Darras tome 18 p.591
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III. Photius.
22. La question du rétablissement de Photius un instant consenti par Jean VIII a été souvent exploitée par les ennemis du saint-siège dans le sens d'une défection qui rappellerait les prétendues chutes des papes Vigile et Honorius. Il importe donc de mettre sous les yeux du lecteur tous les documents propres à éclairer sa religion et à justifier de ces accusations posthumes la mémoire de Jean VIII. De nos jours, un travail complet sur cette matière a été entrepris par un historien non moins érudit qu'impartial, le regrettable monseigneur Iager, récemment enlevé à des études qui firent l'honneur de sa vie. Dans son «histoire de Photius, » œuvre capitale, où chaque détail de la biographie du schismatique patriarche est mis en relief avec une science consommée, monseigneur Iager ne laisse rien subsister des griefs si longtemps reprochés à Jean VIII, et éclaire d'un jour tout nouveau ce côté jusque-là resté obscur des intrigues de Photius. Immédiatement après la condamnation portée contre lui par le VIIIe concile œcuménique, Photius avait été exilé à Sténos (870), obscure retraite d'où son insatiable ambition ne devait pas tarder à agiter de nouveau tout l'Orient. Une âme moins inquiète eût peut-être, soit par lassitude, soit par dégoût, essayé d'une vie calme et ignorée, ensevelissant dans l'ombre ses regrets, cachant son ignominie dans le silence, demandant à l'étude, au repentir et à la prière les seules vraies consolations. Pour Photius, l'un des génies les plus lettrés de cette époque, son « Myriobiblon 1 » en est la preuve, l'étude offrait certainement des ressources incomparables; mais elle ne lui suffisait pas ou plutôt elle n'était pour lui qu'un marchepied conduisant au pouvoir. L'idée schismatique d'un pontificat byzantin se substituant au siège apostolique de Rome, usurpant les promesses d'infaillibilité données par Jésus-Christ à Pierre et à ses successeurs légitimes, s'était incarnée dans la personne de Photius, qui restera à jamais le type le plus accompli du schisme grec.
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1 Pair, ijrtec, tom.CIIÏ, et CIV,
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23. Il n'était pas homme à s'abandonner au découragement et à l’oisiveté de l'exil ; son activité sembla au contraire doublée par la solitude ; il réussit à transformer sa retraite de Sténos en une Pathmos nouvelle et à se faire un titre de gloire des justes condamnations qui l'avaient frappé successivement sans dompter son énergie ni abattre son courage. Du fond de son désert, il entretenait avec tous les diocèses et monastères de l'Orient une correspondance que nous avons encore et dans laquelle il déploie une souplesse, une habileté, un art infinis. Toujours maître de son expression, il la modère et la façonne avec une exquise délicatesse. Pour lui, les pères du VIIIe concile œcuménique, devant lesquels il avait fait cependant si triste figure, ne sont autre chose que le sanhédrin juif, gouverné par de nouveaux Caïphes et Pilates, condamnant l'innocence sans l'entendre et envoyant la vertu au Calvaire. «Parmi ces juges gravement assis sur le siège du tribunal, dit-il, on voyait des scélérats qui avaient vingt fois mérité la mort. On faisait comparaître devant eux des justes, des saints, des hommes dont le monde n'est pas digne, et les scélérats prononçaient contre eux des sentences de proscription et d'anathème. Ce scandale vous révolte, frères bien-aimés; ne croyez pas cependant que la longanimité de notre Dieu, patient parce qu'il est éternel, soit une preuve que sa providence abandonne pour jamais au caprice et à l'iniquité des mortels le gouvernement des choses humaines. Il dispose tout pour le plus grand bien spirituel de ses élus et garde dans ses décrets impénétrables le dernier mot de l'avenir. À Jérusalem, au temps de la passion de mon divin maître, Anne, Caïphe et Pilate n'étaient-ils pas juges? ne condamnaient-ils pas notre maître à tous, notre sauveur et notre juge suprême? Etienne, le premier des martyre ; Jacques, le premier des évêques; Paul, le docteur des nations, furent-ils épargnés par la synagogue maudite? Ne vous étonnez donc point si la cruauté et la rage impuissante des persécuteurs ont de nouveau éclaté dans cette brillante assemblée qu'on décore du titre pompeux de concile oécuménique. Là, des enfants d'Ismaël se sont levés contre les véritables fils de la promesse; là, les bourreaux, travestis sous la robe de juges, ont
