Darras tome 18 p. 558
—Cette allusion blasphématoire souleva un sentiment d'horreur dans l'assemblée. Les légats apostoliques après avoir protesté contre un rapprochement qui avait la prétention de comparer la majesté du Seigneur lui-même à l'obstination d'un fils de Bélial terminèrent en adjurant Photius de s'humilier enfin, de confesser ses erreurs et de reconnaître l'autorité du siège apostolique et celle du légitime patriarche de Constantinople. Les deux délégués des patriarchats d'Antioche et de Jérusalem parlèrent dans le même sens. On donna lecture d'une lettre adressée par le grand pape Nicolas le Grand à Photius lui-même pour l'engager à rentrer dans la voie de l'obéissance et de la soumission. Tout fut inutile. Le concile à l'unanimité déclara que Photius avait été ordonné contre toutes les règles canoniques et que le patriarche Ignace était le seul légitime pasteur de Constantinople. Après cette décision, les légats apostoliques essayèrent une dernière tentative. «Nous exhortons Photius, dirent-ils, à se soumettre à l'autorité du saint et œcuménique concile, à courber la tête sous la main miséricordieuse de son patriarche, et à mériter par son repentir la faveur d'être réintégré dans la communion de la sainte et catholique Église. » — A ce touchant appel, Photius ne répondit pas un mot. — « Seigneur Photius, lui dit le patrice Bahanès, parlez» Dites sans crainte
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tout ce que vous croyez pouvoir contribuer à votre justification. Le monde entier est représenté ici ; il attend de vous une réponse. Si le saint et œcuménique concile vous ferme les entrailles de sa miséricorde, à quel tribunal espérez-vous recourir. A Rome? Rome est ici. Aux patriarcats d'Orient? Voici leurs délégués. Produisez donc vos moyens de défense. — Ils ne sont point de ce monde, répondit Photius parodiant toujours les paroles du Sauveur. Si ma justification était de ce monde, vous la verriez se manifester sur-le-champ à vos yeux. » Bahanès ne voulut point encore s'avouer vaincu. « II se peut, dit-il, et au fond, je suis persuadé que la confusion et la surprise troublent vos sens. Le saint et œcuménique concile daignera sur notre requête vous accorder un délai pour réfléchir sérieusement à votre situation et prendre une résolution définitive. Vous pouvez vous retirer et revenir quand'le temps sera venu. — Je ne demande aucun délai, répondit Photius. Je suis en votre puissance; vous êtes libres de me faire retirer ou de me rappeler suivant votre bon plaisir. — Qu'il sorte donc, dit le concile, et qu'il pense au salut de son âme. » Photius sortit; et après les acclamations habituelles, la séance fut levée 1. On n'avait pas eu le temps de faire comparaître de nouveau l'évêque Zacharie.
43. Six jours après, le 25 octobre 869, la sixième session s'ouvrit en présence de l'empereur Basile qui vint en personne prendre séance, accompagné d'un cortège nombreux et imposant. Cette démarche du César byzantin avait évidemment pour but de déterminer un mouvement de réaction parmi les évêques opposants qui jusque-là refusaient de se présenter au concile. La seule présence de l'empereur suffit pour accroître le nombre des pères qui de trente-cinq s'éleva tout à coup à quarante-cinq. Un discours d'apparat fut prononcé à la louange de l'auguste empereur par l'archevêque de Smyrne, Métrophane. Les légats apostoliques prirent ensuite laparole, et dans un résumé net et concis, exposèrent au prince l'ordre suivi jusque-là dans les travaux de l'assemblée. Ils déclarèrent en terminant que si Photius et ses adhérents persistaient dans
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1. Acl, vnr, Synod. gênerai.) loc. cit., col, 74-31,
