Darras tome 7 p. 589
18. Voilà donc cet oixétès, ce familiaris, ou peut-être cet intendant de Carpophore (le mot grec se prête aux deux sens), transformé par le courtisan de César en un banquier. C'est le pamphlétaire qui le dit, mais il ajoute, immédiatement après, que « les frères et les veuves » de l'Église romaine déposèrent en peu de temps des sommes considérables à la banque de Calliste, sur la place de la Piscina Publica; qu'ils les remirent entre ses mains avec d'autant plus de confiance que ses opérations financières étaient couvertes par l'autorité du nom de Carpophore. Ce détail est important. Les veuves, nous le savons, étaient chargées, en qualité de diaconesses,
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de réunir et de centraliser, seus la direction de l'évêque, les deniers de l'aumône destinés à secourir les chrétiennes indigentes ; les diacres avaient les mêmes attributions vis à vis des frères. Carpophore avait donc été jusque-là ce qu'on appellerait aujourd'hui le banquier de l'Église. Il crut devoir charger exclusivement Calliste de cette partie de ses opérations financières. Or, quiconque a la moindre notion de cette chose délicate qui s'appelle, en terme commercial, le crédit, comprendra que, pour être appelé à de telles fonctions, il fallait que Calliste eût, dès cette époque, la plus honorable notoriété dans l'Église romaine. Cependant nous arrivons subitement à la catastrophe. « Il perdit tout, dit le pamphlétaire, et se trouva dans le plus grand embarras. » O dèexaphanisas ta panta èporei. Comment le perdit-il? A quoi? Dans quelles circonstances? Pourquoi si rapidement? Où sont passées, en quelques jours, ces sommes énormes, remises par les veuves et les frères ? L'auteur des Philosophumena n'en dit pas un mot. « Tout avait disparu. » Quel laconisme ! C'est pourtant là le nœud de la question. Si Calliste a été coupable, c'est à ce moment qu'il dut l'être. Un financier peut être victime d'un revers, sans que sa probité et son honneur soient le moins du monde entachés. Ajoutons que l'auteur des Philosophumena, se trahissant lui-même, reconnaît un peu plus loin que Calliste n'avait rien détourné à son profit, puisque le pape Victor est obligé de lui assigner une pension mensuelle pour le faire vivre à Antium. Nous avons donc la preuve explicite que Calliste ne fit point ce qu'on appellerait aujourd'hui une banqueroute frauduleuse, et, implicitement, nous sommes certains que, dans le brusque revers qui atteignit Calliste, rien ne fut de nature à atteindre en quoi que ce soit son honneur, parce que, s'il en eût été autrement,
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1 On ne voit pas, en effet, après la prétendue banqueroute racontée par les Philosophumena, un seul païen intervenir, à côté de Carpophore, pour revendiquer un droit sur le dépositaire infidèle, le mettre en état d'arrestation, ou lui intenter une action devant les tribunaux. Si Calliste eût été un banquier ordinaire, recevant de toutes mains, le fait eût dû nécessairement se produire. La banque de Calliste était donc un établissement à l'usage des chrétiens, et cette particularité est intéressante à noter pour l'histoire générale.
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le pamphlétaire avait trop d'intéiêt à le dire pour nous le laisser ignorer. Si, par exemple, Calliste eût dissipé en folles dépenses, en festins somptueux, en vaine ostentation, en débauches, les deniers de la charité chrétienne, à qui fera-t-on croire que l'auteur des Philosophumena en eût gardé le secret? Cette réticence calculée, ce laconisme étrange, sont tout à l'honneur de Calliste, et l'histoire peut facilement suppléer au silence du pamphlet. La création d'une banque, où venaient chaque jour ostensiblement «les frères et les veuves, » suppose une période de paix et de tranquillité pour l'Église. Cette donnée incontestable va nous permettre d'établir une base chronologique, autour de laquelle graviteront les événements, tels que les raconte ou les sous-entend l'auteur des Philosophumena. Nous savons qu'entre la troisième persécution générale terminée par l'édit d'Antonin le Pieux (143-143), et la quatrième inopinément reprise par Marc-Aurèle, (165-170), il s'écoula un intervalle de vingt années de paix. L'Église dut alors étendre librement à Rome son influence et ses relations sociales. Mais, vers l'an 170, quand le sang des martyrs coulait à flots sur tous les points du monde ; que Justin et ses disciples avaient la tête tranchée par ordre du préfet Rusticus ; alors tout ce qui portait le nom de chrétien, les institutions, les établissements qui en reflétaient le caractère, ou en attestaient l'expansion, durent être subitement frappés soit directement par les persécuteurs eux-mêmes, soit indirectement par le discrédit général qui accompagne une disgrâce officielle. C'est là qu'il faut chercher le véritable motif de la ruine soudaine de cette banque de Calliste à la Piscina Publica. D'après ce calcul, le fait aurait eu lieu la première année du pontificat d'Eleuthère (170).