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condamné sans les entendre les confesseurs et les martyrs de Jésus-Christ. Leur concile, ai-je dit, il faut l'appeler de son nom véritable : ce fut un brigandage de barbares. On n'y produisit ni témoins, ni accusateurs; toutes les formes les plus élémentaires du droit religieux, ecclésiastique ou civil, y furent brutalement foulées aux pieds. Les courageux athlètes, les disciples du Christ notre divin maître, y furent traînés par des escouades de soldats tenant l'épée nue au poing et les menaçant de mort dès qu'ils ouvraient la bouche. On faisait tenir debout, en les accablant d'outrages, ces nobles victimes durant des séances qui se prolongeaient huit ou neuf heures consécutives, sans se lasser de les couvrir d'opprobres, de les rassasier d'outrages. On lisait des lettres écrites en langue barbare, dont le sens blasphématoire ne se révélait aux patients que par les gestes frénétiques du lecteur et des prétendus juges qui d'ailleurs n'en comprenaient pas un mot. C'était vraiment un spectacle, mais un spectacle horrible, atroce, qui finissait tard, quand les victimes tombaient épuisées de lassitude et de faim. Alors les juges, dans une rage insensée, se levaient en vociférant comme dans les scènes des bacchanales et criaient à pleins poumons : « Nous ne sommes pas venus ici pour juger; nous vous avons déjà condamnés; il faut vous soumettre de bon gré à la sentence. »
24.
Par ces fragments de la correspondance de Photius, on peut juger à la fois et du genre d'éloquence et de l'hypocrisie du sectaire. Sur
ce thème, une fois adopté, il ne tarit plus. Ses variantes sont toutes pleines
de la même véhémence et du même fiel. « Un concile hérétique, un sanhédrin d'iconoclastes, dit-il ailleurs, nous a frappé
d'anathème, nous et notre vénérable père et prédécesseur, le patriarche de
sainte mémoire Taraise, ce confesseur de la foi véritable, ce martyr de
l'orthodoxie, cette gloire de l'épiscopat
Catholique. Mais leur anathème a un effet bien différent de celui qu'ils en
attendaient. Il nous confirme, comme malgré nous et en dépit de notre indignité
personnelle sur le siège épiscopal dont ces insensés voulaient nous faire
descendre. — Il y eut un temps où l'anathème était vraiment une peine
formidable. C'est quand les pontifes orthodoxes, les prédicateurs de la foi sainte, le fulminaient
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contre des hérétiques et des impies. Mais aujourd'hui cette arme est tombée entre les mains des scélérats dont elle sert les fureurs et canonise les victimes.» Parfois Photius mêle à ses imprécations des retours attendrissants sur sa situation personnelle et sur les souffrances qu'il endure pour la cause de la justice et de la vérité. «La passion, dit-il, se porte aux derniers excès; le mal est à son comble ; les persécutions dont on m'accable ne sauraient plus augmenter. Si je n'avais confiance au Dieu qui protège les innocents, il ne me resterait d'autre ressource que le désespoir. Je suis environné de pièges, de menaces et de terreur, à tel point que tout ce que j'ai souffert jusqu'ici n'est rien en comparaison de ce qu'il me faut maintenant endurer. Où cela s'arrêtera-t-il? La mort que les bourreaux me préparent, en leur ôtant à eux-mêmes le pouvoir de me torturer, me délivrera peut-être bientôt de mes souffrances. » A la même époque, Jean d'Héraclée, condamné et exilé comme lui, avait adressé une lettre à Photius qui s'empressait de répondre en ces termes : « Tous déplorez vos infortunes, comme si elles étaient individuelles; vous ignorez sans doute les nôtres. Si vous saviez ce que nous souffrons et quelles sont nos angoisses et nos épreuves de chaque jour, vous