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leur obstination, le concile ne pourrait plus les entendre et se verrait contraint de renouveler contre eux tous la sentence d'excommunication et d'anathème déjà prononcée par le souverain pontife. L'empereur saisit cette occasion pour demander que l'assemblée voulut bien surseoir aux mesures de rigueur, «ne doutant pas, ajoutait-il, que tous les scrupules qui retenaient encore un certain nombre d'évêques ne tombassent bientôt. » En effet, les évêques schismatiques jusque-là insensibles à toutes les exhortations, se présentèrent en masse, et furent introduits devant les pères. Quelques-uns firent immédiatement leur soumission et souscrivirent le formulaire de foi. Cependant la majorité se retrancha derrière des objections de détail. Les uns prétendaient que le patriarche saint Ignace avait signé spontanément un acte d'abdication et que dès lors Photius n'était point un usurpateur. D'autres objectèrent qu'ils avaient de bonne foi prêté serment entre les mains de Photius et qu'ils ne pouvaient, sans trahir leur conscience, abandonner son parti. L'empereur lut alors un discours pathétique, dans lequel, empruntant la parole de l'Apôtre, il se déclarait prêt à se faire lui-même anathème pour le salut des âmes entraînées dans le schisme, et pour le rétablissement de la paix au sein de l'église de Jésus-Christ. « Quittez, bien-aimés frères, leur dit-il, l'esprit de discorde et de contention, pour prendre l'esprit de charité et de mutuel support. Passez à la droite du père avec les élus; ralliez-vous au chef de l'Eglise, au successeur du bienheureux Pierre, prince des apôtres. Ne vous mettez point en peine du temporel ; s'il y a pour vous des sacrifices de ce genre à faire, j'ai entre les mains des compensations toutes prêtes. J'intercéderai de tout mon pouvoir auprès des patriarches vos pères, afin qu'ils usent d'indulgence et vous traitent favorablement. Un délai de sept jours vous est accordé encore pour prendre une résolution définitive. Profitez-en, et ne différez pas davanlage. » Le discours impérial fut acclamé avec enthousiasme et mit fin à la séance ‘.
44. La septième session s'ouvrit le 29 octobre et l'empereur y
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1.Acl. vin, Synod. gênerai., loc. cit., coi. 52-9",
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parut de nouveau avec son cortège officiel. Le nombre des pères qui prirent séance n'avait pas varié. En dépit de l'éloquence et des promesses impériales les fauteurs du schisme ne se soumettaient pas. A la demande de Bahanes qui prit la parole au nom du César son maître, on introduisit Photius. Celui-ci parut donc accompagné de Grégoire de Syracuse son partisan dévoué. Cette fois le schismatique patriarche avait changé de rôle et de système. Sous prétexte de soulager sa faiblesse, il entra appuyé sur un bâton long et recourbé assez semblable à la crosse dont se servaient les évêques d'Orient. On lui fit déposer cet emblème significatif par lequel il insultait l'auguste assemblée. Il commença ensuite un discours artificieux plein de récriminations contre l'autorité du siège apostolique. « En ce qui est contre la raison et les canons, disait-il, qu'on vienne de Rome ou de Jérusalem, fût-on un ange descendu du, ciel, je n'obéis pas ! — Quand il s'est élevé quelque schisme ou quelque hérésie au sein de l'Église, lui objectaient les pères, n'est-ce pas en se rattachant au siège de Rome et des autres patriarcats qu'on a trouvé le salut et la vérité? Aujourd'hui Rome, Antioche, Jérusalem, Alexandrie vous condamnent : quelle autorité pouvez-vous invoquer en votre faveur ? — Celle des canons, répondit le schismatique. Ils sont ma règle, ils sont mes juges ! » En présence de cette obstination, il ne restait plus qu'à fulminer la sentence. Les légats prirent la parole : « Nous ne prononcerons point, dirent-ils, un nouveau jugement ; mais nous allons promulguer celui qui a été porté depuis longtemps par le saint pontife Nicolas, et confirmé depuis par le pape Adrien. Nous ne pouvons nous écarter en rien de leur décision paternelle. Dites si vous approuvez cet avis, car notre sentiment est celui du siège apostolique que nous représentons. Si vous ne l'approuvez pas, nous nous élèverons comme sur une haute montagne au-dessus du concile, et nous publierons de toutes nos forces la sentence déjà rendue et déjà promulguée, avec la grâce du Saint-Esprit, par la voix de nos saints Pères Nicolas et Adrien. » Tous les Pères adhérèrent à cette doctrine 1. L'historien
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1. Art. vin, St/nml. gênerai., loc. cit., col. 100-U9.
