CHAPITRE Il
1 . Excès des donatistes d'Hippone. - 2. Augustin implore l'assistance de Cécilien. - 3. Fureur des schismatiques dans le reste de l'Afrique. - 4. Le sang qu'ils versent fait fleurir l'Eglise. - 5. Les donatistes envoient des délégués à l'Empereur. - 6. -Les clercs d'Hippone se plaignent de leurs excès à Janvier.
1. Si les partisans de Donat avaient eu quelque confiance en leur cause, en se voyant si vivement pressés par les édits impériaux, ils auraient dû suivre l'exemple des catholiques, et les convoquer en conférence pour le triomphe de la vérité. Mais, négligeant ce moyen, ils suivirent un plan tout contraire, ils résolurent de persévérer dans le crime encore plus qu'auparavant, et de fouler aux pieds les lois avec la même fureur qui avait été cause qu'on les avait portées(2). « Chaque jour, dit Augustin, nous endurons de la part des circoncellions, des vexations inouïes bien autrement cruelles que celles des brigands et des voleurs. En effet, munis d'armes redoutables de toute espèce, ils répandent de tous côtés la terreur en troublant partout le repos et la paix, je ne dis pas seulement de l'Église, mais encore des hommes mêmes. Ils envahissent, furtivement, la nuit, les maisons des clercs catholiques, les dépouillent et ne les quittent qu'après les avoir pillées. Ils s'emparent même de leurs personnes, les accablent de coups, les mutilent, et les abandonnent à demi morts. De plus, ils commettent un nouveau genre de crime, inconnu jusqu'alors : ils versent et introduisent dans les yeux de leurs victimes de la chaux mêlée de vinaigre. Il serait plus simple de leur arracher les yeux, mais ils préfèrent les tourmenter plutôt que de les aveugler. Ils ne se servaient d'abord que de chaux pour cette odieuse opération, mais ensuite, voyant que ceux qui avaient enduré ce supplice recouvraient promptement la santé, ils ajoutèrent le vinaigre. Ils exercèrent principalement dans le diocèse d'Hippone cette cruauté inconnue aux barbares mêmes (3)4 » C'est pourquoi les clercs d'Hippone, s'en plaignirent l'année suivante au primat des donatistes (4). " Ils vivent comme des brigands, dit-il, meurent comme des circoncellions et sont honorés comme des martyrs; cependant nous n'avons jamais entendu dire que les brigands aient aveuglé ceux qu'ils ont dépouillés. Ils privent les morts, non pas les vivants, de la lumière (5). » Dans une conférence, on leur reprocha leur cruauté, qui, en quelque sorte, surpassait celle du démon à l'égard de Job (6). Ils couvraient les autres membres de plaies et de blessures affreuses. « Ils pillent aussi les maisons et y mettent le feu, enlèvent les aliments secs et répandent les liquides (7). Ils se sont fabriqué des armes grandes et redoutables avec lesquelles ils se répandent de tous côtés, ne respirant que menaces, meurtres, rapines, incendies et délire.» Cette crainte gagnant l'esprit
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(1) Cod. des Can d'Af. cani XCIV, (2) Contre CreSC, liV. III, Ch. XLI 1. (3) Epts. iii, n 81.. (4) Lettre LXXXVIII, il. 8. (5) Con. 3, eh. ir, n. 22. (6) Con. de Carthag. 3, eh. xmxcvijl. (7) Lettre LXXXVIII, n
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d'un bon nombre de personnes, en effrayaient quelques-unes au point qu'elles se laissèrent souiller par la réitération du baptême (4). Il arrivait ainsi que, malgré les lois très sévères portées contre eux et dont ils se plaignaient, comme d'une odieuse persécution, ils vivaient en toute sécurité dans leurs biens et dans ceux des autres, et tourmentaient encore les orthodoxes, au-delà de tout ce qu'on peut croire (2) - De plus, disent les clercs d'Hippone, si quelques-uns d'entre eux se donnent la mort d'eux-mêmes, ils veulent que ces morts soient pour nous un motif de haine et pour vous un sujet de gloire. Le mal qu'ils nous font, ils ne se l'imputent point, et celui qu'ils se font, ils nous l'imputent. Cette cruauté incroyable, inouie, qui leur attirait parfois la haine de leurs propres partisans, était causée moins par la crainte des lois que par la colère suscitée par les progrès que faisait l'Église catholique que les conférences continuelles d'Augustin augmentait singulièrement. « Car, dit Possidius (3), tandis que la parole de Dieu était prêchée avec soin, et qu'on cherchait la paix avec ceux qui haïssaient la paix, ceux-ci persécutaient l'orateur, sans motif. Et comme la vérité opposée à leur dogme brillait dans tout son éclat, ceux qui le voulaient ou qui le pouvaient, s'en arrachaient ou s'en éloignaient furtivement pour s'attacher à la paix et à l'unité de l'Église avec ceux de leurs parents à qui cela était possible. Aussi, voyant diminuer le nombre de leurs adeptes, et jaloux de l'accroissement de l'Église, ils s'enflammaient d'une colère délirante et exerçaient tous ensemble d'atroces persécutions pour détruire l'unité de l'Église, etc. »