19. Quant à Carpophore, présenté par l'auteur des Philosophumena comme un chrétien fervent, il est fort à craindre qu'il n'ait joué en cette circonstance le rôle équivoque d'un semi-apostat, qui n'osait ni compromettre sa position vis à vis de César en s'avouant chrétien, ni perdre son crédit financier vis à vis des chrétiens en rompant avec eux ses relations. Ce qui le fâche surtout, c'est que les « veuves et les frères » mettent son nom en avant. Son unique préoccupation est de les faire taire. Après qu'il a suffisamment, aux
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yeux des païens, rétabli sa réputation par l'arrestation publique de Calliste, au milieu d'un port de mer très-fréquenté, et par ses rigueurs envers le dépositaire chrétien qu'il envoie ostensiblement tourner la meule ; il se relâche, sans beaucoup de peine, à la prière des chrétiens, de cette sévérité officielle. Mais voilà que Calliste est traîné au tribunal du préfet de Rome Fuscianus et juridiquement accusé de porter son fanatisme chrétien au point de troubler les Juifs dans l'exercice légal de leur culte, au milieu de la synagogue. Il faut en convenir, cela ne regardait plus aucun intérêt financier. Cependant Carpophore accourt. Tout le monde à Rome connaît ses relations avec Calliste. S'il est établi juridiquement que Calliste est chrétien, on ne manquera pas d'en conclure, et avec raison, que Carpophore doit l'être également. A tout prix, le familier de César conjurera ce danger. Il apparaît au tribunal et adresse à Fuscianus Cette absurde parole : « Seigneur, n'écoutez pas un mot de ce que vous dira cet homme. Il n'est pas chrétien, comme il le prétend. C'est un misérable qui cherche une occasion de mourir. Il a dissipé une somme considérable que j'avais remise entre ses mains. Je le prouverai. » — Fuscianus ne crut point Carpophore ; les Juifs accusateurs de Calliste ne le crurent pas davantage ; le clergé et les fidèles de Rome, dont les suffrages, quarante ans plus tard, appelaient Calliste au trône pontifical, ne le crurent pas non plus ; et, malgré l'auteur des Philosophumena, nul esprit sensé ne le pourra croire. Qui jamais a songé à cette nouvelle forme de suicide consistant à entrer dans une synagogue juive pour y prêcher le nom de Jésus-Christ ! Saint Paul, tous les apôtres, l'avaient fait mille fois, sans qu'il en résultât pour eux la mort. Même pour Calliste, ce singulier subterfuge ne réussit point. Au lieu d'une sentence capitale, Fuscianus prononça seulement la double peine de la flagellation et de l'exil aux mines de Sardaigne. Mais l'auteur des Philosophumena tient à son accusation de suicide ; il l'avait déjà formulée, une première fois, à propos de l'arrestation de Calliste en rade d'Ostie. Cela nous rappelle l'insinuation sacrilège du rationalisme, vis à vis de Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même. Un acccident tout involontaire, survenu à Calliste, aura sans doute été
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transformé par le pamphlétaire en une tentative de suicide, comme si l'on ignorait qu'en plein jour, au miliou d'un port sillonné de barques et couvert de navires, il y a quatre-vingt-dix-neuf chances contre une qu'un homme tombé à la mer sera immédiatement sauvé. Si Calliste avait eu le criminel dessein d'en finir avec la vie, les occasions ne lui manquèrent point dans les mines de Sardaigne, où il resta depuis l'an 170 jusqu'en 185, date de sa délivrance, sous le règne de Commode. En quinze ans de travaux forcés, dans les excavations souterraines d'où les malheureux captifs extrayaient le fer, le plomb, le cuivre, le marbre et les améthystes destinés aux constructions de Rome et au luxe des patriciens, Calliste ne songea point cependant à profiter d'un des éboulements qui se produisent en si grand nombre dans des exploitations de ce genre, pour se