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contemporain Nicétas ajoute que, pour mieux témoigner leur horreur pour le schisme, ils voulurent signer les anathèmes contre Photius en trempant leur plume non dans l'encre, mais, « ce qui fait frissonner, dit-il, dans le précieux sang de Jésus-Christ. » Les actes du concile ne parlent point de cet incident. Du reste, le fait n'eût pas été sans exemple. On se rappelle que le pape Théodore Ier avait signé de cette manière la condamnation du patriarche monothélite Pyrrhus.
— La huitième session tenue le 5 novembre suivant, en présence de l'empereur, ne fut que le corollaire de la précédente. On soumit à l'examen du concile les divers écrits de Photius, et entre autres une liste d'adhésions extorquées par le schismatique patriarche, à la suite de la sentence d'anathème qu'il avait jadis fulminée contre le pape saint Nicolas le Grand. » On y trouvait, disent les actes, les soucriptions du clergé, et des laïques de toute condition, depuis les sénateurs jusqu'au plus modestes artisans, corroyeurs, revendeurs, marchands de poisson, charpentiers, tailleurs, épingliers. » On voulut vérifier l'authenticité de quelques-unes de ces signatures ; elles étaient fausses, ainsi que la plupart des souscriptions du pseudo-synode imaginé par Photius. Tout ce fatras d'impostures fut livré aux flammes1.
45. Trois mois d'intervalle s'écoulèrent entre la huitième session et la neuvième qui se tint le 12 février 870. Les actes ne font connaître ni le motif de cette longue interruption ni les négociations qui ne purent manquer de s'établir durant un pareil délai. Nous croyons que ce fut pendant ce laps de temps que furent souscrites les nombreuses formules de foi dont parle le Liber Pontificalis et que l'empereur voulut plus tard retirer des mains les légats apostoliques. En effet le nombre des pères siégeant comme membres du concile s'élevait à plus de soixante-dix. Par conséquent, la grande masse des schismatiques avait dû faire acte de soumission et souscrire le formulaire prescrit par le pape Adrien. L'empereur n'assista point à cette séance qui fut entièrement consacrée à la lecture des lettres du patriarche d'Alexandrie Michel, dont l'archi-
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1 Art. vin, Si/notl. gênerai., lor. cit., col. 1J0-129.
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diacre et délégué Joseph venait d'arriver à Constantinople. Pour obtenir des Sarrasins la permission de faire ce voyage, Joseph avait dû, comme le prêtre Élie de Jérusalem, recourir à un prétexte qui en dissimulât le véritable objet. Il avait exposé à l'émir la détresse où se trouvaient les captifs chrétiens à Alexandrie, et le dessein d'aller recueillir dans la cité impériale les sommes nécessaires à leur rançon. Telle était la situation cruelle des patriarches d'Alexandrie sous la domination tyrannique des fils de l'Islam 1 !.
46. Enfin le 28 février 870, l'empereur Basile et son fils Constantin vinrent en personne assister à la Xe et dernière session. Parmi les sénateurs patrices et grands officiers qui les accompagnaient les actes signalent « les très-glorieux princes et apocrisiaires de l'illustre Louis empereur des Italiens et des Francs, savoir Anastase bibliothécaire de Rome, Suppo comte du palais, cousin de l'impératrice Ingelberge, et Everard maître d'hôtel. » On remarquera que les actes évitent soigneusement de donner à Louis son véritable titre d'empereur des Romains. A côté des ambassadeurs de Louis II figurent ceux de Michaël roi des Bulgares, dont le Liber Pontificalis nous a déjà entretenus. Cent dix pères siégèrent en cette séance finale. Vingt sept canons renfermant le jugement du concile furent lus, approuvés et souscrits par les légats, les partriarches, l'empereur Basile et les évêques. On y déclare que Photius n'a jamais été évêque, que les ordinations faites par lui sont nulles, ainsi que tous les actes de son intrusion. On le frappe lui et ses partisans d'excommunication. La primauté du siège romain, l'indépendance du pouvoir spirituel, la liberté des conciles sont reconnues et proclamées. On renouvelle la défense d'élever des néophytes à l'épiscopat. L'oubli de cette règle avait causé assez de désastres pour qu'on n'oubliât point de la formuler. Les actes du faux concile de 866 furent ensuite apportés dans l'assemblée. Jean, métropolitain de Sylée (Perge) en Pamphylie, présenta le livre qui les contenait. On le brûla avec tous les écrits mensongers et schismatiques de Photius. L'union de l'église d'Orient et de l'église