2. À l’époque où l'audace des hérétiques sévissait avec une fureur excessive dans la campagne voisine d'Hippone, on remit à Cécilien la lettre dans laquelle Augustin le prie d'employer la même autorité qu'il avait en Afrique, non point pour venger des injustices avec une juste sévérité, mais pour guérir, par la crainte, ceux qui les avaient commises. C'est ce même Cécilien qui fut préfet du prétoire en 409. Augustin lui écrivit encore vers la fin de l'année 413 (4), comme à un personnage qu'il tenait en grande estime et avec qui il était lié, d'une affection très vive. Il professait la religion chrétienne, au rang des catéchumènes et accomplissait avec une grande réputation de zèle et de piété, la charge qui lui avait été confiée en Afrique (5). Il avait déjà porté un édit très sévère contre les donatistes et avancé ainsi singulièrement la réconciliation des schismatiques avec l'Église, en plusieurs endroits de l'Afrique : Mais les fruits de cet édit ne s'étaient pas encore fait sentir à Hippone ni dans les autres lieux de la Numidie voisins de cette ville. C'est pourquoi le saint prélat, ne voulant pas encourir le reproche de négligence dans une affaire d'une telle importance, demanda, par lettre, à Cécilien de vouloir bien aussi venir en aide à cette contrée. Il lui envoya un prêtre pour l'informer du besoin pressant qu'il avait de son assistance. Il lui parle comme à quelqu'un dont il n'est pas encore connu. Personne ne peut douter que Cécilien ne se trouvât en Afrique, à cette époque, et n'administrât cette province, d'où on peut conclure qu'il ne faut point placer ce fait en l'année 409, pendant laquelle le même Cécilien était préfet du prétoire en Italie, ni en l'année 413, dans laquelle nous n'avons pas appris qu'il ait obtenu là quelque charge. Car il parait à peine vraisemblable qu'après avoir été préfet du prétoire, on lui ait donné le gouvernement d'une province. On remarque qu'il exerça aussi la vice-préfecture en 404. D'où on peut présumer avec raison que c'est en 405 qu'il exerça les mêmes fonctions en Afrique; car on ne peut placer cette lettre en 404, avant les lois d'Honorius.
3. La fureur effrénée des donatistes ne s'arrêta pas aux limites du territoire d'Hippone, on en trouve les odieux vestiges dans d'autres lieux de l'Afrique. Ainsi, à Bagaï, dont fut évêque Maximien, qui a été tant maltraité par eux, ils firent des choses horribles. Ils incendièrent la basilique de cette ville, jetèrent dans
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(1) LeUre cxviii, n . 1. (12) Lpttre LXXXV11L (3) POSS-1 eh. X. (4) Ep., CXI. (5) EpiS. LXXXVI-
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le feu les livres sacrés, qu'ils se vantaient d'avoir sauvé pendant la persécution de Dioclétien. Le juge même, en s'efforçant de mettre un frein à leur violence et à leurs excès, se vit en danger de la vie, en sorte que, ayant été contraint de repousser la force par la force et par les armes, quelques-uns d'entre eux furent tués. Les donatistes exagérèrent ce fait dans la conférence, en répétant que les catholiques étaient cause que le sang chrétien avait coulé (1). Quoique ces peines fussent bien légères en comparaison des maux qu'ils avaient eux-mêmes causés les premiers, les catholiques répondirent que les donatistes n'avaient souffert ce qu'ils avaient enduré que parce qu'on avait résisté à leurs violences, dont le juge lui-même avait failli tomber victime. Les paroles suivantes d'Augustin peuvent convenir aux excès de Bagaï (2). « Et vous aussi, vous connaissez la grandeur des maux que les clercs furieux et les circoncellions du parti de Donat nous ont fait endurer. Des églises ont été incendiées, des livres sacrés jetés dans les flammes, des maisons privées même brûlées, des hommes enlevés de leurs demeures, et, après que tout ce qui se trouvait dans leurs maisons eût été emporté ou perdu, eux-mêmes tués, déchirés aveuglés, on ne recula pas même devant l'homicide ... Toutefois, nous ne disons pas que les nôtres sont justes parce qu'ils ont souffert ainsi, mais parce qu'ils ont souffert pour la vérité chrétienne, pour la paix de l'Église et pour l'unité du Christ. » Gorgonius, évêque du peuple de Libéralis, se plaignit dans une conférence (3) que son église avait été rasée par les hérétiques ; Fortunat, de Cirta, de ce que tous les autels de la ville avaient été brisés par ces mêmes hérétiques. Aurèle de Macomas raconta qu'ils avaient tué l'évêque de Rotaris, et s'étaient emparés de son église par la violence. Comme une partie de la population de Césarée s'était détachée des hérétiques, Cresconius, évêque des donatistes de l'endroit, soumit, à différents supplices, un prêtre catholique qui dirigeait les fidèles, pilla ses biens et ceux de son église, s'empara d'argent et de grains qui appartenaient à cette dernière, se retira avec des chariots chargés de