dérober par la mort à tant de souffrances et de misères. Il y vécut en compagnie des « autres martyrs 1, » c'est l'auteur des Philosophumena qui nous l'apprend lui-même. Et l'on ne voit pas que ces héroïques confesseurs de la foi aient rejeté de leur société intime ce banqueroutier, ce voleur, ce monomane de suicide. Quand le prêtre Hyacinthe, envoyé par Marcia et porteur des lettres impériales de rémission, vient enfin, accompagné du gouverneur de Sardaigne, briser les chaînes des captifs, Calliste revendique hautement sa qualité de chrétien. Les autres martyrs ne répètent pas le mot de Carpophore : « Cet homme ment, il n'est pas chrétien. C'est un dépositaire infidèle justement condamné pour ses rapines. » — Mais enfin, dira-t-on, la liste des martyrs, apportée par le prêtre Hyacinthe et remise au gouverneur de Sicile, ne portait point la nom de Calliste. Cependant Marcia s'était adressée au pape Victor pour avoir le catalogue officiel des martyrs. Calliste n'était donc pas, aux yeux de saint Victor, un véritable confesseur de la foi, et les notarii de l'Église romaine ne lui avaient point accordé ce titre. Voilà bien en effet ce que voulait prouver l'auteur des Philo-
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1. Le fait historique d'une rélégation de confesseurs de la foi en Sardaigne, durant onze années consécutives, est important à noter pour l'histoire des origines chrétiennes de cette île et de celle de Corse, qui n'en est séparée que par le détroit de Bonifacio de 12 kil. de large.
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sophumena. Le soin avec lequel il développe cette accusation prouve qu'elle contredisait directement l'opinion contemporaine. Dès lors, il doit y avoir dans son récit un sous-entendu que nous croyons encore très-facile de rétablir. La conviction générale des chrétiens de Rome était que « Calliste avait confessé la foi, sous le préfet Fuscianus 1. » Or, cette conviction n'aurait pu naître, se fortifier et devenir générale, si le nom de Calliste n'eût point été enregistré au catalogue officiel des confesseurs. Pour la combattre, l'auteur des Philosophumena avait un moyen fort simple, c'était d'en appeler au catalogue lui-même. Il ne le fait pas : c'est donc qu'il ne le pouvait faire sans s'exposer à un échec. Il croit arriver à son but par une voie détournée, et il s'efforce, par une confusion habile, d'établir l'identité de la liste présentée par le prêtre Hyacinthe au gouverneur de Sicile avec le catalogue officiel des confesseurs de Rome. Telle est évidemment sa tactique. Pour nous, nous croyons que la liste remise à Marcia par le pape saint Victor comprenait réellement le nom de Calliste, et nous soupçonnons, avec quelque fondement, que ce nom ne fut point inséré dans les lettres de grâce, par l'influence du familier de César, Carpophore, dont la conduite équivoque vis à vis des chrétiens, durant la persécution précédente, avait dû affaiblir le crédit financier près « des frères et des veuves, » et dont l'auteur des Philosophumena atteste la haine persistante contre Calliste.
20. Cette conjecture se fortifie, à mon sens, par la singulière attitude que le pamphlétaire donne aux trois personnages principaux de son roman, après le retour de Calliste à Rome. D'un côté, Carpophore continuait à manifester une vive irritation contre Calliste; ce qui achève, croyons-nous, de démontrer que Calliste n'était point l'esclave de Carpophore, puisqu'alors ce dernier l'aurait eu sous sa main, l'eût enfermé dans son ergastulum, et aurait eu facilement raison d'un esclave deux fois fugitif, par conséquent deux fois passible en droit de la peine de mort, au gré de son maître. Calliste, de retour à Rome, y vécut complètement indépendant de
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1 Oi-.o; £u.asvjf.i]asv liù. «taox-.avoO. (Philos., lib. IX, cap. II.)