cesseriez de nous entretenir de vos maux pour compatir à ceux qu'on nous inflige. L'orage passe sur notre tête, la foudre gronde sans cesse autour de nous. Que faire? Lutter comme de vrais soldats de Jésus-Christ, sachant bien, selon le mot de l'Ecriture, que cette vie mortelle est une vie de combats et de souffrances, mais que la récompense éternelle nous attend dans les bras de la miséricorde divine. » Ailleurs, Photius fait un tableau saisissant de sa détresse et de celle de ses amis. « La maladie use nos forces, dit-il, les souffrances morales nous torturent l'âme, et notre vie s'épuise dans une souffrance sans espoir. Tout se réunit pour raviver nos douleurs, l'absence de nos amis, les tortures infligées à nos serviteurs, leur captivité, la dispersion de nos familles, la persécution qui frappe nos parents, le dénûment absolu, le manque des choses les plus nécessaires à l'existence matérielle, sans compter la confiscation de nos livres, la destruction des autels et des monastères où de saintes âmes continuaient à prier pour nous,
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Je ne parle point des jugements, interrogatoires, poursuites judiciaires, enquêtes frauduleuses, condamnations quotidiennes prononcées sans témoins, sans procès, sans accusateurs, non-seulement contre moi, mais contre mes proches, mes amis, mes serviteurs, contre tous ceux enfin qui ont commis le crime de ne m'avoir pas entièrement banni de leur souvenir. Nous sommes environnés de troupes, de gardiens, de geôliers et de magistrats. Comment une âme percée de tant de glaives ne s'arrache-t-elle pas du corps ? c'est ce que je ne puis concevoir. »
25. Malgré les mesures prises pour tenir au secret l'intrigant exilé, il recevait chaque jour des visiteurs et nul mieux que lui n'était au courant des divers incidents de la politique byzantine on de l'histoire contemporaine. Cette facilité de communications tenait sans doute à la connivence d'une foule de fonctionnaires appartenant à toutes les classes de la hiérarchie ; peut-être même faudrait-il en faire remonter la responsabilité jusqu'à l'empereur Basile lui-même; tant il y avait de fourberie et d'impostures dans le génie grec. Le proscrit de la veille pouvait devenir le favori du lendemain ; les revirements de ce genre remplissent l'histoire du bas-empire. C'était donc un axiome politique de ménager les rigueurs officielles de telle façon qu'elles pussent à un moment donné se transformer en un retour de faveur. Grâce à ce système, qu'on appellerait de nos jours un système de conciliation, rien n'était définitif dans les affaires politiques et religieuses de l'Orient, ou plutôt l'instabilité y était érigée en principe et devenait l'unique loi des gouvernements, l'unique règle de conduite des sujets. On comprend dès lors comment Photius pouvait multiplier ses correspondances et entretenir à son aise l'agitation des esprits en sa faveur. Les circonstances lui vinrent en aide. Quelques mois après sa condamnation par le VIIIe concile œcuménique un tremblement de terre effroyable se fit sentir à Constantinople. Des rues entières furent couvertes par la ruine des édifices écroulés; on crut un instant que la basilique de Sainte-Sophie ne résisterait pas à la commotion. Mais un grand nombre d'églises dans les diverses quartiers de la ville furent renversées; le palais patriarcal éprouva de telle se-
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cousses que sa toiture toute en plomb fut jetée à terre d'un seul bloc. L'obélisque triomphal érigé au centre de l'hippodrome eut le même sort et l'on compta par milliers les victimes du désastre. A cette nouvelle, Photius, écrivait au diacre et archiviste byzantin Grégoire : « A Dieu ne plaise que je veuille croire que la noble cité impériale ait été punie pour les maux qu'on me fait souffrir! Je vous supplie, vous-même, d'éloigner de votre esprit une telle pensée. Malgré mes tortures, telles qu'aucune langue ne saurait les exprimer, qui suis-je pour que le Seigneur daigne s'armer pour ma défense ? Cependant si nos persécuteurs sont punis pour avoir dans toute l'étendue de l'empire