à chaque homme, qui doit être proclamé et assuré dans tout État bien constitué; et que les citoyens ont droit à la pleine liberté de manifester hautement et publiquement leurs opinions, quelles qu'elles soient, par la parole, par l'impression ou autrement, sans que l'autorité ecclésiastique ou civile puisse la limiter. » Or, en soutenant ces affirmations téméraires, ils ne pensent pas, ils ne considèrent pas qu'ils prêchent une liberté de per­dition, et que, s'il est toujours permis aux opinions humaines d'entrer en conflit, il ne manquera jamais d'hommes qui ose­ront résister à la Vérité et mettre leur confiance dans le verbiage de la sagesse humaine, vanité extrêmement nuisible que la foi et la sagesse chrétiennes doivent soigneusement éviter, conformément à l'enseignement de Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même.

 

El parce que là où la religion est bannie de la société civile et la doctrine et l'autorité de la révélation divine rejetées, la vraie notion de la justice et du droit humain s'obscurcit et se perd, el la force matérielle prend la place de la justice et du

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p41  §   11.   —   LE  SYLLABUS    

 

vrai droit, on voit clairement pourquoi certains hommes, ne tenant aucun compte des principes les plus certains de la saine raison, osent publier que « la volonté du peuple, manifestée par ce qu'ils appellent l'opinion publique ou de telle autre ma­nière, constitue la loi suprême, indépendante de tout droit divin et humain; et que dans l'ordre politique les faits ac­complis, par cela même qu'ils sont accomplis, ont la valeur du droit. »

 

Mais qui ne voit, qui ne sent très bien qu'une société sous­traite aux lois de la religion et de la vraie justice ne peut avoir d'autre but que d'amasser, d'accumuler des richesses, et d'autre loi, dans ses actes, que l'indomptable désir de satisfaire ses passions et de se procurer des jouissances ? Voilà pourquoi les hommes de ce caractère poursuivent d'une haine cruelle les ordres religieux, sans tenir compte des immenses services rendus par eux à la religion, à la société et aux lettres; pour­quoi ils déblatèrent contre eux en disant qu'ils n'ont aucune raison légitime d'exister, faisant ainsi écho aux calomnies des hérétiques. En effet, comme l'enseignait avec tant de vérité Pie VI, Notre Prédécesseur, d'heureuse mémoire : « L'abolition des ordres religieux blesse l'État qui fait profession publique de suivre les conseils évangéliques ; elle blesse une manière de vivre recommandée par l'Eglise comme conforme à la doctrine des apôtres; elle blesse, enfin, les illustres fondateurs d’ordres, que nous vénérons sur nos autels, qui ne les ont établis que par l'inspiration de Dieu. »

 

Ils vont plus loin, et dans leur impiété ils prononcent qu'il faut ôter aux citoyens et à l'Église la faculté de donner publi­quement l'aumône, et abolir la loi qui, à certains jours fériés, défend les œuvres serviles pour vaquer au culte divin. » Tout cela sous le faux prétexte que cette faculté et cette loi sont en opposition avec les principes de la véritable économie publique.

 

Non contents de bannir la religion de la société, ils veulent l'exclure de la famille. Enseignant et professant la funeste erreur du communisme et du socialisme, ils affirment que « la

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p42       PONTIFICAT  DE  PIE  IX ( 18 IG-1878)

 

société domestique ou la famille emprunte toute sa raison d'être du droit purement civil; et, en conséquence, que de la loi civile découlent et dépendent tous les droits des parents sur les enfants, même le droit d'instruction et d'éducation. » Pour ces hommes de mensonge, le but principal de ces maximes et de ces machinations est de soustraire complètement à la salutaire doctrine et à l'influence de l'Église l'instruction et l'éducation de la jeunesse, afin de souiller et de dépraver, par les erreurs les plus pernicieuses et par toute sorte de vices, l’âme tendre et flexible des jeunes gens.

 

En effet, tous ceux qui ont entrepris de bouleverser l'ordre religieux et l'ordre social, et d'anéantir toutes les lois divines et humaines, ont toujours fait conspirer leurs conseils, leur acti­vité et leurs efforts à tromper et à dépraver surtout la jeunesse, ainsi que Nous l'avons insinué plus haut, parce qu'ils mettent toute leur espérance dans la corruption des jeunes générations. Voilà pourquoi le clergé régulier et séculier, malgré les plus illustres témoignages rendus par l'histoire à ses immenses ser­vices dans l'ordre religieux, civil et littéraire, est de leur part l'objet des plus atroces persécutions; et pourquoi ils disent que « le clergé étant ennemi des lumières, de la civilisation et du progrès, il faut lui ôter l'instruction et l'éducation de la jeu­nesse.»