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1 Acl. vm, Si/nod. gênerai., loc. cit., col. 130-Hô,
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d'Occident était rétablie et le schisme terminé. L'emperenr Basile, voulant clore d'une manière solennelle et sanctionner par son autorité impériale les travaux du concile, prit la parole : «La paix est enfin rendue à l'Église, dit-il. Nous l'avons atteint, ce but de tous nos efforts, avec des peines infinies, au milieu d'obstacles qui ont paru insurmontables à nos prédécesseurs. Ministres de Dieu, évêques préposés au salut des peuples, conservez avec soin la doctrine du salut, ramenez les brebis égarées au bercail, maintenez l'union que vous venez d'établir. Quant à vous, magistrats, officiers, gouverneurs laïques constitués en dignité, souvenez-vous qu'il ne vous appartient pas de discuter les affaires de la religion. N'ayez pas la témérité d'attenter aux droits des évêques. Quelque médiocre que soit le mérite d'un prélat, il est toujours pasteur, tant qu'il enseigne la vérité. Gardez-vous donc de juger vos juges, et de vouloir conduire ceux que Dieu vous a donnés pour guides. » Ces sages avis, si longtemps méconnus et si vite oubliés, terminèrent le huitième concile général.
§ V. Synchronisme.
47. Le lecteur sait déjà quels tristes incidents signalèrent les derniers jours que les légats apostoliques durent passer encore à Cons- tantinople. Comme s’il eut voulu donner lui-même un éclatant démenti a ses propres paroles, l’empereur grec se fit le persécuteur le plus ardent de l'Église romaine avec laquelle il venait de renouer cette solennelle alliance. Ce changement d'attitude dans la question religieuse tenait à un revirement qui venait de s'opérer dans la politique byzantine. Les ambassadeurs de Louis II venus pour négocier le mariage de la fille de leur maître avec le prince impérial Constantin y mettaient une condition que Basile ne voulait point accepter. Il s'agissait d'envoyer en Italie une armée navale qui pût aider Louis II à chasser les Sarrasins de la Calabre et des provinces napolitaines. L'orgueil byzantin éprouvait une joie cruelle à voir les Sarrasins triompher d'un prince franc qui osait porter le titre d'empereur des Romains. Basile était donc loin de vouloir porter secours aux chrétiens d'Italie. L'alliance projetée ne devait
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point avoir lieu ; dès lors il était inutile de ménager le saint-siége. Les malheureux légats furent victimes de cette politique étroite et vindicative. Retenus deux ans captifs chez les Slaves, ils ne rentrèrent à Rome que le 22 décembre 871. Dépouillés de tout ce qu'ils possédaient et des actes mêmes du laborieux concile qu'ils venaient de présider, ils apprirent au pontife Adrien que l'Église romaine elle-même venait d'être indignement spoliée par l'empereur grec et de perdre sa juridiction sur la Bulgarie. Le pape s'empressa d'écrire à Basile pour protester contre cette perfidie sacrilège. «Nos légats, dit-il, nous sont enfin revenus, après une captivité de deux ans au milieu des peuples barbares. On s'étonne que vous n'ayiez pas mieux pourvu à leur sûreté. Après les avoir demandés avec tant d'empressement, vous deviez au moins suivre l'exemple de votre prédécesseur Michel, qui, malgré sa tyrannie, fit escorter ceux qui lui avaient été envoyés. Il y a encore un autre point sur lequel vous avez effacé toutes les marques de bonté que vous avez données au saint-siége ; c'est que notre frère Ignace a osé, avec votre assentiment, consacrer un évêque pour la nation des Bulgares. Mettez ordre à cet abus de pouvoir, et n'usurpez pas les droits de l'Église romaine, si vous voulez éviter la sentence canonique et la condamnation du saint-siége.» Cette réclamation demeura sans résultat ; et la Bulgarie s'est toujours reconnue sous la dépendance du siège de Constantinople.