dépouillé les temples, profané les mystères chrétiens, chassé les évêques et les prêtres, je ne puis qu'adorer en silence la main toute-puissante de notre Dieu. Mais en même temps je lui rends mille actions de grâces de ne m'avoir pas rendu spectateur d'un spectacle si déchirant. C'en est donc fait; la cité de Constantin n'est plus qu'un vaste tombeau. Des lamentations ont remplacé la psalmodie sainte ; les maisons, les églises, sont renversées; le sol reste béant, entr'ouvert par des crevasses qui sillonnent toutes les rues. Si j'avais encore la charge patriarcale, quelle ne serait pas mon anxiété pour le sort de tant de pécheurs subitement appelés à comparaître devant le souverain juge! Quelles ne seraient pas mes angoisses à la vue de tant de misères à secourir, d'infortunes à soulager ! Mais Dieu dans sa miséricorde infinie m'a délivré d'une responsabilité si accablante. »
26. Rien ne saurait être mieux calculé qu'une telle lettre ; elle devait nécessairement attendrir tous les coeurs en faveur du charitable Photius. D'autres circonstances lui fournirent un prétexte pour s'adresser directement à l'empereur lui-même. On sait que Basile avait provoqué chez les Bulgares le mouvement sécessioniste à la suite duquel cette province se détacha de l'église romaine pour se soumettre à la juridiction du patriarcat de Constantinople. Le pape Adrien II avait énergiquement protesté contre cette indigne manœuvre. Jean VIII son successeur fit de même; tous deux menaçaient d'excommunier le patriarche Ignace s'il se permettait la moindre ingérence dans l'administration ecclésiastique de la Bul-
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garie, Photius ne tarda guère à être informé de la teneur des lettres apostoliques. Ses partisans et lui-même sentirent renaître leurs espérances. S'il arrivait qu'Ignace vint à être frappé d'une sentence de déposition par le souverain pontife, le trône patriarcal redevenait vacant, et l'empereur pourrait en disposer en faveur de Photius. Restait à ce dernier à reconquérir par tous les moyeus possibles les bonnes grâces impériales. Dans ce but, l'exilé de Sténos écrivit à Basile la lettre suivante : «Écoutez-moi, très-clément empereur; je n'invoque pas en ce moment notre ancienne amitié, ni les serments solennels prêtés et reçus, ni l'onction sainte et le couronnement, ni les saints mystères que vous avez reçus de mes mains, ni le chrême que j'ai conféré au César Constantin, votre auguste fils. Ce n'est point à l'empereur, c'est à l'homme que je m'adresse. Tous les humains, grecs ou barbares, ont la charité de tuer d'un coup les condamnés à mort; mais ils ne laissent pas mourir de faim ceux auxquels ils veulent laisser la vie. Il était réservé à moi seul de voir se prolonger une existence plus cruelle que la mort. Captif, dénué de tout, sans parents, ni amis, ni serviteurs, je suis au ban de toute société humaine. Quand on traîna le divin Paul au supplice, les païens ses bourreaux permirent aux disciples de l'apôtre d'accompagner leur glorieux maître et de le servir jusqu'au dernier moment. On trouverait peut-être en parcourant l'histoire quelque exemple isolé d'un ou deux scélérats exceptionnellement traités de cette sorte, mais appliquée à un évêque cette mesure est sans précédents. On nous a tout ôté, jusqu'à nos livres. Est-ce pour nous priver même de la parole de Dieu? Si j'ai mal agi, il faudrait au contraire me donner plus de livres et plus de maîtres pour m'apprendre ce que j'ignore, et réformer soit ma conduite, soit ma doctrine. Athanase persécuté par les Ariens, Jean Chrysostôme, Plavien, cet héroïque confesseur, n'ont pas été privés de leurs livres, consolation suprême de la prison ou de l'exil. Et s'il paraît téméraire à moi de citer ces noms glorieux, je prendrai d'autres exemples. L'impie Nestorius a été exilé ; Dioscore, Pierre Mongo et tant d'autres hérétiques fameux furent proscrits, cependant personne n'a songé à tenir leurs livres en captivité. Mais, hélas! quand
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il s'agit de moi, tout est nouveau, tout prend un caractère plus cruel