 

Il en est d'autres qui, renouvelant les erreurs funestes et tant de fois condamnées des novateurs, ont l'insigne impudence de dire que la suprême autorité donnée à l'Église et à ce Siège Apostolique par Notre-Seigneur Jésus-Christ est soumise à l'au­torité civile, et de nier tous les droits de cette même Église et de ce même Siège à l'égard de l'ordre extérieur. Dans le fait, ils ne rougissent pas d'affirmer « que les lois de l'Église n'obli­gent pas en conscience, à moins qu'elles ne soient promulguées par le pouvoir civil; que les actes et décrets des Pontifes Romains relatifs à la religion et à l'Église ont besoin de la sanction et de l'approbation, ou tout au moins de l'assentiment du pouvoir civil ;  que les  constitutions apostoliques portant

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p43  §  II. —  LE SYLLABUS     

 

condamnation des sociétés secrètes, soit qu'on y exige ou non le serment de garder le secret, et frappant d'anathème leurs adeptes et leurs fauteurs, n'ont aucune force dans le pays où le gouvernement civil tolère ces sortes d'agrégations; que l'excom­munication fulminée par le Concile de Trente et par les Pontifes Romains contre les envahisseurs et les usurpateurs des droits et des possessions de l'Église, repose sur une confusion de l'ordre spirituel et de l'ordre civil et politique, et n'a pour but que des intérêts mondains ; que l'Église ne doit rien décréter qui puisse lier la conscience des fidèles relativement à l'usage des biens temporels ; que l'Église n'a pas le droit de réprimer par des peines temporelles les violateurs de ses lois; qu'il est conforme aux principes de la théologie et du droit public de conférer et de maintenir au gouvernement civil la propriété des biens pos­sédés par l'Église, par les congrégations religieuses et par les autres lieux pies. »

 

Ils n'ont pas honte de professer hautement et publiquement les axiomes et les principes des hérétiques, source de mille er­reurs et de funestes maximes. Ils répètent, en effet, que la Puissance ecclésiastique n'est pas de droit divin, distincte et indépendante de la puissance civile; et que cette distinction et cette indépendance ne peut exister sans que l'Église envahisse et usurpe les droits essentiels de la puissance civile. »

 

Nous ne pouvons non plus passer sous silence l'audace de ceux qui, ne supportant pas la saine doctrine, prétendent que « quant aux jugements du Siège Apostolique, et à ses décrets ayant pour objet évident le bien général de l'Église, ses droits et la discipline, dès qu'ils ne touchent pas aux dogmes de la foi et aux mœurs, on peut refuser de s'y conformer et de s'y sou­mettre sans péché, et sans aucun détriment pour la profession du catholicisme. »

Combien une pareille prétention est contrai­re au dogme catholique de la pleine autorité divinement don­née par Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même au Pontife Romain de paître, de régir et de gouverner l'Église universelle;

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p44       PONTIFICAT pe pie ix (181G-1878J

 

il n'est personne qui ne le voie clairement et qui ne le  com­prenne.

 

Donc, au milieu de cette perversité d'opinions dépravées, Nous, pénétré du devoir de Notre charge apostolique, et plein de sollicitude pour notre sainte Religion, pour la sainte doc­trine, pour le salut des âmes qui Nous est confié d'En-Haut et pour le bien même de la société humaine, Nous avons cru de­voir élever de nouveau Notre voix. En conséquence, toutes et chacune des mauvaises opinions et doctrines signalées en détail dans les présentes Lettres, Nous les réprouvons par Notre Auto­rité Apostolique, les proscrivons, les condamnons, et Nous vou­lons et ordonnons que tous les enfants de l'Église catholique les tiennent pour réprouvées, proscrites et condamnées.

 

Outre tout cela, vous savez très bien, qu'aujourd'hui les ennemis de toute vérité et de toute justice, et les ennemis acharnés de notre sainte Religion, au moyen de livres empoi­sonnés, de brochures et de journaux répandus aux quatre coins du monde, trompent les peuples, mentent sciemment et dissé­minent toute autre espèce de doctrines impies. Vous n'ignorez pas non plus qu'à notre époque il en est qui, poussés et excités par l'esprit de Satan, en sont venus à ce degré d'iniquité de nier le dominateur, Jésus-Christ Notre-Seigneur, et de ne pas trembler d'attaquer avec la plus criminelle impudence sa divi­nité. Ici Nous ne pouvons Nous empêcher de vous donner, les louanges les plus grandes et les mieux méritées, pour le zèle avec lequel vous avez eu soin d'élever votre voix episcopale contre une si grande impiété.