butin. Ils détruisirent les édifices catholiques et enlevèrent tous les ornements. Cresconius, leur évêque dans cet endroit détruisit eu un seul lieu quatre basiliques. Lorsque la fureur et les violences des donatistes eurent forcé les catholiques à implorer l'assistance des magistrats pour arrêter leurs entreprises, il en résulta nécessairement des choses désagréables et pénibles dont les donatistes se plaignirent vivement dans la conférence. Assurément ces choses n'arrivaient que contre la volonté et le dessein des gens de bien et des principaux catholiques, car ceux-ci avaient demandé des lois pour se défendre, non pour persécuter leurs adversaires (4). « Cependant, disent les habitants d'Hippone, si quelques-uns d'entre vous tombent entre nos mains, nous les protégeons avec un grand amour; nous leur parlons, nous leur lisons tout ce qui peut dissiper l'erreur qui sépare des frères de leurs frères; si quelques-uns d'entre eux sont frappés par l'évidence de la vérité et par la beauté de la paix, nous ne leur donnons pas une seconde fois le baptême qu'ils ont reçu et qu'ils gardent comme des déserteurs gardent la marque de leur roi, mais nous les faisons participer à la foi qui leur a manqué, à la charité de l'Esprit- Saint et au corps du Christ. Mais si par endurcissement ou par fausse honte, ne pouvant supporter les reproches de ceux avec qui ils débitaient tant de faussetés et méditaient tant de mauvais desseins contre nous; si surtout, craignant de s'attirer les mauvais traitements qu'auparavant ils ne nous épargnaient pas, ils refusent de rentrer dans l'unité du Christ, nous les laissons aller sans leur faire de mal, comme nous les avons pris. Autant que nous le pouvons, nous engageons nos laïques à ne faire aucun mal à ceux qui tombent entre leurs mains et à nous les amener, pour les corriger et les instruire. Il en est qui nous écoutent et suivent nos avis quand ils le peuvent. D'autres les traitent comme des voleurs; il est vrai que les
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(1) Con. 3, eli. virr,11. 13. (2) Poss.) C" - eh. xvii, n. 22. (3) Con. de Carthag. 1, eh. exxxiii. (4) EpiS. LXxxviri, n. 9.
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mauvais traitements qu'ils endurent de leur part les autorisent à les regarder comme tels. Quelques-uns préviennent par des coups les coups dont ils sont menacés; d'autres encore conduisent aux juges ceux qu'ils ont pris, et nous n'obtenons pas qu'ils leur pardonnent, tant sont horribles les maux qu'ils redoutent ! Ces malheureux égarés gardent en toute chose des habitudes de brigands et exigent qu'on les honore comme des martyrs. »
4. Au reste les souffrances que la fureur des donatistes fit endurer aux catholiques, par un effet de la Providence, montrèrent la vérité de cette parole prononcée plusieurs années auparavant : Le sang des martyrs est une semence de chrétiens. Augustin nous l'apprend en ces termes (1): « Ces maux que nous endurons, laissent après eux des fruits consolants. Car partout où ces furieux ont commis ces excès, l'unité chrétienne en reçoit une augmentation de zèle et d'amour. On comble le Seigneur de louanges pour avoir fait, par sa grâce, que ses serviteurs lui ramenassent leurs frères par les souffrances qu'ils enduraient et rassemblassent par la vertu de leur sang, dans la paix du salut éternel, des brebis qu'une mortelle erreur a égarées. Si ce résultat fut obtenu, certainement c'est grâce aux travaux d'Augustin (2), «membre insigne entre tous ceux dont se compose le corps mystique du Seigneur. Avec un zèle infatigable il veillait à l'accroissement de l'Église, et la bonté divine lui accorda cette joie, de recueillir de son vivant les fruits de ses sueurs, et de voir la paix et la concorde rétablies d'abord à Hippone, dans la ville et le diocèse dont le soin lui avait été spécialement confié. Il fit croître aussi l'Église dans le reste de l'Afrique, par lui-même, ou par les évêques formés dans son monastère et sous sa discipline. Il ne termina toutefois cette oeuvre dans son diocèse qu'après bien des années. Pour le moment dont nous parlons, nous savons seulement que la basilique que les donatistes possédaient dans cette ville fut détruite à cette époque ou peu de temps après. L'église de Cirta, si cruellement tourmentée par les hérétiques, devint également très florissante, grâce aux souffrances de ses serviteurs. Ce furent certainement la vue et le mérite de ces souffrances qui ramenèrent enfin les donatistes de cet endroit à l'unité catholique; ce qui ne parait point être arrivé avant l'an 411 (3). La conférence de Carthage (4) nous apprend que tous les schismatiques de Libertina, sans exception, revinrent à l'Église. Il en avait été de même des habitants de Barazita, de sorte que Calipotius, leur évêque, en voyant tout son monde le quitter, fut contraint de se retirer ailleurs.
5. Plusieurs évêques donatistes n'avaient eu d'autre motif, en traversant la mer et en allant trouver le préfet du prétoire, que de demander un adoucissement à la sévérité des lois portées contre eux. Nous pensons que Maximin de Sétif était de ce nombre. Avant qu'il fût de retour de son voyage d'outre-mer, Augustin envoya un prêtre à Sétif pour y avoir soin des catholiques de cet endroit. Il y était dans une maison à lui appartenant, et devait, sans faire de tort à personne, prêcher la paix catholique à ceux qui voudraient bien l'entendre. Mais les hérétiques, après avoir fort mal accueilli ce prêtre, finirent par le chasser. Les évêques donatistes qui étaient venus à la cour se rendirent au tribunal du préteur pour êtres entendus, et demandèrent vivement à avoir un entretien avec Valentin, évêque catholique, qu'ils avaient trouvé là, en affirmant qu'ils n'étaient pas venus pour un autre motif. Les actes de cette conférence ont été dressés à Ravenne, le 30 janvier 416. Les catholiques eurent soin d'en faire prendre une copie aux archives et demandèrent qu'on la lût dans la conférence de Carthage, pour montrer que cette conférence avait été demandée par les deux partis. C'est donc à cette époque qu'on doit placer ces paroles d'Augustin, prononcées dans la conférence. « Vainement, quelques-uns d'entre eux étant allés à la cour, ont dit dans les actes préfectoraux qu'ils voulaient être entendus et discuter. » Ils insistaient donc pour que l'évêque catholique Va-
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(1) Lettre CLXVXV, eh. v. (2) Poss.~ eh, xvin. (3) Lettre CXLIV. (4) Conf., Carthag. i-cx.
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lentin, qui se trouvait alors à la cour discutât avec eux. Mais cet évêque n'était pas venu dans l'intention de conférer avec eux, et n'avait reçu à ce sujet aucun mandat de ses collègues, le préfet lui-même qui devait juger le débat n'avait point l'autorité voulue pour accorder cette conférence, d'ailleurs il ne pouvait se prononcer que d'après les lois portées contre les donatistes. Cependant, leur consentement à une conférence tourna à l'avantage des catholiques, qui l'invoquèrent habilement quatre ans plus tard pour obtenir une conférence de l'empereur. Marcellin, dans son édit du commencement de l'année 411, pour la convocation de la conférence, dit expressément que les donatistes l'avaient demandée peu de temps auparavant au tribunal des préfets. Augustin rapporte même que par certaines réponses inconsidérées et téméraires, ils avaient nui à leur propre cause dans les actes préfectoraux, et que c'est pour ce motif qu'il firent tant d'efforts pour en empêcher la lecture dans la conférence. Dans ces actes, ils se donnaient eux-mêmes le nom de donatistes, qu'ils repoussèrent ensuite.
6. Or, Maximin de Sétif revint à l'unité catholique après le voyage dont nous venons de parler. Après l'envoi de ces délégués donatistes à la cour, les clercs d'Hippone se plaignirent aux donatistes eux-mêmes des vexations des circoncellions, et adressèrent à ce sujet une lettre à Janvier, leur primat en Numidie. Le style nous montre Augustin comme en étant l'auteur. Dans cette lettre, il montre d'abord, par l'histoire abrégée de Cécilien, que les donatistes en ont appelé aux empereurs sur cette controverse avant les catholiques, et que, pour ce, motif, ils ne pouvaient reprocher à ces derniers d'implorer l'assistance d'Honorius; il montre ensuite, dans les excès des circoncellions, la cause des lois portées contre eux; et, enfin, que ces lois n'ont point empêché les catholiques de traiter les donatistes avec une très grande bonté, tandis que ceux-ci leur causaient toute sorte de maux et rendaient le mal pour le bien. C'est dans cette lettre qu'il fait mention de la chaux et du vinaigre et de toutes les autres cruautés. Il ajoute que ce qu'il désire, c'est que les donatistes confèrent pacifiquement avec les évêques catholiques pour mettre fin au schisme, non pour faire périr les hommes; c'est-à-dire pour que ceux-ci soient non pas punis mais ramenés. C'est en vain qu'ils ont manifesté au préfet leur désir d'une conférence, car le juge ne pouvait accéder à leur demande, à cause des lois portées contre eux. Mais ils peuvent tenter avec succès la même demande près de l'empereur, qui n'est pas assujetti aux mêmes lois et a le pouvoir d'en faire d'autres. Pour lui, il désire cette conférence, non pas pour terminer une cause terminée depuis longtemps, mais pour qu'elle paraisse finie à ceux qui ne savent point qu'elle l'est. S'ils n'approuvent pas ce projet de conférence, i1 les prie d'écouter les clercs d'Hippone discutant en sa présence avec les donatistes du même endroit, afin que ces derniers puissent leur montrer en quoi ils s'écartent de la vérité, s'ils s'en écartent en effet, ou bien de s'informer par eux-mêmes, ou par d'autres des crimes odieux commis par la troupe des circoncellions; et de les empêcher au moins de commettre des meurtres et des rapines et de cesser d'aveugler, s'ils ne veulent partager leur damnation. Enfin, il termine ainsi sa lettre (1) : «Mais, si vous méprisez nos plaintes, nous ne nous repentirons pas d'avoir voulu agir pacifiquement avec vous. Le Seigneur assistera son Église, et vous vous repentirez d'avoir dédaigné nos humbles avis.»