et plus tragique. Renfermé dans un cachot, délaissé de l'univers entier, sans
même un serviteur, je me vois encore privé du secours des prières que les
moines faisaient à Dieu pour le salut de mon âme. On les a bannis sans miséricorde,
on a pillé leurs abbayes, confisqué leurs biens, vendu à l'encan leurs
domaines. Jusqu'ici on n'avait point encore inventé des supplices pour
crucifier l'âme. Ce raffinement dans l'art des tortures devait m'être appliqué
pour la première fois. Je souffre des maux qui m'atteignent personnellement,
mais je souffre bien plus encore de ceux qu'on inflige à de saints et vénérables religieux dont le seul crime est de ne pas me maudire. Et
comment veut-on qu'ils me maudissent? C'est moi qui avais fondé et doté leurs
pieux asiles : je l'ai fait, et je n'ai point la présomption d'en tirer quelque
gloire ; je l'ai fait pour le rachat de mes fautes, pour obtenir de Dieu la
rémission de mes péchés. Et maintenant, ô empereur, je vous fais une prière aussi nouvelle que l'est ma
situation : Mettez un terme à mes tourments, ou faites-moi sur-le-champ trancher
la tête. Respectez en votre captif la nature humaine qui lui est commune avec vous,
les droits de citoyen romain qu'il partage avec tous les sujets de votre
empire. Que la postérité ne puisse pas un jour dire de vous : Il y eut à
Constantinople un empereur qui signala les débuts de son règne par la douceur
et la clémence, mais qui condamna depuis à l'exil, à la misère, à une mort
lente et cruelle, un archevêque son ami, un patriarche des mains duquel il
avait reçu l'onction du sacre, le diadème impérial, le titre de César Auguste. »
27. Tant d'éloquence ne fut pas complétemeni perdue; elle émut le cœur de Basile, et quand l'intrigue de la fausse généalogie dressée par Photius vint à se produire les dernières résistances tombèrent; l'exilé de Sténos fut rappelé et rentra triomphant au palais impérial. Tout un plan de conduite était fixé d'avance dans son esprit. Il lui fallait s'assurer des amitiés fidèles dans le clergé de Constantinople, entourer Basile de confidents dévoués à sa propre fortune et parvenir à faire déposer le pasteur légitime saint Ignace qui vivait encore afin d'usurper de nouveau le siège pa-
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triarcal. Le prêtre Théophane, qui cumulait près de Basile les fonctions d'aumônier et de bibliothécaire, avait puissamment contribué au succès de l'imposture généalogique. Photius acheva de le gagner à sa cause en lui promettant le siège métropolitain de Césarée en Cappadoce : le traité simoniaque fut conclu et reçut de part et d'autre une fidèle exécution. Un marché du même heure fut passé avec un moine intrigant de l'abbaye de Studium, nommé Santabaren, vieillard d'une physionomie vénérable qui passait pour un modèle de vertu et n'était qu'un misérable hypocrite. Photius le sacra évêque, mais sans pouvoir encore lui donner de siège épiscopal. Avec le secours de ces deux auxiliaires auxquels l'empereur accordait toute sa confiance, Photius essaya de déterminer le prince à déposer Ignace. Mais Basile résista d'une façon si nette qu'il fallut abandonner cette partie la plus essentielle du plan primitif. La mort du saint patriarche, survenue le 23 octobre 878, apporta aux conjurés une solution tellement conforme à leurs vœux qu'on les accusa de n'y avoir pas été étrangers. Quoiqu'il en soit, trois jours après les funérailles d'Ignace, Photius, soutenu par l'empereur, se remit en possession du siège patriarcal. Il entra dans la basilique des apôtres, escorté d'une légion de soldats, au moment où l'on célébrait les saints mystères. Les officiants s'enfuirent laissant le sacrifice inachevé et prirent la fuite. Mais Photius avait des moyens expéditifs pour rallier les opposants et briser leur résistance. L'exil, la flagellation, les fers, toutes les tortures dont il faisait naguère une peinture si émouvante dans sa retraite de Sténos, devenaient pour lui d'excellentes mesures de gouvernement. La terreur lui ramena les uns, les caresses lui ramenèrent les autres; Santabaren devint archevêque de Nacolie et Basile obtint sa métropole de Gésarée.