48. Ce fut le dernier acte du pontificat d'Adrien II, qui mourut le 25 novembre 872. L'année précédente, les Normands avaient fait une descente en Angleterre. Ils détruisirent les monastères de Lindisfarn, de Tynemouth, de Jarow, de Wearmouth, de Streneshal et d'Elhi, et mirent à mort tous les religieux. A l'approche de ces redoutables pirates, sainte Ebba, abbesse de Collingham, réunit ses religieuses, les exhorta à sauver leur honneur au péril même de leur vie. Leur montrant elle-même l'exemple, elle se coupa le nez et la lèvre supérieure. Ses compagnes l'imitèrent. Le lendemain les Normands arrivèrent, un pareil spectacle n'attendrit point leurs cœurs farouches. Ils mettent le feu au monastère et jettent dans les flammes ces vierges héroïques, dignes des noces de l'A-
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gneau. A Croyland, l'abbé Théodore fut égorgé sur l'autel. Saint Edmond, roi d'Estanglie, eut le malheur de tomber entre les mains des barbares qui l'attachèrent à un arbre et le percèrent à coups de flèches. C'est ainsi qne l'Église voyait, à chaque siècle, couler le sang de ses fils; mais ce sang retombait sur les persécuteurs en une rosée de grâces et de salut, et les victimes allaient au ciel prier pour la conversion de leurs bourreaux. Les Normands, profitant de la faiblesse de Charles le Chauve, ne traitaient pas mieux la Gaule que l'Angleterre. Les Francs, indignés que le petit-fils de Charlemagne n'opposât que de l'or au lieu de fer, à ces redoutables ennemis, offrirent la couronne de Neustrie à Louis le Germanique (856-858). Celui-ci s'avança jusqu'à Ponthyon, où la plupart des seigneurs vinrent le rejoindre. Charles le Chauve se présenta pour combatre à Brienne. Mais, par défiance, soit de lui-même soit de ses troupes, il fit retraite, laissant tout le royaume à son rival. Louis le Germanique, maître de la couronne, ne pensa pas plus que son rival vaincu à la défendre contre les Normands. Les bandes germaniques aigrirent, par leur fierté, les Neustriens ; et Charles le Chauve recouvra, sans combat, comme il l'avait perdu, un trône dont il était si peu digne. Les Normands croissaient en nombre comme en audace. Un essaim de ces pirates occupait l'île d'Oissel, dans les environs de Paris, qu'ils n'avaient pas quittés depuis 856. Une autre troupe avait remonté la Somme, pillé Amiens et répandu la terreur dans la Picardie. Charles le Chauve, pensant à détruire les Normands par les Normands eux-mêmes, offrit à ceux de la Somme trois milles livres pesant d'argent, pour chasser ceux de la Seine. L'arrangement fut conclu. Leur chef, Wieland, les conduisit dans l'île d'Oissel, qu'il força : mais bientôt les deux troupes se réunirent pour n'en faire qu'une, qui, loin de quitter la France, s'établit sur les rives de la Seine, depuis son embouchure jusqu'à Molun (861). Robert le Fort, comte d'Anjou, tige de la troisième dynastie de nos rois, faisait plus que Charles le Chauve pour la défense du territoire. Charles l'en récompensa par le gouvernement du duché de France (pays compris entre la Seine et la Loire). Malgré la valeur de Robert, Hastings, ancien paysan des environs
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de Troyes, devenu l'un des chefs les plus redoutables des Normands, força, par ses dévastations, le roi de France à signer avec lui le plus humiliant de tous les traités. Il obtint quatre mille livres pesant d'argent, la restitution ou la rançon de tous les Francs qui, faits prisonniers, avaient réussi à s'échapper de leurs fers ; une composition (amende) pour chaque Normand, tué dans les dernières invasions par les Francs. Telles furent les clauses honteuses que Charles le Chauve ne rougit pas d'accepter. Dès que la somme fut intégralement payée, les Normands de la Seine se retirèrent. Ceux de la Loire continuèrent leurs brigandages. Robert le Fort les attaqua avec sa valeur accoutumée; mais il périt à Brissarthe (8GG) de la main du farouche Hastings.