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(1) Leltre LXXXVIII, n. 12.
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CHAPITRE III
Augustin écrit contre Cresconius. - 2. Il s'efforce en vain de ramener Paul de Cataque à un genre de vie digne d'un évêque. - 3. Il écrit à Emérite en gémissant de le voir engagé dans le schisme. - 4. Trois opuscules contre les donatistes, publiés sans doute à cette époque. - 5. Livre sur la divination des démons.- 6. Six questions contre les païens traitées pour le prêtre Deo-Gratias. - 7. Explication de l'épître de saint Jacques aux douze tribus. - 8. Livre du baptême unique à Constantin.
1. Dans ses l'ivres contre Cresconius, Augustin assure que les catholiques avaient demandé que les donatistes eussent avec eux une conférence, afin de leur montrer que l'affaire était terminée. À cette époque déjà, les lois d'Honorius contre ces hérétiques étaient portées, mais depuis peu de temps encore, quand il fit cet ouvrage, et déjà les donatistes, à cause de ces lois, faisaient souffrir les catholiques par le vinaigre et la chaux, ainsi que par le fer et le feu. Ce Cresconius était donatiste laïque et grammairien de profession. Ayant lu le premier livre d'Augustin contre la lettre de Pétilien, plein de confiance dans son talent d'écrivain, qui était néanmoins fort médiocre, il entreprit de défendre son parti contre Augustin et de défendre la lettre de Pétilien. Quoique Cresconius ait adressé son opuscule à Augustin, il ne lui parvint cependant que longtemps après avoir paru. Augustin crut convenable d'y répondre; il pensa que son caractère aussi bien que sa charge lui faisaient un devoir d'entreprendre la défense de la vérité. Il réfuta donc Cresconius dans quatre livres. Dans le premier, il montre d'abord qu'on ne doit point approuver la feinte modestie qui porte les donatistes à ne vouloir point discuter avec les catholiques au sujet de leur erreur, et ensuite que les défenseurs de la vérité ne doivent redouter ni l'éloquence ni la dialectique d'aucun adversaire. Il montre après cela que si les catholiques accordent aux donatistes que leur baptême est véritable, il ne s'en suit pas que les schismatiques sont dans leur droit en le recevant. Dans le second livre, il montre que Cresconius n'a rien dit pour réfuter son livre contre Pétilien ; il est vrai qu'il lui a peut-être appris du moins qu'on ne doit pas dire donatistes, mais donatiens, de Donat, et autres pareilles bagatelles grammaticales sur lesquelles il s'était beaucoup appesanti. Après avoir réfuté Cresconius sur les questions qui paraissaient les plus importantes, il fit un troisième livre sur les autres chapitres de son livre, dans la crainte que les ignorants ne crussent qu'il en avait laissé quelque point sans réponse. Son quatrième livre est consacré tout entier à réfuter le sien d'après la seule histoire des maximianistes.
2. La lettre à l'évêque Paul ne paraît pas avoir été écrite avant cette époque, comme on peut le conclure de ce que la personne à qui elle est adressée y est présentée comme ayant ramené beaucoup de fidèles à l'Église. Comme Augustin avait engendré Paul au Christ, il croyait avec raison que sa conduite le concernait, lui, et son Église d'Hippone. Si, comme Holstein le pense et comme les choses mêmes semblent l'indiquer, c'est le même que le Paul dont il fait mention dans sa lettre à Olympe (2), il fut évêque de Cataque, en Numidie. Mais après avoir obtenu cette charge, il causa plus de douleur que de consolation à Augustin; car s'il fit rentrer un grand nombre de donatistes dans le sein de l'Église, il en éloigna plus encore par la corruption de ses mœurs. Il se livra tellement aux affaires du siècle qu'on aurait pu dire qu'il faisait de l'épiscopat un moyen de gagner de l'argent. Toutefois Dieu, pour lui montrer qu'il ne fallait rechercher aucune autre richesse que celle de l'esprit, si toutefois il avait assez d'intelligence pour le comprendre, permit qu'il ne recueillît aucun fruit de ses odieux trafics, au point que, ne pouvant s'acquitter même envers le fisc, il fut obligé de lui abandonner tous ses biens. Néanmoins, en dépit même des lois civiles, il reprit son commerce accoutumé, avec l'appui d'un personnage très puissant à cette époque, probablement de Ba-
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(1) Lettre xcvi, n. 2.
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thanaire. Se livrant de plus en plus aux affaires, il en vint à un genre de vie que ne pouvait soutenir la pauvreté de son église. Augustin crut qu'il devait plus que tout autre, puisqu'il l'avait engendré au Christ par l'Évangile, lui faire sentir les morsures salutaires de la charité, en lui adressant une sincère réprimande. Il s'efforça donc de le guérir par tous les avertissements capables de produire ce résultat. Mais ce fut en vain. C'est pourquoi bien qu'il ne fût condamné par aucun jugement ecclésiastique, le saint évêque se sépara de sa communion, en lui conservant toutefois les titres de collègue et de frère. Paul écrivit à Augustin pour lui demander de le conserver dans sa communion, en se plaignant en même temps que lui qu'il appelle inexorable, a trop de confiance en ceux qui s'étaient toujours montrés ses ennemis. C'est ce qui lui fit écrire la lettre en question, également pleine de charité et de sévérité. Augustin lui dit qu'il ne veut point être en communion avec lui, parce qu'il ne peut se résoudre à le flatter. S'il désire guérir les blessures qu'il a faites à l'église d'Hippone, il faut absolument que le Seigneur lui fasse la grâce de renoncer aux affaires du siècle et d'en secouer le fardeau pour revenir à une vie digne d'un évêque. Il est certain que cette lettre ne produisit pas beaucoup d'effet, puisque Augustin, après la mort de ce prélat, n'en parle qu'en termes peu flatteurs. Il dit qu'à l'époque où il fut obligé d'abandonner ses biens au fisc, ayant reçu quelque argent qui lui était dû (1), il acheta, sous le nom d'une maison alors très puissante et comme pour l'église, des pièces de terre qui se vendaient aux enchères. Il voulait ainsi, selon sa coutume, ne rien payer au fisc et n'être point inquiété par les collecteurs de l'impôt. Ces terres revinrent ensuite à Boniface, son successeur, qui aurait certainement pu les garder, mais comme c'était un homme plein de bonne foi, il craignit de participer devant Dieu à la fraude et à l'injustice. Aussi préféra-t-il déclarer simplement et sans détour que les terres que lui avait laissées son prédécesseur avaient été achetées avec de l'argent dû au trésor. Boniface était devenu évêque au mois d'août 418, comme nous le dirons en son temps.
3. Il est certain qu'Honorius avait déja porté des lois plus rigoureuses contre les donatistes, en 405, quand Augustin écrivit à Emérite évêque des donatistes d'Alger. Il n'est pas moins certain que cette lettre fut écrite avant la conférence où Emérite défendit avec plus d'âpreté que personne, la cause de son parti, puisque dans sa lettre, Augustin dit qu'il ne le connaît que de réputation. Il avait été baptisé chez les schismatiques et n'avait jamais été de l'Église catholique. Son autorité était si grande parmi les siens, qu'il est regardé comme l'auteur de la célèbre sentence prononcée contre les maximianistes, au concile de Bagaï de 394. Il passait pour un homme d'esprit (2) versé dans les arts libéraux et d'une éducation distinguée. Il désapprouvait les violences des siens et montrait autant de probité qu'on peut en attendre d'un schismatique. Augustin ne fit pas difficulté d'ajouter foi aux éloges qu'on faisait de lui, il désira même qu'ils fussent d'accord avec la vérité. En effet, il éprouvait un penchant particulier pour ceux qui étaient tels qu'on lui dépeignait Emérite. Quand il les voyait plongés dans l'erreur, plus il s'en étonnait et plus aussi il brûlait du désir de les connaître et de s'entretenir avec eux pour dissiper leur aveuglement. C'est ce qui le porta à écrire une ou deux fois à Emérite bien qu'il fût très éloigné de lui, des hommes de bonne foi lui ayant dit, qu'il lui répondrait. Possidius parle en effet de deux lettres à cet évêque, mais la première est perdue. Augustin, n'ayant point reçu de réponse, et ne sachant si la lettre ou la réponse d'Emérite s'était égarée, en écrivit une seconde lettre qui existe encore. Dans cette lettre, il montre que les raisons qu'on pouvait alléguer en faveur du schisme, n'avaient aucune force, et, après avoir rendu évident par l'exemple d'Optat, que les crimes même les plus manifestes commis dans une communion, si on les
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(1) Lettre XCVI, n. 2. (2) Lettre LXXXV, n. 1-10.
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tolère pour des causes légitimes, ne souillent que leurs auteurs, il le prie de lui répondre. Nous n'avons lu nulle part qu'il satisfit jamais au désir du saint prélat ; mais depuis cette époque, il montra une opiniâtreté extraordinaire et, plus que tous les autres donatistes, un esprit endurci dans l'erreur.
4. Aux livres contre Cresconius, Augustin ajouta quelques ouvrages contre les donatistes, mais ils nous manquent maintenant. Ainsi, il écrivit d'abord, contre les donatistes, un libelle (1) dans lequel il promettait de leur montrer tout ce qui militait contre le schisme, c'est-à-dire tous les actes ecclésiastiques ou civils et tous les passages des livres saints, pour les pousser à les demander. Parmi ceux qui eurent connaissance de cet opuscule et de ces promesses, il y en eut un qui publia un écrit contraire, en prenant seulement dans son écrit, le titre de donatiste. C’est pour cela qu'Augustin intitula la réponse, à ce libelle : Contre un donatiste inconnu. Il fit paraître ce qu'il avait promis, avec le livre dans lequel il l'avait promis d'abord et donna à l'ouvrage entier le titre de : Preuves et témoignages contre les donatistes, et pour que le public en prit plus vite connaissance, il l'attacha aux murs d'une basilique qu'on venait d'enlever aux donatistes. Mais comprenant que les ouvrages d'une certaine étendue n'étaient même pas lus par la plupart des gens, il publia, avec cette charité qui lui était naturelle, un opuscule très court, dans l'espérance que la grande facilité de le copier le mettrait entre les mains d'un plus grand nombre de personnes et qu'on pourrait en retenir le contenu sans peine. Le titre de cet opuscule était : Avis aux donatistes touchant les maximianistes sans doute parce qu'il montrait par la seule histoire des maximianistes que la secte de Donat ne s'appuyait sur aucun fondement, ni sur aucune vérité.
5. A la même époque, il écrivit son livre de la divination, c'est-à-dire du pouvoir de prédire, des démons. Une conversation qu'il eut, un matin, avant les saints mystères, avec de nombreux catholiques qui s'étaient rendus auprès de lui, à l'époque des saintes octaves, lui en fournit l'occasion. On disait que la destruction du temple de Sérapis, à Alexandrie, vers 389, par ordre de Théodose, avait été prédite par un mage. Dans cet entretien, Augustin s'était efforcé d'expliquer comment le démon avait pu prédire cette destruction et autres faits semblables. Dès qu'il en eut le loisir, il mit par écrit ce qu'il avait dit à ce moment, et termina son livre, en promettant de répondre aux païens qui auraient quelque objection à faire à ce qu'il avait avancé. Il fait remarquer que le culte des idoles diminue de jour en jour et qu'il n'y a point d'année où le nombre des infidèles ne soit moindre que l'année précédente.
6. Dans la liste de ses ouvrages Augustin place après celui-là, son exposition de six questions contre les païens, qui, dans les œuvres imprimées est placée parmi ses lettres. Un païen qu'il aimait beaucoup et qu'il désirait ardemment rendre chrétien, lui donna l'occasion de l'écrire. Il lui avait adressé aussi quelques lettres, qui étaient demeurées sans réponse, comme si cet homme eût craint d'être disciple d'Augustin. Enfin, ce païen proposa au prêtre Déogratias, six questions sur la religion qu'il prétendait tenir, en partie du moins, du philosophe Porphyre. Augustin croit que ce Porphyre n'était autre que l'illustre Porphyre de Sicile qui vivait vers la fin du troisième siècle. Déogratias envoya aussitôt de Carthage à Augustin les questions proposées, préférant en recevoir la solution de sa bouche plutôt que de la donner lui-même. Le saint docteur se rendit à ses désirs bien qu'il fût très occupé alors. Il l'avertit toutefois, par une lettre placée en tête de son opuscule, de ne pas craindre de répondre à toutes les questions de ce païen, et de ne montrer l'opuscule qu'il lui envoie, qu'à ceux à qui il le jugera convenable. À la fin de son ouvrage, pressentant que celui qui posait ces questions pensait à embrasser la foi chrétienne mais voulait auparavant avoir l'explication de
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(1) Rétract., liv. II n. 27.
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quelques passages obscurs des Écritures, il l’engage charitablement à se faire chrétien et à ne point s'arrêter davantage à des questions de la nature de celles proposées: «de peur dit-il qu'en voulant finir les questions sur les livres saints avant de se faire chrétien, il ne finisse cette vie avant de passer de la mort à la vie. Il y a bien des choses qu'il ne faut pas finir avant de croire, de peur que la vie ne finisse avant que la foi vienne. Mais quand on a la foi, on peut étudier ces difficultés pour le plaisir pieux des âmes fidèles, et pour faire part aux autres, sans orgueil, de ce qu'on à appris. Quant à ce qu’on ne peut découvrir, on doit s'y résigner sans dommage pour le salut. » Les pélagiens citaient cet ouvrage comme leur étant favorable, parce qu'on y lit que le Christ ne voulut apparaître aux hommes, et leur prêcher sa doctrine, qu'à un moment et dans les lieux où il savait qu'ils croiraient en lui. Mais Augustin dit qu'il n'avait voulu parler que de la prescience du Christ, parce que cela lui suffisait pour convaincre l'infidélité des païens qui avaient soulevé cette question, et que, d'ailleurs, il ne voulait point entreprendre d'éclaircir tout ce qui pouvait avoir rapport à ce sujet. Au reste, il montre que cela n'a aucun rapport avec la cause des pélagiens. Il donne en outre l'explication de certaines expressions du même endroit, quoique les pélagiens ne les lui eussent point objectées.
7. Dans ses Rétractations, il fait suivre le livre cité plus haut de l’Exposition de l'épître de saint Jacques aux douze tribus. Ce n'est qu'un recueil d'annotations rassemblées pas les soins de ses frères et placées par lui en marge du texte; elles avaient pour but l'intelligence de cette épître ; cet ouvrage est perdu. Immédiatement après, viennent les trois livres des peines et de la rémission des péchés par lesquels il entreprit, pour la première fois, la défense de la grâce du Christ, contre l'hérésie pélagienne, bien que cependant, il n'ait écrit ces livres qu’après la condamnation de Célestius, c'est-à-dire en 412, comme nous le montrerons plus loin. D’après cela on voit qu'en cette occasion Augustin n'a pas suivi l'ordre des temps; puisqu'il place ces livres bien avant l'abrégé de la conférence qui parut vers la fin de l'année 411, ou bien peu de temps après.
8. Quant à son ouvrage, intitulé de l’Unité du baptême, qui vient après, on reconnaît qu'il est antérieur à la conférence, en ce qu'il n'y fait aucune mention de cette dernière. De plus cela ressort encore de ce qu'il dit que les donatistes n'ont pas même essayé de prouver les crimes dont ils chargeaient Marcellin et quelques autres évêques romains, car pendant la conférence, ils essayèrent d'en donner quelques preuves: il est vrai qu'elles étaient mensongères (1). Il s'arrête aussi dans ce livre sur une erreur de fait qu'il se reproche encore dans la revue qu'il a faite de presque tous ses livres contre les donatistes, au sujet du jugement de Félix d'Aptonge qu'il met après celui de Constantin en faveur de Cécilien, erreur dont il ne s'était pas encore aperçu dans la conférence, mais il la connaissait quand il écrivit son abrégé de la conférence, certainement avant le 14 juin 412. Il composa ce livre, de l'unité du baptême pour répondre à un autre livre ayant le même titre, dont l'auteur, qu'on disait être Pétilien de Cirta, soutenait que le baptême ne pouvait être administré légitimement, que chez les donatistes. Ce livre (2) ne contenait rien autre chose que des mots ampoulés et des calomnies incroyables, le reste n’était pas digne d'attention. En effet, l'auteur se servait de textes et d'arguments plutôt favorables aux catholiques qu'à sa propre cause. Il accusait (3), sans aucune preuve, plusieurs évêques romains d'idolâtrie. Mais en l'entendant accuser de manichéisme les évêques catholiques de Cirta, dont la vie est bien connue, on voyait quelle foi on devait ajouter aux accusations dont il chargeait des évêques inconnus, surtout en l'entendant attaquer avec tant d'acharnement Profuturus de Cirta, mort peu d'années auparavant, et son successeur, Fortunat, qui vivait encore, hommes -----
(1) Retravt., liv. VI, oh. xxvII. (2) Du bapt. uniq. eh. xvi, n. 27. (3) Du bapt. uniq- liv. I, eh. i. =================================
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d'une innocence si connue et si bien établie. Un prêtre donatiste avait remis ce livre à un ami d’Augustin nommé Constantin qui le porta au saint docteur, quand il était à la campagne : on le pria, avec les plus vives instances, de le réfuter. Bien qu'il eût déjà traité souvent cette matière, il ne crut pas devoir se réfuser à ce que lui demandait son ami; persuadé que la multiplication des bons livres est toujours de quelque utilité, soit parce qu’ils peuvent ainsi se répandre davantage dans les mains du public, soit surtout parce qu'ils contentent ceux qui prennent pour nouveaux de vieux arguments présentés sous un nouvel aspect. Il dédia ce livre à Constantin lui-même.
9. Nous avons fait mention plus haut d’un petit livre publié par Augustin pour achever de détruire l'erreur impie et orgueilleuse des donatistes contre l'Église catholique, par le seul fait de l'histoire des maximianistes. Il ajouta (1), quelques années après, un second livre sur le même sujet, mais plus étendu et plus soigné. Ces livres sont également perdus. On ne trouve dans ses autres ouvrages aucun indice sur l'époque où parurent ces derniers. Toutefois, d'après la place qu'ils occupent dans les Rétractations, on peut penser qu'ils ont été écrits entre l'année 406 et l'année 411. C'est en 406, selon nous, qu'éclata la guerre de Radagaise, roi des Goths. Augustin, qui se trouvait alors à Carthage, apprit, avec une très vive douleur, qu'à Rome les infidèles profitaient de cette guerre pour décrier la religion catholique. Mais la prompte réfutation de leurs invectives vint bientôt les couvrir de confusion.