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Carpophore ; donc il n'y avait point entre eux la relation de maître à esclave. Cependant le pape Victor, dit l'auteur des Philosophumena, voyait avec peine le retour de Calliste, qui était un embarras pour son administration. « Il le fit partir pour Antium, et lui assigna une pension mensuelle pour son entretien. » Il serait bien étonnant que saint Victor eût assigné une pension mensuelle à un homme dont il était mécontent ; dont « il connaissait, dit l'auteur des Philosophumena, la conduite coupable et les méfaits audacieux, » ta tetolmèména. D'ordinaire on ne se montre, dans aucune administration, si généreux envers un perturbateur de l'ordre public. Il y a donc, à cet envoi de Calliste à Antium par le pape saint Victor, une cause sous-entendue volontairement dans le récit du pamphlétaire. Quelle a pu être cette cause? Pour devenir évêque de Rome en 217, et pour être placé, vingt ans auparavant (197), par le pape saint Zéphyrin, à la tête de l'administration ecclésiastique, il a fallu de toute nécessité qu'au préalable Calliste fût prêtre. L'était-il avant sa déportation en Sardaigne? Nous sommes en mesure de répondre négativement. D'une part, en effet, le sixième Canon apostolique défend aux prêtres de s'immiscer dans les affaires temporelles étrangères au ministère ecclésiastique; or, Calliste, en ouvrant une maison de banque, place de la Piscina publica, aurait, s'il eût été prêtre alors, commis une infraction grave à cette règle sacerdotale ; et l'auteur des Philosophumena n'eût pas manqué de la relever. D'une autre part, à moins de prolonger la vie de Calliste au delà des limites ordinaires, ce pape, qui mourut martyr en 222, ne pouvait guère, en 168, époque où vraisemblablement Carpophore l'associa à ses opérations de banque, avoir plus de vingt-cinq ans. Mais ce n'était point la coutume encore de conférer le sacerdoce d'aussi bonne heure ; et si l'on eût fait une exception en faveur de Calliste, l'auteur des Philosophumena, qui n'admet la légitimité d'aucune dispense, eût certainement signalé celle-là comme un abus. D'ailleurs, à cette époque, l'auteur des Philosophumena ne lui donne d'autre titre que celui d'oixétès de Carpophore. Les «frères et les veuves n'avaient, dit-il, confiance en Calliste que parce qu'il était à leurs yeux le représentant de Carpophore. » Si
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Calliste eût été prêtre, il aurait eu, par le fait même, un titre personnel à la confiance des «veuves et des frères. » A quelle époque donc Calliste fut-il élevé au sacerdoce? Pendant sa déportation en Sardaigne ? Cela se pourrait à la rigueur. Mais l'étude du Liber Pontificalis, des Canons et des Constitutions apostoliques, nous a démontré que les ordinations sacerdotales étaient dès cette époque limitées à un titre ecclésiastique1, et réservées à l'évêque propre. Il n'y a donc pas lieu de supposer que Calliste ait été ordonné prêtre durant son exil; et d’ailleurs, s'il l'eût été, il en aurait certainement invoqué le titre, lorsque l'auteur des Philosophumena nous le représente aux genoux d'Hyacinthe et du gouverneur de Sardaigne, pour en obtenir son élargissement. Calliste n'était donc pas prêtre au retour de sa captivité. Il y a donc lieu de croire, ainsi que le fait judicieusement observer Mgr Cruice, qu'à « son retour de Sardaigne, il fut reçu avec le respect dû aux martyrs, et qu'ennobli par ses souffrances, il a été ordonné prêtre et envoyé par saint Victor pour gouverner les chrétiens d'Antium. Cette conjecture paraît d'autant plus probable que, si l'on en croit son accusateur, immédiatement après la mort de saint Victor, Calliste fut rappelé d'Antium et chargé de la direction de toutes les affaires ecclésiastiques2. » Ajoutons que le terme dont se sert ici l'auteur des Philosophumena ne permet pas d'attribuer son ordination à saint Zéphyrin : auton étimèse dit-il. Ce pape « l'éleva en honneur. » Par conséquent Calliste était prêtre, lorsqu'en 197, saint Zéphyrin lui confia l'administration supérieure du clergé romain. Par conséquent, c'était en qualité de prêtre qu'il avait été envoyé à Antium. Et quand, en 217, les suffrages du clergé et du peuple appelaient le confesseur de la foi, le prêtre, le ministre fidèle de Zéphyrin, à s'asseoir sur le trône vacant de ce derniei pontife, clercs et laïques protestaient, en connaissance de cause, contre les calomnies de l'auteur des Philosophumena, et proclamaient la vertu, le zèle et l'innocence de Calliste.
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1. C'est encore le vœu du droit canonique, explicitement confirmé par le Concile de Trente.
2. Cruice, Hist. de i'Êglise de Rome, pag. 6O.
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21. Voilà donc ce qui reste, en dernière analyse, du roman écrit par l'auteur des Philosopimmena. Il se réfute par ses propres contradictions, et, en l'absence de tout autre élément de justification, il suffirait seul à réhabiliter la mémoire du saint pape qu'il a pour but d'outrager. Au point de vue doctrinal et disciplinaire, la preuve s'établit d'elle-même; au point de vue uniquement biographique, quand même tout ce que dit le pamphlétaire serait vrai, quand même, à l'âge de 25 ans, Calliste eût commis un acte répréhensible, croit-on que quinze années de captivité pour la foi, en Sardaigne (I70-IS5), douze ans de ministère sacerdotal à Antium (183-197), vingt années d'administration supérieure sous le pontificat de saint Zéphyrin (197-217), n'eussent pas largement effacé une erreur de jeunesse? Reportons-nous par la pensée à l'époque où l'ancien oixétès de Carpophore, devenu sexagénaire, fut élu pour succéder au prince des apôtres, sur le siège de Rome. Voici en quels termes saint Hippolyte, évêque de Porto, contemporain de Calliste et de l'auteur des Philosophumena, nous décrit la forme usitée en de semblables élections : «L'évêque sera choisi parmi ceux dont la vie aura toujours été irréprochable, il sera par tout le peuple, comme le plus digne. Quand son nom aura été proclamé et accueilli une première fois par l'assemblée, le peuple se réunira, un jour de dimanche, avec le presbyterium et tous les évêques présents. Le président interrogera de nouveau le presby-terium et le peuple, et demandera si c'est bien là l'évêque qu'ils élisent. Après une première réponse affirmative, il les interrogera encore pour savoir si l'élu a réellement le suffrage de tous ; s'il est digne des sublimes fonctions auxquelles il va être appelé ; si sa conduite envers Dieu a toujours été celle d'une piété sincère ; s'il a toujours observé les règles de la justice dans ses relations avec les hommes ; s'il a chrétiennement administré ses affaires de famille et mené une vie irréprochable. Quand l'assemblée aura encore témoigné que telle a été la conduite de l'élu; que c'est là un jugement fondé non sur des sympathies préconçues, mais sur la vérité; l'interrogation sera répétée une troisième fois par le président, qui adjurera le peuple, au nom de Dieu et du Christ,
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juge suprême, au nom du Saint-Esprit, de tous les saints et des anges, de déclarer si l'élu est digne de ce redoutable ministère. Quand une troisième fois, l'assemblée aura manifesté son assentiment par des acclamations de joie, alors trois évêques procéderont à l'ordination de l'élu 1. » Cette forme d'élection, qui fut celle de saint Calliste au souverain pontificat, nous permet d'affirmer que le clergé et les fidèles de Rome ne croyaient pas un mot des griefs articulés par l'auteur des Philosophumena, contre le ministre de Zépbyrin.
N. B. L’auteur des philosophumena fut un antipape.