 

C'est pourquoi dans les lettres présentes, Nous Nous adresse­rons encore une fois à vous avec amour, à vous qui, appelés à partager Notre sollicitude, Nous êtes, au milieu de Nos grandes douleurs un sujet de consolation, de joie et d'encouragement par votre religion, par votre piété, et par cet amour, cette foi, ce dévouement admirables avec lesquels vous vous efforcez d'accomplir virilement et soigneusement la charge si grave de votre ministère épiscopal, en union intime et cordiale avec Nous

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p45   §11.   — LE SYLL.U3US  

 

et avec ce Siège Apostolique. En effet, Nous attendons de votre excellent zèle pastoral, que, prenant le glaive de l'esprit, qui est la parole de Dieu, et fortifiés dans la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, vous vous attachiez chaque jour davantage à faire en sorte que, par vos soins redoublés, les fidèles confiés à votre garde « s'abstiennent des mauvaises herbes que Jésus-Christ ne cultive pas, parce qu'elles n'ont pas été plantées par son Père. » Ne cessez donc jamais d'inculquer à ces mêmes fidèles que toute vraie félicité découle pour les hommes de notre auguste Religion, de sa doctrine et de sa pratique, et qu'il est heureux le peuple dont Dieu est le Seigneur. Enseignez que les royaumes reposent sur le fondement de la foi, et qu'il n'y a rien de si mortel, et qui nous expose plus à la chute et à tous les dangers, que de croire qu'il nous suffît du libre arbitre que nous avons reçu en naissant, sans plus avoir autre chose à demander à Dieu, c'est-à-dire qu'oubliant notre auteur, nous osions renier sa puissance pour nous montrer libres. » Ne négligez pas non plus d'enseigner « que la puissance royale n'est pas uniquement conférée pour le gouvernement de ce monde, mais par-dessus tout pour la protection de l'Église et que rien ne peut être plus avantageux et plus  glorieux pour les chefs des États et les rois que de se conformer à ces paroles que Notre très sage et très courageux Prédécesseur saint Félix écrivait à l'empereur Zenon, c'est-à-dire de laisser l'Église catholique se gouverner par ses propres lois et de ne permettre à personne de mettre  obstacle à sa liberté……. Il est certain, en effet, qu'il  est de leur intérêt, toutes les fois qu'il s'agit des affaires de Dieu, de suivre avec soin l'ordre qu'il a prescrit, et de subordonner, et non de préférer la volonté royale à celle des prêtres du Christ. »

 

Mais si nous devons toujours, Vénérables Frères, nous adres­ser avec confiance au trône de la grâce pour en obtenir miséri­corde et secours en temps opportun, nous devons le faire sur­tout au milieu de si grandes calamités de l'Église et de la société civile, en présence d'une si vaste conspiration des enne-

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p46  PONTIFICAT DE PIE IX (1S4G-1878)

 

mis et un si grand amas d'erreurs contre la société catholique et le saint Siège Apostolique. Nous avons donc jugé utile d'exciter la piété de tous les fidèles, afin que, s'unissant à Nous, ils ne cesent d'invoquer et de supplier par les prières les plus ferventes et les plus humbles le Père très clément des lumières et des mi­séricordes; afin qu'ils recourent toujours dans la plénitude de leur foi à Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui nous a rachetés pour Dieu par son sang, qu'ils demandent avec instance et continuel­lement à son très doux cœur, victime de sa brûlante charité pour nous, d'entraîner tout à lui par les liens de son amour, et afin que tous les hommes, enflammés de son très saint amour, marchent dignement selon son cœur, agréables à Dieu en toutes choses, et portant des fruits en toutes sortes de bonnes œuvres. Or, comme les prières des hommes sont plus agréables à Dieu s'ils viennent à lui avec des cœurs purs de toute souillure, Nous avons résolu d'ouvrir aux fidèles chrétiens, avec une libéralité apostolique, les trésors célestes de l'Église confiés à Notre dispensation, afin qu'excités plus vivement à la vraie piété, et purifiés de leurs péchés par le Sacrement de Pénitence, ils répandent avec plus de confiance leurs prières devant Dieu et obtiennent sa grâce et sa miséricorde.

 

  En conséquence, Nous accordons, par la teneur des présen­tes Lettres, en vertu de notre autorité apostolique, à tous et chaque fidèle de l'un et l'autre sexe de l'univers catholique, une Indulgence plénière en forme de Jubilé, à gagner dans l'espace d'un mois, durant toute l'année prochaine de 1865, et non au delà, mais désigné par Vous, Vénérables Frères, et par les au­tres Orainaires légitimes, en la même manière et forme que Nous l'avons accordé, au commencement de Notre Pontificat, par Nos Lettres apostoliques en forme de Bref du 20 novembre 1846, envoyées à tous les Évoques de l'univers, et commençant par ces mots : Arcano Divinœ Providentiae consilio, et avec tous les mêmes pouvoirs accordés par Nous dans ces Lettres. Nous voulons cependant que toutes les prescriptions contenues dans ces susdites Lettres soient observées, et qu'il ne soit dérogé

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p47   §   II. —   LE SYLLABES  

 

à aucune des exceptions que Nous avons faites. Nous accordons cela, nonobstant toutes les dispositions contraires, même celle qui serait digne d'une mention spéciale et individuelle et d'une dérogation.

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon